17 - fantôme

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- Sam ? SAM ! Où es-tu ?

Bon sang, mais où son petit frère était-il allé ?

- Sam ! Saaaaaaaam !

La nuit commençait à tomber, et il faisait froid, si froid ... Il grelottait. Il fallait qu'il trouve Sam.

- SAAAAM !

- Tim ? Je suis là ! Viens, viens !

Il fit volte face, et rebroussa le chemin en pestant contre son petit frère, balayant la pénombre jusqu'à le trouver là, devant lui, agitant son balais dans sa direction.

- Tiiiim !

- Où est-ce que tu étais passé ?

- J'étais avec Papa !

- Papa ? Sam ... on a déjà parlé de ça, soupira-t-il en s'accroupissant devant son petit frère.

Il lui fit un grand sourire manquant de dents, et agita son balais de sorcier devant son nez, accessoire indispensable de son déguisement de Harry Potter. Comme Daniel Radcliffe, il avait la chance d'avoir les cheveux noirs et les yeux bleus. Depuis qu'il avait vu le premier film, Sam était persuadé d'être comme le héros de sa saga littéraire favorite. À chaque Halloween, ils y avaient droit. Sam se déguisait en élève de Poudlard, et jetait des sorts à tout ce qu'il se trouvait à sa portée, avec l'aide d'une branche ramassée par terre. Et les adultes roucoulaient tous devant son déguisement ... Sam était populaire, dira-t-on.

- Mais si ! J'ai vu Papa ! s'écria Sam en tapant du pied par terre.

- Sam. On a dit quoi, au sujet des crises de colère ?

- J'ai vu Papa !

- Papa n'est pas là, Sam. Il n'est plus là.

C'était vrai. Sam avait quatre ans la dernière fois qu'ils avaient vu leur père. Et encore aujourd'hui, Tim ne décolérait pas.

- Mais non, regarde, il est là !

Sam pointa une direction dans son dos, le regard brillant, et quand Tim se retourna ... Il vit son père.

Son père, avec un énorme morceau de verre lui traversant l'abdomen.

Il attrapa Sam contre lui, et le serra de toutes ses forces, horrifié.

- Les garçons ! C'est moi, c'est papa !

Sam riait, comme s'il avait dit une blague particulièrement drôle.

- T'as vu Tim ? Papa est un fantôme !

- Non ... Non !

- Les garçons, venez me voir ! s'exclama l'être, en ouvrant les bras.

Son sourire était dégoulinant de sang.

Tim hurla, et commença à courir loin de lui en tirant son frère dans sa direction, tentant d'ignorer les appels de son père, et les cris de protestations de son frère.

- Papa est là ! Papa est là Tim ! On est plus obligés d'être avec maman ! Tim ? Tim !

Il s'arrêta brusquement, les dents si serrées qu'elles semblaient sur le point de se briser. Il se retourna, et secoua son frère par les épaules, le souffle court.

- Papa est mort ! Il est mort, Sam ! Il ne reviendra pas !

Le jeune garçon lâcha son balais, et secoua vivement la tête, si fort que ses lunettes factices s'envolèrent dans un buisson environnant.

- Non ! beugla l'enfant, en se bouchant les oreilles.

Quand leur père était mort, quand il les avait abandonnés, il avait dix ans. Son frère quatre. Et Sam n'avait jamais compris qu'il était parti définitivement. N'avait jamais voulu le comprendre. Et ce n'était pas sa mère qui allait se mettre à expliquer quoi que ce soit ...

- SAM ! SOIS RAISONNABLE ! hurla-t-il, en perdant son sang froid. OUVRE LES YEUX !

- TOI, OUVRE LES YEUX ! Tu comptes laisser faire ça pendant combien de temps ? sanglota son frère, le visage ruisselant de larmes. Aide-moi, Tim ! Je ne veux pas devenir un fantôme !

Quoi ? Qu'est-ce que ça voulait dire ? Soudain, il remarqua le bleu fleurissant sur sa pommette. Puis sa dent en moins. Et sa lèvre fendue, son coquard, sa bosse ...

Non, non, non, non ...

- Aide-moi avant qu'il ne soit trop tard ... Tim je t'en supplie ! Je ne veux pas finir comme toi ! Tim ! TIM !

L'instant d'avant, son frère allait bien. L'instant d'après, il gisait au sol, dans une mare de sang. Et là, à côté de lui ...

- C'est ta faute, Tim. Pourquoi tu n'as pas obéi ? Tout ça, c'est de ta faute ! Ta faute ! TA FAUTE !

- Maman, s'il te plaît ...

- Tu n'as pas obéi aux règles ! Regarde où ça nous a conduit ! Tout ça, c'est de ta faute ! Ta faute ! C'est à cause de toi que Sam est mort ! C'est à cause de toi que ton père mort !

Elle leva une main aux ongles trop longs, et le gifla de toutes ses forces, le griffant au passage.

Il avait peur, il était terrorisé, il était détruit. Son frère, son père ... Tout était de sa faute, sa faute ... Il allait tuer tout le monde.

- Maman, je t'en supplie, pardonne-moi ... Pas Sam, pas Sam !

- C'est trop tard ! Espèce d'enfant ingrat, tu ne mérites rien de plus ! Capricieux ! ÉGOÏSTE !

Non, pitié, non ...

Et là, derrière sa mère, derrière le corps de Sam ... se trouvait un autre Sam. Un petit Sam serrant la main translucide de son père.

Il avait tué son frère.

Alors il hurla. Il hurla fort, si fort, si fort, si fort ...

Quand soudain, une voix perça les ténèbres, perça son cauchemar si glauque, brouilla la vue des fantômes et de sa mère en rage ... Une voix si familière.

«Ça ira, Tim. Ça ira. Tu n'es plus seul, mon ami. Tu n'es plus seul. Ça ira.»

Ça ira ... Soudain, une chaleur inespérée l'enveloppa, chassant le froid polaire qu'il ressentait, et les dernières bribes de son cauchemar disparurent, emportant avec elles la vision monstrueuse des fantômes.

Sam allait bien. Son père n'était plus là. Et sa mère ne ferait rien.

Ça allait. Pour le moment ... Ça allait. Et il n'avait plus froid. Plus du tout. Et tout ça, grâce à ... Jean. Merci.

Par la suite, il rêva d'un ciel étoilé, d'un croissant de lune merveilleux, et d'un sentiment de paix jamais égalé.

Oui. Merci, Jean.

Âmes TrouvéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant