#5 - MELISSA

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Julien est content. Les cours sont finis. Il a passé du temps avec Cons et Estéban, et Clémentine ne s'est pas présentée de la journée. Le cœur léger, la tête vide, il se dirige vers la salle de sport, en compagnie de Bertille et de Mathis. Julien se sent si bien qu'il se demande si la chance n'est pas en train de tourner en sa faveur. Cet arbre ne lui semble plus si terrible, après réflexion.

— Vous préférez travailler quoi ? Bras ? Jambes ? Abdos ? demande Mathis sur un ton de coach sportif.

— Les jambes ! hurle Bertille.

— Et toi ?

Mathis prend l'expression la plus neutre possible lorsqu'il s'adresse à Julien. Il ne comprend pas exactement pourquoi il se protège autant de lui. Ce n'est pas qu'il ne le sent pas. Il le trouve sympathique et agréable, mais quand il est là, il se sent en danger.

— Les jambes, ça me va, répond Julien en haussant les épaules.

Tant qu'il les écrase, c'est bon pour lui, et les jambes, c'est son point fort. Julien est dans son élément. Mathis a fait la grossière erreur de le critiquer. Il ne le sait pas encore, mais il a éveillé le démon qui sommeille en Julien, celui de la compétition, celui qui se nourrit du triomphe de la victoire. Il va prouver à Mathis que ses deux ans de musculation ne font pas le poids face à la puissance naturelle de son fessier. Après, il ne prendra même pas la peine de lui rire au visage. La gloire parlera pour lui.

Dans les yeux bleu turquoise de Julien brille toujours un éclat de défi — ce qui agace Mathis plus qu'il ne faudrait. Il trouve que ce garçon a l'air d'un arrogant prêt à guerroyer en permanence, comme si la vie était un champ de bataille où il ne fallait pas se battre pour sa réussite personnelle, mais pour le simple plaisir de massacrer tous les autres.

Mathis soupire intérieurement. Qu'est-ce qui a bien pu lui prendre de l'inviter à cette séance ? Au lieu de s'isoler avec Bertille comme il cherche à le faire depuis le début de l'année, il a convié ce type pénible, toujours souriant, toujours trop volontaire, et toujours trop heureux. Il a lui-même saboté son rendez-vous. Il se souvient encore de sa bouche qui s'est mise à parler toute seule sans qu'il parvienne à l'arrêter, de l'air interloqué de Julien, puis de cette joie lumineuse qu'il transporte partout avec lui.

Il secoue la tête et porte son attention sur Bertille. Elle a attaché ses cheveux courts à l'arrière de son crâne en une petite queue de cheval. Ça lui fait une boule à peine plus large qu'une bille derrière la tête. Des mèches de cheveux récalcitrantes lui tombent sur les yeux. Mathis la trouve très belle, avec ses petites tâches de rousseur, son nez mutin, ses joues pleines. Il ne sait pas pourquoi son type de beauté ne rentre pas dans les standards. Quand il la voit, il la trouve parfaite. Elle se fiche complètement de lui, mais ça lui importe peu. C'est une fille bien, comme il faut. Il aimerait tomber amoureux d'elle. Il aimerait vraiment...

La salle de sport est assez grande. Comme dans tous les lieux du même genre, les murs alternent entre le noir et une sorte de vilain vert flashy. Il y a des écrans sur chaque mur, du parquet au sol, des miroirs devant lesquels des Instagrammeurs se photographient, et une rangée de vélos elliptiques dégoulinant de la sueur des trois vieux qui s'agitent dessus. Bertille est très heureuse. Elle va passer du temps avec les personnes qu'elle préfère de sa licence, en dehors de Clémentine, et ils vont s'amuser tous ensemble.

— Les vestiaires des femmes sont de ce côté. Nous, les hommes, on est en face, lui explique Mathis.

— Super ! répond-t-elle. A tout de suite.

La pièce est classique, sans intimité. Des casiers recouvrent les murs. Au milieu, il y a de longs bancs disposés en forme de carré. Au fond de la pièce se trouvent plusieurs cabines de douche assez moderne. La lumière est crue. Il y a peu de miroirs, et personne à l'horizon.

On s'était dit qu'on préférait les fillesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant