Chapitre 6

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          Cela faisait bien trois semaines que Will n'avait pas pu savourer un petit déjeuner digne de ce nom, seule. On aurait dit que tout Poudlard s'était passé le mot pour venir la déranger dans ses heures post-réveil, le moment où elle avait le plus envie de savourer une confiture fraîche et silencieuse. En effet, Charlie, Ansel, et même parfois l'un de ses chers professeurs, s'assurait toujours de lui tenir compagnie, sûrement pour empêcher qu'elle ne se noie dans son bol de lait.

          Charlie, apparemment, avait fini par comprendre que sa compagnie l'ennuyait plus qu'autre chose. On était en novembre, et le rouquin, comme une feuille envers son arbre en ce mois-ci, s'était petit à petit défait de la bulle étouffante qu'il avait construite autour de son amie. Hélas, le problème, ce n'était plus lui, c'était le charmant petit Poufsouffle doublé de ses plurielles blondinettes, qui n'avait plus de cesse que de proposer son aide à Will, ou de la saluer, ou tout simplement de lui sourire dans les couloirs. Or, pour une demoiselle qui n'avait stoppé de réclamer son attention en quatrième année, le surplus de celle-ci avec deux ans de retard avait pour don de l'agacer.

          Ainsi, à cinq heures tapantes, la Gryffondor était sur pieds, prête à se sustenter dans le silence résonnant de la Grande Salle, un sourire singulier au coin des lèvres. L'endroit ne lui avait jamais paru aussi accueillant qu'en cette atmosphère froide et résonnante, mais surtout solitaire, et la blonde redoubla d'enthousiasme en beurrant son troisième toast. Il lui suffirait par la suite de se faufiler dans son dortoir pour y dévorer l'un des ouvrages de sa liste de fournitures, à l'abri des regards une nouvelle fois.

          Cette existence solitaire la comblait, et elle commençait à comprendre ce que le professeur Rogue, l'estimé maître des potions du château, trouvait à la froideur angoissante des cachots.

          Une fois le ventre plein, la jeune fille s'affaira à passer une bonne journée en dehors des joyeux clavardages de ses camarades, et quoi de mieux pour cela que de faire une jolie promenade dans le parc du château ? Il faisait froid en cette période de l'année, et peu d'élèves se montraient désireux d'exposer leurs précieuses patounes en dehors des murs épais du château. Will en profita pour choisir le meilleur endroit, n'étant autre qu'un cerisier aux feuilles flamboyantes en-dessous duquel nombreux amoureux venaient se conter fleurette au printemps venu. Oh, que n'avait-elle entendu Adèle soupirer d'aise à l'idée d'un Arthur lui déclamant sa flamme après avoir glissé une fleur rose dans ses cheveux blonds ! Et quelle tristesse y avait-il dans le regard de ses trois amies qui savaient bien que ce fantasme demeurerait irréel... Pourtant, aujourd'hui, Will aurait absolument tout donné pour consoler la Serpentard d'un millier de chagrins d'amour, comme elle l'aurait fait pour elle.

          Will poussa une mèche derrière son oreille avant de s'installer sur la petite balançoire qu'on avait fait apparaître en-dessous de l'arbre. Se balançant négligemment, elle observait le cours de Soins aux Créatures Magiques. Les Niffleurs étaient des créatures adorables, sinon chaotiques à conserver chez soi. Elle en avait assez entendu parler de la part de Dora et Lys, qui avaient choisi cette option dès la troisième année, sans le regretter une seule seconde. Will reposa sa tête sur le cordage de la balançoire, sans tenir compte de la marque rouge qui ornait désormais sa joue.

          Le soleil était presque à son zénith lorsque Will se rendit compte que ce jour n'était pas un jour de week-end. Jurant alors encore plus lorsqu'elle dut aller récupérer toutes ses affaires de cours dans son dortoir, elle n'arriva en retard au cours du professeur McGonagall que d'une heure quinze. Bien entendu, celle que Will surnomma dès lors « la vieille chouette » l'exclut de cours avec vingt points de moins pour Gryffondor ainsi que des devoirs supplémentaires à faire pour la semaine suivante.

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