Chapitre 5

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Le froid me prend à la gorge et les bourrasques de vent, glaciales, me mordent les joues malgré mon cache-col remonté sur mon nez. Nous avons reçu l'ordre ce matin de mettre le cap à l'Est dans la plus grande discrétion, vers un repaire des rebelles caché à flanc de montagne. Voilà comment une centaine de soldats frigorifiés se sont retrouvé à crapahuter à travers champs en plein mois de décembre, à se tordre les chevilles sur des mottes de terre glacées et à éternuer en tentant de rester le plus silencieux possible. On dirait presque le début d'une mauvaise blague...

Fort heureusement, les contreforts de la montagne se révèlent doucement dans la brume matinale, rassurant quelque peu nos esprits désespérés. Je me prépare psychologiquement à une nouvelle bataille, même si je n'en ai aucune envie. Depuis la mort de Neji, je n'ai plus tué une seule personne. Me rendre compte de ce que j'avais fait inconsciemment m'a dégoûté et me savoir capable de cela m'a, à dire vrai, un peu fait peur. En aucun cas je ne veux retomber dans une de ces folies meurtrières où tout ce qui passe dans mon viseur finit par mourir. Je veux bien me défendre, mais ôter la vie sans raison m'arrache des frissons d'horreur. Je ne fais que mettre hors d'état de nuire, sans jamais aller plus loin.

Je regarde autour de moi ; Shikamaru n'est pas très loin derrière. Je ne le connais pas depuis longtemps, mais il est peut-être la seule personne de ce régiment à qui je fais entièrement confiance. Il était juste à côté de moi à l'infirmerie cet été après l'assaut de notre abri. Cloués au lit tous les deux par ordre indiscutable de Sakura, nous avons sympathisé en discutant de tout et n'importe quoi pendant deux jours. Et puisque nous nous sommes bien entendus, nous avons continué par la suite à discuter de tout et n'importe quoi. Il est un peu fainéant sur les bords, mais j'apprécie ce côté « je-m'en-foutiste » de sa personnalité.

En observant bien, je remarque que Sasuke n'est pas loin non plus. Il détourne encore les yeux quand nos regards s'entrechoquent, mais ça ne me fait plus rien. Je crois que je me suis habitué à cette présence éthérée qui me suit tout le temps. En quelque sorte, elle me rassure. Sasuke ne m'a jamais inspiré la crainte, même quand il est devenu distant et agressif lorsque nous sortions ensemble ; ce n'est pas maintenant que je vais avoir peur de lui. Si c'est sa manière de se racheter une conduite après toutes ses erreurs, je ne la lui refuse pas. Je le laisse prendre cette opportunité à son rythme, et s'il en reste à ce stade, tant pis. Au moins je lui aurais donné une seconde chance.

En reposant mon regard devant moi, j'avise notre superviseur de mission qui fait de grands signes pour nous réunir. Apparemment, nous touchons au but. Kakashi – puisque c'est ainsi qu'il désire se faire appeler – nous rappelle rapidement nos rôles et la composition des diverses équipes, ainsi que le timing à respecter. Nous vérifions l'heure sur nos montres, et nous répartissons en petits groupes d'attaque. Pour ma part, je me retrouve avec Hinata, ce qui me rassure déjà : avec son expérience du terrain, je sais que je peux me fier à son jugement en cas de coup dur. Quant aux trois autres membres de l'équipe, je ne les connais guère que de vue, et j'ignore même leurs prénoms.

Nous vérifions une dernière fois nos équipements, et partons à l'assaut du petit sentier cahoteux qui mène au repaire. L'ascension n'est pas des plus faciles, mais au moins a-t-elle le mérite d'être courte. Après avoir trébuché trois fois sur des pierres verglacées, je pose le pied sur une des corniches qui sert d'entrée aux rebelles. Une dernière fois, je plonge ma main dans une des poches de mon pantalon et serre fort le collier d'identification de Neji. Hinata, elle, vérifie que nous sommes tous là, et nous pénétrons dans le couloir en cherchant notre chemin à tâtons, dans une semi-obscurité angoissante. Ce n'est pas la première fois que je participe à une mission de ce genre, mais jamais nous ne nous sommes attaqués à une si grande base. J'ignore donc l'anxiété qui commence à serrer mon estomac, et tends l'oreille pour être sûr que nous ne sommes pas suivis. Je ferme la marche et j'ai donc la responsabilité de tout ce qu'il peut se passer derrière nous. Ce n'est pas très facile comme rôle mais je l'assume autant que je le peux. C'est toujours mieux que d'ouvrir le chemin et de devoir, en conséquence, se débarrasser d'éventuels gêneurs avant qu'ils ne donnent l'alerte. Ce rôle-là, je le laisse volontiers à Hinata qui s'en sort bien mieux que moi, je l'avoue.

On était très cons à vingt ansOù les histoires vivent. Découvrez maintenant