Chapitre 11 : Oui, c'est un rêve

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On est lundi. Mon dimanche après-midi précédent s'est résumé à une psychose sans nom pour décréter si mon aventure de cette nuit était bien un rêve. J'ai fini par décider que mon cerveau m'a joué des tours. S'il s'était passé quoique ce soit avec Estéban, on en aurait parlé. Il m'aurait envoyé un texto dans la journée pour en discuter. Non ?

De toute manière, je ne veux plus y penser. A partir de maintenant, on va de l'avant. Estéban est craquant. J'ai dormi avec lui. Mon cerveau a fait la pute. Point. A la ligne.

Je trimbale un sac de sport dans le métro, que je garde bien serré contre moi. Je n'ai pas envie qu'on dérobe mon tee-shirt spécial transpiration à trois euros cinquante. Bertille, Mathis et moi nous sommes accordés pour nous retrouver à la salle de muscu après les cours.

Je suis content. Je vais pouvoir leur dévoiler la puissance de ma musculature naturelle, et asseoir sur eux ma domination. Enfin, surtout sur Mathis. Je n'ai toujours pas avalé la pique qu'il m'a lancé à la cantine sur mon prétendu corps de crevette. Je n'ai pas un corps de crevette ! Mes muscles sont discrets, mais je lui mets sa pâté quand il veut !

J'arrive à l'université de bonne heure, et croise Estéban sur le trajet. Mon estomac se tord. Mon présumé rêve pollue de nouveau mon esprit. La démarche d'Estéban est différente de d'habitude. Plus assurée, il me semble. Il est beau à en crever. Cette manière qu'il a de me regarder souffle « gentil garçon » dans mon oreille. Je me sens bizarre. L'apparence de bon élève qu'il a arboré ces deux premières semaines s'est annihilée. Le véritable Estéban est dans la place.

— Tu te mets au sport ? demande-t-il en jugeant mon sac derrière ses lunettes rondes.

— Je vais humilier un gars de ma classe. Dès que c'est fait, je remets mon jogging pour traîner chez moi.

Estéban rit.

— Tu es bien sûr de toi... Et qu'est-ce qui se passe si c'est lui qui t'humilie ?

— Rien d'autre que ma damnation éternelle, je suppose.

Nous pouffons de rire.

— Ça a l'air sérieux, ça.

— Ça l'est... T'as pas trop peur de croiser Gaëtan et Haruka ?

Estéban râle des mots incompréhensibles en se frottant les yeux.

— Mec, je meurs d'angoisse. Aujourd'hui, j'ai surtout de la philo, alors je ne les croiserai pas trop mais... Mais quand même. Je ne sais pas lequel des deux m'effraie le plus.

— Moi, juste avec Clémentine, j'ai envie de péter un plomb... Je ne sais pas ce que je ferais à ta place.

— Je ne sais pas ce je fais non plus. Celui qui m'épate, c'est Cons, dit-il.

— Cons, il est comme un poisson dans l'eau. En même temps, c'était son vœu. Manquerait plus qu'il soit mécontent... Après tout le cirque qu'il nous a fait, si jamais il ose se plaindre, je le frappe.

— Et je t'accompagnerai.

Nous arrivons devant la salle de classe d'Estéban. Il m'attrape par l'épaule, cale son autre main sur ma taille et me fait la bise. Mes joues s'enflamment. Je déglutis. Pourquoi est-ce qu'il se comporte comme ça ? Il s'écarte ensuite, sourit, puis dit en se passant la main dans les cheveux :

— On part ensemble au resto de Cons, après les cours de la matinée ?

Ses boucles se reflètent à la lumière d'une manière prodigieuse. Je le regarde, émerveillé, la bouche entrouverte comme le plus grand des idiots, et oublie complètement qu'il m'a posé une question à laquelle je dois répondre.

On s'était dit qu'on préférait les fillesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant