Prologue

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L'enfant s'était enroulée dans son unique couverture qu'il chérissait depuis ses premiers souvenirs. Son lit était trop court pour lui. Il avait grandi si vite, si soudainement. Ce n'était pas normal, ça, il le savait. Il n'osait pas s'en plaindre, mais il dormait mal et depuis ce matin-là, il souffrait d'une douleur aux yeux et au crâne.

En premier temps, tout était calme. Il n'entendait que les hiboux hululer à l'extérieur. Pour une fois, il avait passé une bonne journée, sans se faire gronder. Il en demandait toujours trop, d'après ses parents. De son point de vue, il n'en avait pas assez. Il n'avait pas d'ami et il n'interagissait qu'avec quelques individus précis. C'était difficile. Il ne comprenait pas pourquoi ils étaient si craintifs, si stricts. Et il n'y avait jamais d'explications.

Il ferma les yeux, satisfait de son confort.

— Il ne sera jamais temps ! tonna son père de substitution.

De l'autre côté de la porte en bois rongée par le temps, les voix se faisaient soudainement agressives. Le petit enfouit son visage dans son oreiller sale en espérant étouffer leurs voix.

— Il va bien falloir qu'il vive, rétorqua la mère. Un jour, nous ne serons plus là !

Le silence régna pendant un long moment.

— Il arrive ce soir, répondit l'homme, la mine morose.

— Je n'aime pas ça, avoua son amoureuse.

— Nous n'avons pas le luxe du temps. Ne m'arrête pas. Tu sais que c'est plus grand que nous. C'est important.

La maisonnette était si mal isolée que le garçon entendit le son distinctif d'une main qui giflait un visage. Un grognement retentit et des bruits de bottes lourdes se firent de plus en plus distincts.

On s'était arrêté devant la porte de sa chambre. C'était son père ; il le savait. Il connaissait sa façon de marcher, la cadence de ses pas. Il ne s'était jamais montré violent. En fait, il encaissait bien le caractère fougueux de sa mère.

Il soupira, semblant désespéré. Il ouvrit une porte, mais pas celle que le petit avait anticipée, mais celle qui menait à l'extérieur.

Il avait ignoré les soucis de son amoureuse, encore. Il croyait sûrement encore qu'il prenait la meilleure décision pour la famille.

— N'y va pas, supplia-t-elle.

Ce n'était vraiment pas son genre de s'abaisser. Elle réclamait d'ailleurs que ce fût cette flamme qui avait aguiché Krûnan.

— Je ne le connais pas. Tu ne le...

Elle s'était interrompue dans un grognement aussi piteux que rageux. Il lui avait sûrement fait signe qu'il ne désirait plus rien entendre. Sa décision était prise. Il continua son chemin et ferma la porte doucement derrière lui.

— Krûnan ! jappa-t-elle.

Il ne répondit pas.

Argoshin détestait quand sa mère était contrariée qu'importe la raison. Elle avait toujours été là pour lui, contrairement à Krûnan qui s'était pointé quatre hivers passés. Certes, c'était plus que la moitié de l'existence du garçon et il s'était généralement bien comporté avec eux, mais le jeunot ne pouvait s'empêcher de favoriser sa mère. Elle était coincée dans la méfiance et lui aussi.

Krûnan faisait quelque chose qui ne lui plaisait pas du tout. Il allait parler à... un étranger ?

Argoshin se détendit aisément et ferma les yeux. Peu à peu, un nouveau monde autour de lui prit forme. Il pouvait ressentir le flux de la vie de toutes les créatures à proximité. Sa mère, pleine d'énergie, était en bonne santé, mais comme tous les autres, il pouvait sentir sa vie s'éteindre à petit feu. C'était comme un sablier, des centaines de sabliers, qui ne s'arrêtaient jamais et ça le rendait anxieux de savoir tout ça.

1 - La fille de la tempêteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant