2 - stupide

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- Tu es taré. Tu le sais ça, que tu es taré ?

Il haussa les épaules, peu impressionné par l'expression horrifique qui déformait le visage de son nouvel ami.

- C'est la pire idée que tu n'aies jamais eu.

- Ce n'est pas une idée, Paul, c'est un pari, rectifia-t-il, tranquillement.

- Le pire pari que tu n'aies jamais eu de ta vie, s'offusqua-t-il. Pour ton bien être, Tim, je te supplie de ne pas y aller.

Tim ne put s'empêcher de sourire à son ami, et à leur tablée ... Avant de se lever, se frayant un chemin vers le self bondé. Derrière lui, on l'appela, mais c'était déjà trop tard, il était décidé. A cette heure-ci, la cantine était pleine à craquer, mais Tim arrivait quand même à se tracer un chemin à travers toute cette foule sans trop de mal. Il était habitué à tout cela. Personne ne faisait attention à lui, tous étant trop occupés à manger, parler, ou raconter les derniers potins. Et en attendant, il se dirigeait vers sa destination : la table qui se trouvait presque à l'opposé de la sienne et de ses amis, contre une grande baie vitrée. L'endroit où elle s'y trouvait étant toujours chauffée par le soleil, quand il était de sortie, c'était la table la plus convoitée de la cafétéria. Mais elle était toujours occupée par les mêmes personnes, et ce depuis le début de l'année : un petit groupe de terminale, composée des adolescents les plus populaires des lieux. Tim venant tout juste d'arriver dans le coin, mais il avait rapidement compris que les belles gueules et les sportifs avaient la côte. Comme partout, en fait ... Et ceux étant attablés ici cumulaient les deux, faisant probablement d'eux une des bandes les plus populaires de ce lycée. Classique, donc. Pourquoi les premiers de la classe n'étaient jamais les plus en vue ? Quelle injustice ...

Ils étaient sept, à babiller de tout et de rien, avec trois filles pour quatre garçons. Tous beaux, tous forts, tous riches. Et probablement tous superficiels. Quel gâchis ... Mais il n'était pas là pour ça. Tim riva son regard sur Andréa, qui riait discrètement à une blague potache. Magnifique blonde aux yeux azurs, et au corps de rêve, les trois quarts du lycée bavaient sur elle, et se pâmaient d'admiration devant sa gentillesse ou son talent pour le sport. Elle faisait partie du club de gymnastique le plus côté de la ville, et en était un des membres les plus appréciés. À côté, elle trouvait du temps pour travailler dans une association caritative quelconque, qui lui valait même l'admiration des professeurs. Elle était peut-être la moins pourrie d'eux tous. Ce qui faisait d'elle une cible parfaite par excellence.

Tim se composa un sourire amusé, presque goguenard, et se glissa sur la chaise juste à côté de celle d'Andréa, interrompant sans la moindre vergogne la conversation qu'elle avait avec ses amies, jusque là.

- Heeeey, Andréa ! Salut ! Comment ça va ?

Elle se retourna vers lui, incrédule, et ses joues prirent immédiatement quelques couleurs. Tim sentit son sourire s'agrandir. Ils étaient dans la même classe, et dès le premier jour, il avait remarqué son attention. Chaque fois qu'il croisait son regard, elle se détournait en rougissant, ou se cachait derrière le rideau de ses cheveux blonds. Tim savait qu'il était agréable à regarder. Très agréable, même. Mais il n'en avait jamais rien eu à faire. Tout au plus, cela lui offrait certaines facilités. Comme aujourd'hui, par exemple.

Il posa un coude sur la table, son menton dans la paume de sa main, et l'écouta raconter sa matinée, mettant un point d'honneur à ignorer les regards incrédules de ses camarades.

- Ah, oui, l'exercice de maths de monsieur Dessy est un peu complexe ... Mais une fois qu'on a compris l'inconnue de l'équation, ça glisse tout seul, commenta Tim en hochant la tête, voyant le visage d'Andréa s'illuminer sous le coup de la surprise.

- Tu as compris ?! Mais il nous a donné l'exercice ce matin !

- Ah, je l'ai fait en SVT. Je m'ennuyais ... marmonna-t-il en haussant les épaules, comme si de rien n'était.

Si ceux attablés ici présentement avaient un don pour le sport, lui c'était pour les études. Il était bon en tout, et excellait partout où il désirait le faire. On disait de lui qu'il était une tête. Tout ce que Tim savait, c'est qu'il cherchait simplement un moyen de ne pas s'ennuyer.

- Tu as bien de la chance ... Je n'y comprends rien, soupira Andréa.

- Si tu veux, je peux te montrer comment faire !

Elle se redressa vivement, le regardant droit dans les yeux avec un espoir non dissimulé. On lisait en elle comme dans un livre ouvert, incroyable.

- C'est vrai ?

- Bien sûr ! Tu as du temps, après manger ?

- O-oui !

Il sourit de nouveau, à pleines dents, au plaisir de la demoiselle.

- Parfait ! Retrouve-moi près du banc à côté du chêne alors. Je t'y attendrai. Ça marche ?

- Ça marche !

Derrière elle, quelqu'un toussa. Il leva son regard vers Jean. Basketteur frôlant les deux mètres, et à l'égo aussi dimensionné que ses biceps, tout le lycée savait qu'il tentait de se mettre Andréa dans la poche depuis le début de l'année. Le voir flirter avec sa propre cible sans honte devait le brosser à rebrousse poils. Le regard qu'il lui lançait en aurait fait trembler plus d'un. Mais ça faisait bien longtemps que Tim n'avait plus peur de personne.

- Bonjour, Jean. Toi aussi, tu veux de l'aide avec l'exercice de maths ?

Quelqu'un étouffa une exclamation de surprise, à sa droite, mais Tim se contenta de sourire à nouveau. Le regard que Jean lui envoyait promettait mille années de souffrance, mais Tim fit semblant de ne rien comprendre. Lorsqu'il vit que Jean n'aurait aucune réaction, il haussa les épaules, nonchalamment, et sourit une nouvelle fois.

- Bon, eh bien rendez-vous tout à l'heure, Andréa ! lâcha-t-il en se relevant, la saluant d'un petit signe de la main.

Elle répondit énergiquement, et il se releva, se laissant le petit plaisir de savourer l'ahurissement de leur bande de sept devant son culot, avant de faire demi-tour. Et durant tout le trajet, il sentit dans son dos le regard meurtrier du basketteur, qui devait rêver de le déchiqueter en petits morceaux.

Lorsqu'il s'assit de nouveau à côté de Paul, ce dernier était complètement bouche-bée.

- Tu es complètement malade. T'as un pet au casque. Il te manque un boulon.

- Tu es surtout affreusement stupide ! s'offusqua Mélissa en face de lui.

Il haussa un sourcil.

- J'ai surtout réussi mon pari. J'ai proposé un rendez vous à Andréa, et elle a dit oui. Je peux avoir mon gain ?

Il ne lui avait pas proposé un vrai rendez-vous, mais un simple tête à tête au dessus d'un exo de maths. Toutefois, où était la différence ? Mélissa secoua la tête, désemparée, et lui tendit les deux billets de vingt, qu'il se dépêcha d'empocher avec gourmandise.

Lorsqu'il se retourna, Jean le fixait toujours avec autant d'animosité. Parfait. Tim lui retourna un sourire éclatant, avant de se focaliser sur son plat, et les conversations de ses camarades.

- Tu vas avoir Jean sur le dos ! l'avertit Paul avec inquiétude.

Il haussa les épaules à nouveau, et changea le sujet de la conversation. Tant mieux. Après tout, ce n'était pas Andréa qui l'intéressait.

Âmes TrouvéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant