Chapitre 18

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Cette mission aurait pu se passer d'une centaine de manières différentes. Et pourtant, la façon dont tourna les choses était la dernière alternative que Lilou et Théo avait envisagé. En arrivant sur le lieux du rendez-vous, près de la baie, Tony n'avait eu de cesse de leur répéter les mêmes indications : la principale étant que, quoiqu'il arrive, il fallait éliminer toute personne qui se mettrait en travers de leur chemin et surtout, ne pas se faire coffrer. Lilou, comme depuis le début de la mission, était restée dans son rôle, murée dans le silence. Théo, elle, avait longuement discuté avec Tony durant le trajet, jetant assez régulièrement des regards tendres vers sa bien-aimée à l'arrière du 4x4 dans lequel ils étaient.

Les deux femmes s'étaient psychologiquement préparées à faire la chose la plus dure de leur vie : récupérer des prostituées en sachant l'enfer qu'elles allaient endurer. Elles allaient être privées de leur liberté et les deux policières étaient forcées de jouer le jeu, de leur faire peur et de ne pas prendre de pincettes. Lilou détestait cette idée, d'autant plus qu'elle savait que Jane ferait partie de ses femmes sur la digue.

Il faisait déjà nuit noire lorsque Lilou, Théo et Tony quittèrent le véhicule. Tout se passa très vite. Dans le feu de l'action, Théo suivit Tony jusqu'à un container. Rapidement ouvert, les deux policières découvrirent une quinzaine de femmes entassées les unes sur les autres, toutes avec plus de peur dans le regard que la précédente. Le cœur de Lilou se fendait à cette vision. Mais ce qui fut plus dur encore fut la suite des événements.

Un bruit de portières attira l'attention de Tony, qui fit volte face. Dans son dos, l'agent Williams pouvait sentir les muscles du jeune homme se tendre. L'atmosphère venait d'être modifiée, s'emplissant d'anxiété en quelques secondes à peine. Cela fit naître un certain malaise chez Lilou. Cette dernière n'eut pas besoin de se retourner pour comprendre que quelque chose n'allait pas. Ses atomes venaient de s'électriser en elle. C'était une sensation qu'elle n'avait pas ressenti depuis des années et, cela lui fit encore plus peur que ce qui était en train de se produire dans son dos. Portant rapidement ses doigts contre la pierre dorée qui ornait le pendentif qu'elle avait autour du cou, Lilou fut rassurée de ressentir la brûlure significative qui lui rappelait ses origines.

- Y'a les flics ! Cria Tony en sortant son arme.

Se fut au tour de Théo de faire volte-face. Dans une réaction presque surhumaine, la brune se plaçait devant Tony, faisant barrage de son corps pour éviter qu'il ne tue l'un des agents. Le regard si expressif de l'agent Williams fut teinté par la peur, pour la première fois depuis le début des opérations. Devant elle, l'ancien agent du FBI venait de reconnaître leur équipe. La personne qui lui faisait face, bien qu'elle soit éloignée de quelques centaines de mètres était son propre père, Mark James. Rien que par sa carrure et sa nonchalance habituelle, Théo l'aurait reconnu entre mille.

- Asher avait raison, paniquait Tony dont la voix monta de quelques octaves. Vous êtes des flics !

Ne prenant même pas la peine de répondre, l'agent Williams fut forcée de prendre une décision rapide, sur le vif. Elle dégaina l'arme que Tony lui avait donné quelques heures plus tôt, dans la voiture, et tira un coup rapide, et précis. Elle vit la silhouette de son père être projetée vers l'arrière d'une épaule et compris qu'elle avait du toucher sa clavicule ou son bras.

- Dis pas de connerie Tony !

- On se barre ! S'exclama Lilou avec fermeté en empoignant l'épaule de l'une des filles.

Ils forcèrent ensemble les autres à les suivre, à l'aide de leurs armes, et les incitèrent à monter dans le van garé à proximité. Les agents de police venaient de répliquer et désormais, les coups de feu retentissaient dans l'entièreté de la baie. L'une des balles atteignit l'une des prostituées, une jeune femme blonde d'une vingtaine d'années à peine. Elle s'écroula sur le sol avant d'avoir eu le temps de monter dans le véhicule avec les autres. Lilou voulut la récupérer mais Tony ne lui en laissa pas le temps. Tournant la clé sur le contact, il démarra le van sans attendre. Théo eut juste le temps de fermer les portes arrières du véhicule avant qu'elles ne soient propulsées hors de la camionnette.

- On a eu chaud, soupira Théo, relâchant enfin la pression.

- Bien joué les filles, concéda Tony en laissant s'échapper un petit rire anxieux.

Jane était blottie dans un coin du véhicule, non loin de ses deux collègues, habillée de manière fortement dénudée. Elle observait la scène qui se déroulait devant elle, témoin d'un geste tendre qui l'aurait fait défaillir si elle n'avait pas été sous couverture. Le regard que Lilou venait de lancer à Théo était empli d'amour. Un amour sincère et vrai. Jamais sa meilleure amie n'aurait pu feindre unetelle intensité dans son regard, Jane le savait. Son cœur fit un bond dans sa poitrine. Malgré la peur qui lui tiraillait le ventre quant à la suite des événements, elle était heureuse pour Lilou. Dans un geste tout aussi tendre et doux, Théo attrapait la main de la jeune policière aux cheveux châtains et entrelaçait leurs doigts. La brune avait besoin de sentir la présence de la cadette des Danvers afin de ne pas penser au fait qu'elle venait de tirer une balle, d'un gros calibre qui plus est, dans l'épaule de son père adoptif.

Quand ils arrivèrent à destination, Lilou et Théo furent les premières surprises par l'endroit où elles se trouvaient. La route leur avait paru incroyablement longue et Théo ne savait pas dire si c'était parce que Tony avait volontairement fait des détours pour les désorienter ou si cette perte de notion du temps était simplement dû au fait qu'elle ne cessait de penser à son père. Ce dernier occupait toutes ses pensées. La seule chose qui la ramenait parfois à la réalité, durant quelques secondes seulement, était la douce caresse du pouce de Lilou sur sa main qu'elle savait moite. L'agent Williams avait la mauvaise impression de perdre pied.

Toujours était-il que, désormais hors du véhicule, elles avaient tout le loisir de contempler les environs. En réalité, elles n'avait jamais bougé de la digue, si ce n'est de quelques centaines de mètres. En effet, maintenant, les deux policières savait que leur conducteur avait conduit volontairement durant un long moment pour semer les forces de police de la ville. Faisant face à un vieil entrepôt délabré, juste suffisamment en hauteur sur la digue pour que la mer ne s'abatte pas à ses pieds. Les deux femmes échangèrent un regard. Combien de corps la police de Chicago avait-elle retrouvé dans cette partie de la mer sans qu'on ne s'aperçoive que le lieu du meurtre était juste devant leurs yeux ? Incontestablement, Asher leur avait tendu un piège en guise de test. Peut-être même que ce dernier les avaient observés du haut du bâtiment à l'abandon. Lilou n'osait même pas imaginer ce qui leur serait arrivé si Théo n'avait pas tiré sur leur capitaine. Comme cela avait était le cas pour les deux coéquipières, les yeux de Jane s'ouvrirent ronds, comme des soucoupes, lorsqu'elle descendit du van. Tout était sous leur nez depuis le début, et bien plus encore.

Asher les attendaient dans le hall d'entrée. Il réquisitionna la cargaison de prostituées, s'éclipsa un instant avec les quelques filles et revint, à peine quelques secondes plus tard. Dans chaque coin de la pièce, beaucoup trop vaste pour que les deux femmes ne voit la totalité des lieux, se situaient des cages. Dans ses dernières, des personnes semblaient rangés par genre : les prostituées d'un côté, les enfants d'un autre, et des femmes, visiblement droguées ou en manque, dans un autre coin.

- Bienvenues, déclara l'afro-américain en ouvrant ses bras. Vous prendrez rapidement vos marques ici, je n'en doute pas, mais il y a certaines choses que vous devez savoir.

Tony se racla la gorge pour intervenir mais Asher l'arrêta d'un signe de la main. La lueur qui perçait dans le regard de l'afro-américain, presque animale, quasiment prédatrice, et pourtant emplie de fierté, fit froid dans le dos de Lilou. Elle pouvait y lire toute la folie qui l'habitait. Jordan ne leur avait pas menti.

- Si j'apprends, d'une quelconque manière, qu'une information, même minime, a fuitée, vous ne reverrez jamais la lumière du jour.

Le sérieux qui perçait dans sa voix aurait fait se retourner un mort dans sa tombe. A aucun moment, la simple idée qu'il puisse plaisanter n'aurait effleurer l'esprit des deux policières.

- Vous pouvez rentrer chez vous, vous avez fait du bon travail ce soir. Je veux vous voir demain, à 7h dans cet entrepôt.



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