Pancakes fraises, bananes, chantilly.

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Quand je me suis levé le lendemain, Page dormais toujours, en tout cas la porte de la chambre d'amis était fermée, donc j'osais espérer qu'il n'était pas parti en catimini avant mon réveil.


Mes parents étaient parti voir ma grand-mère Ruth ce matin, je devais techniquement aller avec eux, mais vu les circonstances exceptionnelles de la nuit dernière, ils m'ont autorisé à rester ici. Du moins, mon père a forcé ma mère à m'autoriser à rester.


Alors que j'entamais la cuisson des pancakes, j'ai entendu la douche couler, apparemment Page avait déjà repris ses aises. Quelques minutes plus tard, il est apparu les cheveux humides, portant les vêtements de mon père , qui étaient un peu trop large, mais également trop courts pour lui. Il est magnifique.


-Euh, hey ... euh, ton père m'avait laissé un mot m'autorisant à utiliser la douche alors ... euh...

- Oh ok, c'est cool. Tes vêtements sont dans le séchoir donc, tu vas devoir attendre un peu...

- Ok. Merci pour .... voilà ...

- Oh ce n'est rien, vraiment. Tu as faim ?


Au même instant son ventres'est mis à gargouiller, comme pour nous signaler qu'effectivement,il avait faim. On a sourie, et Page s'est installé sur un des tabouret de la cuisine. Je lui ai servi des pancakes fraises, bananes, chantilly, avec un grand verre de jus d'orange.


- Merci.


On a mangé dans un silence de mort, avant que finalement Page ne me pose la question que je redoutais tant.


- Pourquoi ?

- Pourquoi, quoi ?

- Pourquoi tuas changé de sexe...


Et nous y voilà !


- On est vraiment obligé de parler de ça maintenant ? A 10h20 du matin ?

- Oui. Je t'ai dit qu'on en parlerai quand je serais prêt, et bah ça y est.

- Mais je ne suis peut-être pas moi, prêt ...

- C'est la cas ?

- Non.

- Bah alors vas-y.


J'ai soupiré avant de repousser mon assiette, l'idée d'avoir cette conversation là, maintenant, ça m'avait littéralement coupé l'appétit. Alors je me suis lancé, avant de me défiler, ou de vomir, je n'en suis pas certain.


- Tout d'abord, sache que je n'ai pas « changé de sexe » j'ai toujours été un garçon. Intérieurement du moins. Mais je ne l'ai pas compris tout de suite. Quand j'étais enfant, qu'on m'habillait en robe, et qu'on me mettait des petits nœuds dans les cheveux, ça ne me posait pas de problèmes, je trouvais ça rigolo. Et puis j'ai grandi, et j'ai compris que quelque chose n'allait plus, mais je n'arrivais pas à mettre la main dessus. Alors j'ai continué ma petite vie tant bien que mal, me sentant perpétuellement mal dans ma peau.

- ...

- Puis l'adolescence est arrivée, et ça à empiré, mais je ne le disais à personne, je gardais tout ça encré au fond de moi. Mais à force de ne rien extérioriser, j'ai fini par me faire du mal, je n'entrerais pas dans les détails, mais ce n'était pas beau à voir. Alors quand j'ai eu 14 ans, mes parents ont décidé d'emménager ici, pour me changer d'air. Le collège est arrivé, et rien n'a changé. Puis ce fût autour du lycée, et la meilleure chose qui m'est arrivée dans la vie est apparue, toi. Je t'aimais énormément, et je sais que c'était réciproque, mais, rien à faire, ça n'allait toujours pas. Et ça me rendait vraiment mal. J'essayais pourtant, de faire comme les autres, sortir, me maquiller, mettre des belles robes, mais je n'étais heureux qu'en tenues de sport, en basket, et dans les salles de musculation. A ton grand désespoir d'ailleurs...

- C'est vrai.


- Et puis, un soir, un document est passé à la télé, sur la transsexualité. Et toutes ces personnes qui parlaient, elles avaient enfin réussis à mettre des mots sur mon mal être. Alors j'ai commencé à faire de recherches sur le sujet, à me documenter, je voulais être certain. Et une fois que j'ai vraiment pris conscience de qui j'étais, la suite s'est passée très vite. J'en ai parlé à mes parents, qui n'ont pas accepté tout de suite, mais qui ont fini par s'y faire. Ensuite on a pris rendez-vous avec un psychologue, et c'est de là que tout a démarré. Ma psy m'a mise en contact avec un endocrinologue, et un chirurgien. On a commencé à parler de la prise d'hormones, et des changements que ça allait apporter, physiquement, mentalement, mais aussi socialement. Et c'est là que j'ai compris que j'allais devoir expliquer à tout le monde, pourquoi ma voix muait, pourquoi mon corps changeait, qui j'étais. Alors j'ai pris peur et ...

- Tu t'es barré, sans un mot, sans un message, rien ! Tu m'as bloqué partout sans ne rien m'expliquer. Pendant trois ans je me suis demandé ce que j'avais bien pu te faire !!! TROIS ANS !!!


- Je sais ...

- TU SAIS !? TU SAIS !? TE FOUS PAS DE MOI !

- Si je sais, je te jure ! Je me suis tellement senti mal, que j'ai voulu tout abandonner, mais c'était déjà trop tard ! Alors j'ai demandé à Eugène de te surveiller de loin ...

- AH PARCE QUE LUI IL ÉTAIT AU COURANT DEPUIS LE DÉBUT !?

- Oui ... On n'a jamais arrêté de se parler depuis mon départ ...

- Évidemment !

- C'est mon meilleur ami !

- ET J'ÉTAIS TON PETIT AMI !!!

- Et quoi !? Si j'étais venu tout te dire, tu m'aurais dit quoi ? « Oh mais c'est magnifique mon amour, je te soutiens à fond, j'ai toujours rêvé de sortir avec un mec !! », je ne crois pas non ! Je t'aimais Page, plus que je n'ai jamais aimé personne, et je t'aime toujours ! Mais, tu ne comprends déjà pas en ce moment, tu l'aurais encore moins fait à l'époque...


Page est resté silencieux de nombres et insoutenables minutes, avant de finalement se lever, et de se diriger à l'étage. Il est redescendu peu de temps après, avec ses vêtements, et ses clés de voiture. Il a nettoyé son assiette, son verre, et sa fourchette, sans me dire un mot. Ensuite, il m'a remercié de l'avoir aidé, et m'a demandé de remercier mes parents pour leur hospitalité. Puis il est parti, encore.

Liv - (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant