Chapitre 6

61 9 29
                                    


J'étais en train de me sécher, en écoutant les autres essayer de discuter comme s'il ne s'était rien passé, quand je vis deux silhouettes sombres s'approcher de moi.

« Et merde » soupirais-je.

C'étaient Kat et Dray.

« Je suis à peut près certaine que tu n'étais pas censée tabasser ton beau gosse, Francesca, lança Kat d'un ton amusé.

-Je l'ai pas tabassé, répondis-je sombrement. Je me suis juste défendue.

-T'as eu raison, dit Dray avec bonne humeur. Ce type a l'air particulièrement con, même s'il est canon. »

Mes amis les regardaient sans rien dire, mais je sentis que la remarque les avait choqués.

« Une minute, depuis quand vous êtes là, tous les deux ? Demandais-je, prise d'un élan de suspicion.

-On ne t'a pas vraiment quittée, en fait, mais on est restés en retrait. C'est dangereux pour nous d'être trop loin de toi quand on est dans ton histoire. »

Je préférai ne pas relever cette dernière remarque, et enfilai une petite robe d'été parfaitement adaptée à la plage. Je n'avais pas pensé à prendre de quoi me changer en partant, mais je l'avais sortie de mon sac quand j'en avais ressenti le besoin, en même temps qu'une paire de lunettes de soleil.

« Ce sont des amis à toi, Frances' ? Me demanda Sheylla.

-Pas vraiment, en fait...

-Elle nous héberge, me coupa Dray. On est de la famille éloignée, c'est la première fois qu'on vient en Amérique, alors on essaie de rattraper le temps perdu. »

Il insista lourdement sur son accent british, tout en adressant à mon amie un sourire rassurant.

« Ah, super, tu en as de la chance Frances' ! » dit-elle simplement. Dray la regardait avec intensité, et à ma grande surprise, elle s'éloigna rapidement de nous pour s'asseoir à côté de Marco.

« Qu'est-ce que tu lui as fait ? Demandai-je avec colère.

-Je libère des lignes de dialogues, elle est bien mieux là-bas, fit-il avec nonchalance. Mais dis-moi plutôt, toi, qu'est-ce que tu fais ? Pour quelqu'un qui ne veut pas prendre de distance avec la narration originelle, tu es étrangement critique. »

Kat ne disait rien et regardait ses ongles avec attention, même s'il était clair qu'elle ne perdait pas une miette de la conversation.

« Allez, laisse tomber ces conneries de Virginity Game, insista-t-il, ça se voit que ça te saoule, tout ça. Si tu pars en quête avec nous tu pourras vivre du vrai suspense, et des rebondissements imprévisibles. Et puis tu pourras apprendre à canaliser tes pouvoirs de personnage autonome, pour influencer les récits à ta guise. »

Je ne savais pas quoi dire. Mon esprit était encore embrouillé par ces histoires, mais je sentais croître en moi un désir d'indépendance que les propos de Dray titillaient.

« Une fois Lord B. neutralisé, on te ramènera ici, et tu pourras faire ce que tu veux de ton monde. C'est possible de le modeler à ta guise, avec un peu d'entraînement. Ton autrice dira qu'elle « se sent inspirée » et que « les personnages agissent tous seuls », et toi tu feras tout ce que tu veux.

-Dray... intervint Kat.

-Non, c'est vrai, c'est possible de prendre l'ascendant sur l'auteur. Certains personnages résistent même aux trames narratives prédéfinies.

-Dray, regarde ça ! » Le coupa à nouveau Kat. Cette fois-ci, il se tourna dans la direction qu'elle lui indiquait, et son sourire fondit.

« Et merde, il nous a retrouvés. »

On a brisé le quatrième murOù les histoires vivent. Découvrez maintenant