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  Avançant sous le ciel rougissant, Minhyuk regarda l'heure sur son téléphone à clapet. Seize heures passées. Son sac sur le dos, il eut vite fait de descendre la rue et de se retrouver devant le portail de Madame Jeon. Il retrouva cette dernière assise dans la cour, triant des haricots dans une large bassine.
—Bonjour ! lança-t-il avec entrain.
  La fermière le salua et remarqua immédiatement sa joie inhabituelle. D'un regard significatif, elle le questionna sur la raison de son état et il s'empressa de s'approcher d'elle en retirant son sac.
—J'ai ramené quelque chose pour Jooheon, se justifia-t-il. Il est à l'intérieur ?
—Il est parti.
  Minhyuk s'arrêta dans sa lancée, éberlué. Il attendit quelques secondes, assimilant la nouvelle, puis s'accroupit près de la vieille femme.
—Comment ça ?
—Il a eu une urgence à son travail et a pris le bus en fin de matinée. Je n'ai pas plus d'informations sur ce qu'il avait à faire.
  Les sourcils de l'apprenti se froncèrent au mot « travail ». Il récupéra son sac et, silencieux, il rentra. Alors qu'il arrivait dans la cuisine, il passa sa tête par la porte et s'adressa à Madame Jeon :
—Il n'a pas laissé quoique ce soit, comme un numéro par exemple ?
  La fermière secoua la tête sans pour autant se retourner. Dans un soupir, Minhyuk s'assit à table. Il se mit à réfléchir à un moyen de retrouver le jeune homme dans la capitale mais se découragea vite, c'était impossible. Frustré, il en voulut au patron de Jooheon. Cet enfoiré n'était pas fichu de laisser ses employés tranquilles. Après plusieurs minutes de réflexions vaines, il se leva et retourna voir la fermière pour l'aider dans sa tâche.

  Assis près d'elle, il lui fit part de ses inquiétudes quant à Jooheon.
—Son chef le fait revenir alors qu'il n'a même pas entièrement récupéré de tout le stress qu'il a subi. Je ne sais même pas s'il se sentait mieux ou reposé, cet abruti n'a pas arrêté de le contacter. Je le voyais, à chaque fois Jooheon était tout bizarre. Dès qu'on parle de son travail, il se met à angoisser. Je ne comprends pas pouquoi il ne quitte pas son job.
—Tu sais, commença Madame Jeon d'une voix calme, je pense que, dans le milieu où il vit, c'est compliqué de retrouver un boulot convenable après. Il risque de se retrouver avec des emplois moins bien payés ou bien présentant de mauvaises conditions de travail. Il doit considérer le fait d'avoir un poste plus important que celui d'être épanoui à son travail. C'est de la simple prudence. Tout coûte si cher en ville, c'est un cycle infernal dont tu as beaucoup de mal à t'extirper, Jooheon en est la preuve. On arrive là-bas avec pleins de projets et d'espoir, et à la fin on se retrouve vidé.
—Ça me rend fou, conclut Minhyuk, agacé. Je ne veux jamais vivre comme ça. C'est déshumanisant !
  Madame Jeon acquiesça silencieusement, le regard rivé sur les légumes. L'esprit de Minhyuk divaguait entre déception et colère, et ses émotions ressortaient dans ses gestes, brefs et irrités. Lorsque la bassine fut pleine et les haricots prêts, il porta le tout dans la cuisine et aida à la préparation du dîner. Il alla ensuite s'installer dans le salon pour bouquiner tandis que la fermière mettait la table. Lorsqu'il leva son regard du livre, il remarqua la disposition des couverts.
—Madame Jeon, appela-t-il en se levant et en s'approchant de la table. Vous avez mis un couvert en trop.
  La vieille femme sembla ne pas comprendre l'intérêt de sa remarque et recompta, pour être sûre.
—Non, nous sommes trois à manger, il y a trois places.
  Sans faire attention à l'incompréhension qu'affichait le visage de Minhyuk, elle se tourna pour baisser le feu sous l'une des casseroles.
—Nous n'allons pas tarder d'ailleurs, il faut juste attendre le retour de Jooheon.
  L'apprenti échappa un « Quoi ? » surpris et s'empressa de questionner :
—Vous voulez dire qu'il n'était parti que pour la journée ?
—Oui, il m'a dit qu'il serait de retour pour le souper !
  Une exclamation de joie sortit de la bouche de Minhyuk avant qu'il ne s'en rende compte. Il regagna son sourire et se précipita dehors pour l'attendre.
—Il revient par bus ? cria-t-il à Jeon Sunhee, qui lui répondit de loin par un oui.
  Sans attendre, l'apprenti s'en alla arpenter la rue, cheminant jusqu'à l'arrêt d'autobus dont il était arrivé plus tôt. L'attente lui sembla ne jamais terminer, mais, après de longues minutes, il vit finalement un le large véhicule s'approcher puis s'arrêter. Il se leva du banc et observa la porte s'ouvrir en coulissant, attendant Jooheon. Ce dernier apparut dans l'encadrement rapidement, une sacoche sur l'épaule, et sourit lorsqu'il aperçut Minhyuk. Il descendit les marches avec enthousiasme et se retrouva face à l'apprenti qui le serra dans ses bras. Pris au dépourvu, Jooheon se laissa faire, amusé.
—Je ne pensais pas te trouver là entrain de m'attendre, avoua-t-il alors que Minhyuk se détachait de lui, rassuré.
—Et moi je ne pensais pas que quand je rentrerais, tu serais parti !
  Jooheon lâcha un rire gêné, puis leva innocemment les mains.
—Mais je suis de retour !
  Minhyuk lui affligea un coup inoffensif au torse et sa mine s'assombrit légèrement.
—Ton patron t'a demandé de faire un truc, affirma-t-il sans demander.
  Le regard de Jooheon se voila de culpabilité.
—Je sais ce que tu penses, avoua-t-il d'un ton réticent.
  Étonné, l'apprenti leva un sourcil, l'incitant à continuer.
—Que je suis faible d'avoir répondu à ses appels, et d'être même rentré pour travailler.
—Tu n'es absolument pas fautif de quoique ce soit, ni d'être faible, ni d'accepter de travailler. Quand on subit une telle pression, n'importe qui ferait comme toi. Pour l'instant, la seule chose à laquelle je pense, c'est que j'aimerais casser la figure de ton patron.
  Un soupir amusé mais aussi rassuré glissa entre les lèvres de Jooheon. Alors qu'il ajustait la bride de la sacoche sur son épaule, Minhyuk passa un bras dans son dos et l'entraîna pour traverser la route. Ils descendirent la rue avec bonne humeur, chacun rassuré d'être avec l'autre.
 

採摘 • la cueillette Où les histoires vivent. Découvrez maintenant