L'odeur de l'encens, beaucoup trop présente dans la pièce, m'empêchait de mettre de l'ordre dans mes idées, déjà plus que troublées. Le docteur Brin me toisait sans retenu derrière ses lunettes ovales. J'avais moi-même demandé à être suivi pour faire face aux récents événements, mais je regrettai aujourd'hui d'avoir fait appel à lui. Cela faisait quelques semaines que nous tentions de trouver des solutions pour m'aider à vivre et à mener au mieux mon deuil. Je devais avouer qu'il s'était montré jusqu'ici très à l'écoute, compatissant et professionnel. Mon sommeil s'était amélioré grâce à lui et je parvenais à reprendre peu à peu goût à mes deux passions qu'étaient l'illustration et le graphisme. Sur le plan social, tout me paraissait encore trop compliqué à gérer. Je ne réussissais pour l'instant qu'à supporter que quelques minutes de discussions avec les autres. Même avec Lily, et bien que je réussisse à m'ouvrir davantage à elle, la communication entre nous restait plus difficile qu'auparavant. La seule personne que je ne rechignais pas à appeler, et dont j'arrivais même à ressentir de l'apaisement après nos échanges, était Aurélie, la soeur de Flo. Elle comprenait mieux que personne ce qui me tourmentait, nous vivions les mêmes douleurs et malgré tout, elle réussissait à me tirer vers le haut sans jamais me culpabiliser. C'était une chouette fille et j'aurais aimé mieux apprendre à la connaître avant que ce drame ne nous tombe dessus.
Des petits coups réguliers sur le bureau en chêne me reconnectèrent à la réalité. Visiblement, mon psychiatre sembla s'agacer. J'ouvris les yeux en me redressant quelque peu du siège en tissu où j'étais affaissé pour lui jeter un coup d'oeil.
— Vous n'avez presque pas prononcé un mot depuis que vous êtes entré dans mon cabinet. Souhaitez-vous m'expliquer ce qui vous tracasse ou préfériez-vous que je tente de le deviner pour que nous essayions ensemble de comprendre ce qu'il se passe ?
— L'encens, ça me donne la migraine, grimaçai-je.
Le docteur Brin se leva péniblement de son fauteuil pour ouvrir les fenêtres et disposer ses baguettes de senteur dans une autre pièce. Il revint par la suite s'installer à son bureau et croisa ses mains devant lui.
— Bien, pouvez-vous me raconter ce qu'il ne va pas à présent ?
— J'ai... J'ai appris une mauvaise nouvelle hier matin.
Le psychiatre hocha de la tête pour m'encourager à poursuivre. Je laissai échapper un long soupir tandis que je passai mes mains sur mon visage fatigué.
— Florence et Antoine avaient rédigé un testament. Le notaire m'a appris que j'y figurais, je suis donc allé le rencontrer avec ma fiancée mais... Je ne m'attendais vraiment pas à ce que j'y ai découvert.
— Respirez Lucas et continuez dès que vous vous sentez prêt, m'ordonna le médecin d'une voix calme, saisissant mon agitement.
— Ils veulent faire de moi le tuteur légal de leur fille, soufflai-je en ne croyant toujours pas à tout ceci.
J'expliquai par la suite au médecin en quoi cette nouvelle me bouleversait. Le choix le plus logique aurait été d'attribuer ce rôle à Aurélie. Lucie et elle s'entendaient à merveille et bien que sa tante soit une mère célibataire avec trois enfants, elle s'en sortirait bien mieux que moi. Je ne connaissais rien de ma filleule, encore moins comment on élevait un enfant puisque je n'avais jamais souhaité en avoir. Comment pourrais-je m'occuper convenablement d'elle ? Cette décision était insensée et j'en voulus soudainement à mes amis de l'avoir prise sans me consulter.
— Cette enfant n'a donc rien à faire chez moi vous comprenez ? Mais qu'est-ce qu'il leur est passé par la tête merde !
— Je ne suis malheureusement pas en mesure de vous répondre Lucas. Mais si vos amis vous ont désigné comme son parrain et son tuteur, c'était très certainement qu'ils vous croyaient capable d'assumer ces rôles.

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Promesses Liées
General FictionLucas a une vie bien remplie. Entre sa fiancée Cécile avec qui il coule le parfait amour, son métier de graphiste dans lequel il s'épanouit pleinement et ses amis, le jeune homme voit arriver son avenir sous les meilleurs augures. Du moins était-ce...