Chapitre 3 : Mais puisque c'est la fête

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Je m'affale dans le canapé en poussant un cri de soulagement. On vient de finir le ménage. Nous sommes arrivés dans la maison depuis une semaine, et depuis, la crasse s'est accumulée. Estéban et moi avons donc nettoyé la villa, et Cons est parti faire des courses.

Estéban fait toujours son maximum pour me faire avouer un éventuel crush sur Cons. Je ne sais pas pourquoi il s'évertue à ce point. Il n'est pas le premier à vouloir gâcher notre amitié avec des sentiments niais. Je le soupçonne d'insister sur ce sujet-là pour ne pas avoir à s'ouvrir à moi. Il n'est pas du genre à briser sa carapace facilement.

Par contre, pour utiliser les gens comme des oreillers, il y a du monde. Monsieur s'étale sur moi de tout son long et sort son téléphone, avant de fredonner une chanson. On dirait que je ne suis pas là. Qu'il me pète dessus, pendant qu'on y est, je ne serais même pas surpris. Asphyxié, sans doute, mais certainement pas étonné.

I got a boyfriend, a kinda supermale, the kind a man u gotta get into ya bed.

Je le fixe, bouche bée. Il connait Shaka Ponk. Mieux. Il aime Shaka Ponk. Il aime tellement qu'il connaît une de leurs chansons par cœur. J'ai envie de pleurer de joie. Il est officiellement devenu mon deuxième meilleur ami.

I got a girlfriend, the kindo supa belle, the kind a girl the whole world wanna bang.

On a chanté à l'unisson. En rythme. Complètement faux. Mais en rythme. Maintenant, c'est lui qui me regarde, sa tête sur mes genoux, avec le même air halluciné que j'ai depuis trois secondes.

— Tu connais Shaka Ponk ? demande-t-il en se redressant.

— Mais oui, on a découvert ce groupe avec Cons quand on était au collège. On écoutait leurs musiques toute la journée.

— Putain mais c'est pas vrai ! Moi aussi, avec mon groupe de potes, on était fans ! On est allé à leur concert, et tout. J'ai même un poster dédicacé !

— Mais nan !

— Je te jure !

Estéban se lève et court jusqu'à l'enceinte. Il me raconte sa vie tout en branchant son téléphone :

— Tu sais que c'est là-bas que j'ai pécho ma première meuf ? annonce-t-il avec fierté. Sacré souvenir.

— Raconte.

— On était dans le même groupe d'amis, on est allés au concert tous ensemble. On avait réussi à chopper deux verres de bière pour cinq. Et entre ça et la musique qui me montait à la tête, j'ai plus trop réfléchi, et je l'ai embrassée. J'avais treize ans.

Une musique se lance et résonne dans le séjour. Découvrir que cette maison peut se transformer en boîte de nuit est plutôt intéressant.

— Moi, mon premier baiser, c'était à onze ans, au camping, expliqué-je. Et Cons m'a fait la gueule pendant un mois parce que j'avais fait ça avant lui.

Estéban rigole.

— Ton ressenti sur dix de ce premier bisou ?

— Plus platonique, tu meurs. Et toi ?

— C'était sale, grimace Estéban. Le genre de truc qui finit sur un site russe pour mecs chelous. Mais sur le coup, je me suis senti stylé, t'imagines pas. Mes potes m'ont acclamé pendant une semaine.

Je suis tellement content qu'il me parle enfin de lui qu'on dirait que je vais le dévorer. Ça n'a pas l'air de trop lui poser problème.

— Tu les vois encore, tes potes ?

— Non, plus trop. Je n'ai jamais été très bon pour conserver les relations. Je ne suis pas fan des conversations par messages, alors je perds vite contact.

On s'était dit qu'on préférait les fillesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant