Chapitre 10

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— On est là parrain !

J'aperçu la main sautillante de Lucie à travers la marée de tables bondées du petit café. Tout en me frayant un chemin jusqu'à elle je tentai d'éviter de renverser la moindre tasse de boissons chaudes posées sur leur soucoupes ou portées par les serveurs qui valsaient autour de moi.
Presque essoufflé, j'atteignis finalement le coin de la pièce où se tenaient, assises sur l'une des banquettes et confinées dans leur doudounes, ma filleule et sa tante Aurélie. Elles esquissèrent un sourire à mon approche tandis que je m'inclinai pour faire la bise à la sœur de mon meilleur ami.

— Salut Lulu, tentai-je de sourire en me tournant vers la petite fille.

— Coucou. T'es en retard comme d'habitude.

— Lucie. la sermonna Aurélie alors que L'intéressée la fixait avec incompréhension.

— Bah quoi ? C'est vrai. Parrain est toujours en retard parce qu'il se perd tout le temps, tenta-t-elle de se défendre.

— Ce n'est pas une raison pour le faire remarquer, souffla sa tante.

— Laisse, intervenai-je. Elle a raison, Flo me le reprochait souvent.

À l'énoncé de sa mère, le visage de Lucie se ferma quelques secondes avant de fixer la jeune femme d'un air victorieux.

— Tu vois ?

Elle appuya sur le dernier mot avec une touche de dramatisme, puis eu un léger rictus lorsque Aurélie leva les yeux au plafond.

— Qu'est-ce que vous prenez ? les interrompis-je en leur tendant la carte.

Nous dégustâmes nos boissons en silence -tout relatif compte tenu du bruit ambiant qui nous entourait- durant de longs instants. Chacun de nous appréciait certainement ce moment paisible avant l'après-midi décisive qui allait se jouer dans quelques heures. Le jugement du juge des affaires familiales concernant la tutelle de Lucie était rendu aujourd'hui. Avec lui, le conseil de famille, composé entre autre d'Aurélie, donnerait également son avis. C'était l'élément qui m'angoissait le plus. En plus de la tante de ma filleule, siégeait également le cousin d'Antoine, un type assez froid mais que je pensais profondément juste, un oncle de Florence, mais surtout : sa mère.
Josiane Beauvais était une femme antipathique. À l'exacte opposé de sa fille, elle ne faisait quasiment plus partie de leur quotidien depuis bientôt neuf ans. En cause, son besoin maladif de contrôler et diriger tous les paramètres privés ou professionnels de la vie de Flo. Je ne la connaissais que peu, l'ayant principalement croisé durant mon adolescence lorsque j'étudiais au lycée avec sa fille. Déjà à l'époque, leur relation me paraissait des plus conflictuelle. Josiane avait en horreur tous les choix que pouvait faire ma meilleure amie. Ses nombreux voyages n'étaient qu'une perte de temps et d'argent à son sens, tandis que l'arrêt soudain de ses études en psychologie l'avaient rendue malade. Ce fut pire à la naissance de Lucie. La vieille femme outre-passait régulièrement son rôle en s'immisçant dans leur vie de famille, leurs principes d'éducation et leur projets. Flo, à bout de nerfs, avait fini par couper les ponts peu après la première année de vie de sa fille. Malheureusement, Josiane, en plus d'être une fine manipulatrice aux besoins de contrôles exacerbés, s'était révélée procédurière. Elle avait fait appel à la justice, réclamant son droit de visite à sa petite fille. La loi estimant que, sauf dans l'intérêt de l'enfant, ce dernier disposait du droit d'entretenir des relations personnelles avec ses ascendants, la vieille femme avait obtenu gain de cause. Ainsi, ses visites se limitait pourtant à une par année et plus rarement, deux ou trois week-ends chez elle.
Autant avouer que j'angoissai terriblement de me retrouver face à cette femme. Qui savait ce qu'elle était capable de faire pour m'empêcher de tenir ma promesse et s'accaparer Lucie, afin d'en faire la copie parfaite qu'elle avait échoué à créer avec Florence.

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