cinq

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  La fermière passa sa tête par l'entrebâillement de la porte coulissante.
—Vous avez pu vous installer ? questionna-t-elle Jooheon qui terminait de fermer sa valise.
—Oui, j'ai rangé quelques affaires dans cette commode, annonça alors ce dernier avec un enthousiasme qui aurait presque sonné faux. Jeon Sunhee lui intima de la suivre et ils traversèrent la maison en sens inverse avant de se retrouver dehors.
—C'est tout là-bas qu'on va, déclara-t-elle en pointant du doigt une direction floue.
  Ils marchèrent une dizaine de minutes avant d'accéder au champs où s'étendaient à perte de vue des arbres fruitiers. Ils se faufilèrent entre plusieurs allées avant de tomber sur un homme accroupi, couvert d'un chapeau de paille. Madame Jeon l'appela gentiment, et il se releva. Lorsqu'il souleva son couvre-chef, Jooheon fut surpris de découvrir un jeune adulte qui devait approximativement partager le même âge que lui. Des cheveux d'un brun clair encadraient son visage parsemé de gouttes de sueur. Un large sourire ne tarda pas à soulever ses pommettes. Ses mains gantées tenaient chacune un nashi, mais il réunit les deux fruits dans une seule pour tendre la seconde à Jooheon.
—Enchanté, je suis Lee Minhyuk !
  Jooheon lui serra la main faiblement, répondant à ses présentations par son propre nom.
—Minhyuk, je te le laisse, tu pourras lui faire découvrir le métier. Pendant ce temps je vais aller préparer à manger, on ne va pas tarder.
  La fermière salua le jeune homme et son apprenti et reprit le chemin en sens inverse. Minhyuk la regarda partir puis reporta son attention sur le nouveau venu.
—Tu viens de Séoul, c'est ça ? interrogea-t-il en déposant les nashis dans un large panier.
—Oui, c'est ça.
—Est-ce que tu as déjà eu des expériences dans le milieu de l'agriculture ?
—Mon père tenait une ferme aussi, mais maintenant elle lui sert de maison de repos pour lui et ma mère.
  Minhyuk acquiesça, prenant en compte les informations.
—Bon, je vais alors t'introduire au métier de maraîcher ! Tu verras, c'est passionnant. Là par exemple, je ramassais les nashis, c'est assez simple. Mais il va aussi falloir ratisser un champs, et ce à la main. Il y a beaucoup d'autres choses à faire mais c'est essentiellement ce à quoi tu devras aider cette semaine, on est en pleine période de récolte, alors tu vas en voir des fruits.
  Un léger rire s'échappa de sa gorge et il entraîna à sa suite Jooheon. Il commença par lui expliquer la méthode pour la récolte des nashis.
—Il te suffit simplement d'enlever les feuilles et les tiges, et tu les mets dans un panier. C'est super facile, mais très long.
  Il agita son doigt dans la direction de quelques allées.
—Depuis ce matin, j'ai fait tout ça. Alors autant te dire que ça va pas vite !
  Il fit une courte démonstration puis emmena Jooheon jusqu'à un cabanon, à l'extrémité du champs. Une forte odeur s'en dégageait, et le jeune homme porta par réflexe ses doigts à son nez.
—Oui, ça pue, gloussa alors Minhyuk. Ça vient de ce bac, juste là. C'est du crottin, pour engraisser les pousses ! Et tu vas probablement devoir y passer aussi.
  Se retournant, il ouvrit la porte du cabanon et une horde d'outils apparurent devant les yeux de Jooheon. Ce dernier observa tout ce matériel agricole avec curiosité. Minhyuk attrapa quelques outils et les désigna.
—Tu devras utiliser ceux-là pour ratisser. Je te montrerai le moment venu comme on s'en sert.

  Ils parcoururent par la suite les différentes parcelles, Minhyuk présentant tous les fruits qui s'y trouvaient. Jooheon se rendit alors compte au fur et à mesure de sa visite du plaisir que le jeune apprenti avait à travailler. Il avait l'air d'apprécier son métier, d'être dans son élément.
  Sur le chemin du retour, Minhyuk se mit à bavarder avec lui.
—Et toi, alors, tu bosses dans quoi ? Tu es en vacances là ? demanda-t-il à Jooheon.
—Non, pas vraiment, répondit le concerné. Je travaille en tant que maquettiste, mais là je suis en arrêt maladie.
  Minhyuk fronça les sourcils, surpris.
—Tu es malade ? Mais tu ne devrais pas plutôt te reposer pour te soigner ?
—C'est pas vraiment une maladie, en fait. Le médecin m'a diagnostiqué un burn-out, alors il faut surtout que je me change les idées.
  Son interlocuteur hocha la tête, attentif à ce que lui disait Jooheon. Ce dernier évoqua quelques détails mais resta relativement discret quant aux raisons de son burn-out. Minhyuk remarqua qu'il changea vite de sujet, l'angoisse avait commencé à se faire ressentir derriere ses paroles.

  Ils arrivèrent à la ferme et retrouvèrent la propriétaire en pleine activité devant les fourneaux. Une délicieuse odeur de curry flottait dans l'air. Jooheon s'empressa de s'asseoir, soudainement fatigué.
—Tu m'as l'air bien pâle, annonça Minhyuk en l'observant, le sourcil levé.
—J'ai simplement mal au ventre, tenta de le rassurer le jeune homme assis. Ça va passer. J'ai des médicaments.
—Voulez-vous que j'aille vous les chercher ? proposa la fermière.
  Jooheon se redressa et secoua la tête.
—Ne vous inquiétez pas pour moi, je vais y aller.
  Il quitta la pièce d'un pas nerveux et partit dans sa chambre. À genoux devant sa valise, il fouilla dans sa petite trousse de secours, à la recherche de ses médicaments. Une plaquette de pillules en main, il se redressa et porta automatiquement un regard vers le lit. Sur les draps reposait son téléphone. Hésitant, il attrapa le cellulaire avec réticence et le ralluma. Il découvrit de nouvelles notifications non-lues. Les messages provenaient toujours du même groupe. Il n'osa pas les lire et quitta aussitôt  l'application. Il retrouva Minhyuk et Madame Jeon dans la cuisine, tous deux déjà installés à table.
—On vous attendait ! Vous avez trouvé vos médicaments ? demanda la femme tandis que son invité s'installait à son tour.
—Oui... je les ai.
  On lui tendit une paire de baguettes et il fut prié de se servir de ce qu'il désirait. Il réunit quelques morceaux de chou dans son assiette, mais lorsqu'il voulut en manger un, il dut se lever et se précipiter aux toilettes pour vomir. Le liquide acide lui brûla l'œsophage et fit se former une larme de douleur au coin de son œil. Tandis que ses hôtes arrivaient vers lui, inquiets, il fut pris d'un second élan et déversa une nouvelle fois le contenu de son estomac dans la cuvette. Une main réconfortante se posa sur son épaule. C'était celle de Minhyuk.
—Prenez-soin de lui, je vais chercher de l'eau et des serviettes, lança-t-il avant de s'éclipser.
  Madame Jeon aida le jeune homme à se relever et l'emmena dans sa chambre pour l'allonger. Elle déposa à côté de lui une bassine vide et remonta sur lui les draps.
—Reposez-vous bien. Si vous vous sentez trop mal, ce n'est pas la peine de travailler demain.
—Je pense que ce sera passé demain, dit Jooheon en essayant de se relever.
  Madame Jeon l'en empêcha.
—Restez bien allongé, Minhyuk va s'occuper de vous.
  Elle quitta la pièce quand l'apprenti arriva, les mains chargées. Il fit gicler à plusieurs reprises l'eau parterre avant de s'asseoir à côté de Jooheon.
—J'ai fait le plus vite possible... mais j'ai mis la moitié de l'eau à côté, rit-il.
  Le malade se redressa malgré les recommandations de Madame Jeon et soupira. Les yeux captivés par le drap, il sursauta quand il sentit les doigts froids de Minhyuk se poser sur son front.
—J'ai de la fièvre ? demanda-t-il, troublé.
—On dirait bien que non, rétorqua l'apprenti en reculant son poignet. Je ne sais pas si ça vaut le coup que tu poses une serviette humide sur ton front dans ce cas. Est-ce que tu as encore mal au ventre ?
  Jooheon hocha la tête. Il passa automatiquement sa main sur son abdomen.
—Depuis quand as-tu mal ?
  Il ne fallut pas longtemps au concerné pour trouver la réponse.
—Ça a commencé plus tôt dans la journée, confessa-t-il. Le médecin m'a dit que la douleur était liée au stress, mais c'est la première fois que je vomis.
—Il s'est passé quelque chose aujourd'hui ?
  Minhyuk vit le jeune homme nier avec peu de conviction, mais il ne chercha pas à en savoir plus. Son regard se posa finalement sur le ventre en partie dénudé de Jooheon.
—Je vais te chercher une bouillotte, ne bouge pas. Tu voudras que je t'apporte un verre d'eau, aussi ?
  L'intéressé hocha timidement la tête. Il était peu habitué à être soigné ainsi, il se sentait comme un enfant patientant que sa mère lui donnât un cachet. Il attendit effectivement quelques minutes avant que Minhyuk ne fût de retour, la bouillotte fumante sous le bras et un verre d'eau dans la main. Il s'agenouilla une nouvelle fois aux côtés de Jooheon et déposa sans demander son reste la bouillotte sur le ventre clair.
—C'est pas trop chaud ? demanda-t-il en voyant les yeux du jeune homme s'arrondir.
—U-un peu.
  Toujours sans la participation du malade, il souleva la source de chaleur et tira le haut de ce dernier pour recouvrir la peau de tissu. Il reposa ensuite la bouillotte et lança un regard satisfait à Jooheon.
—C'est bon, là ?
—Parfait.
—Tu as soif ?
  Il tendit le verre d'eau et soutint les mains de Jooheon lorsqu'elles l'attrapèrent, comme si elles n'étaient plus capable de contenir quoique ce soit. Leur propriétaire se laissa faire, dépourvu et étranger aux tendances haptiques de l'apprenti. Minhyuk commençait à lui apparaître comme très tactile, et il n'était absolument pas habitué à ce genre de comportement.

採摘 • la cueillette Où les histoires vivent. Découvrez maintenant