EN ARRIVANT DEVANT LA MAISON D'HUGUES, Emmeline remarqua qu'elle n'y était jamais allée. C'était étonnant, elle qui avait été dans sa classe depuis deux ans.
Elle s'avança et frappa à la porte. Juste après, on lui ouvrit et elle tomba sur Ness.
— Oh, Em' ! Ramène-toi, y'a du croustillant en vue.
La brune fronça les sourcils, se demandant ce que son amie pouvait bien dire par là. Ness lui fit signe de la suivre et elle l'amena à la baie vitrée.
Dehors, Alex et Lisa parlaient. À cette vue, Emmeline eut un frisson. Cela devait probablement être leur première discussion post-rupture et, c'était idiot, mais elle avait peur qu'après celle-ci, ils envisagent de se remettre ensemble. Ils ne seraient pas les premiers à regretter une fin de couple.
À l'intérieur, Hugues, Vincent, Jeanne et Ness tendaient l'oreille pour écouter ce qu'ils se disaient, comme les commères qu'ils étaient.
Emmeline, elle, leva les yeux au ciel mais se mit à les observer avec eux, tout aussi intéressée. De l'extérieur, seules leurs têtes dépassaient, leurs corps étant cachés par le mur. Peut-être qu'ils espéraient vraiment que l'ancien couple ne les remarque pas.
— Em', ouvre la fenêtre ! lança Vincent.
— T'es fou, il fait froid dehors.
— Ça fait une semaine qu'on veut savoir pourquoi ils ont rompu, donc chipote pas, ferme ta veste et ouvre la fenêtre.
Emmeline fut obligée de faire face au froid mais au moins, ça permettait d'entendre des bribes de la conversation entre Alex et Lisa. Et elle n'était pas contre.
— Mais... t'as vu... rien fait ! dit cette dernière.
— Je... désolé... pas quoi dire. Rien ne peut...
— Sans blague.
Voilà à peu près ce que le reste de la bande entendait. Pendant plusieurs secondes, ils eurent d'autres retours similaires, mais rien de très concluant. Jusqu'à...
— Nan ! Vous avez entendu ce que j'ai entendu ?! cria Jeanne.
— Tais-toi, ils vont t'entendre, réprima Emmeline.
— Lisa s'est fait toucher !
— Quoi ? J'ai entendu « coucher » moi, intervint Vincent.
— Elle parlait pas de se moucher ? demanda Hugues.
— Nan, Hugues, répondirent tous en chœur.
— Chut ! Ça reprend, prévint Ness.
On était samedi soir, mais jamais les cinq adolescents n'avaient été aussi concentrés de la semaine. Il fallait dire que les potins de la bande étaient toujours les plus croustillants, même si la plupart du temps ils n'arrangeaient personne.
Toutefois, Emmeline avait du mal à assembler les morceaux du puzzle. Lisa se serait fait agresser sexuellement, mais par qui ? Et quel serait le rôle d'Alex dans tout ça ?
Elle se souvint soudainement du fait qu'il était le responsable, d'après lui. Alors ce serait ça, il serait responsable de l'agression de Lisa ? Ou encore pire, il n'aurait tout de même pas...
Ou alors, elle avait « couché » avec quelqu'un. Mais dans ce cas-là, en quoi Alex serait coupable ?
— Oh putain !
— Mais ?
— Qu'est-ce qu'il vient foutre là-dedans ?
Les exclamations de ses amis la sortirent de ses pensées. Elle avait un peu décroché de l'action.
— Qu'est-ce qui a Jeanne ? J'ai pas entendu.
— Lisa a mentionné le père d'Alex. Et Alex s'est tout de suite refermé.
— Ça veut dire quoi ?
— Oh bah je sais pas moi, c'est pour ça que faut écouter la suite.
Leurs yeux se dirigèrent une nouvelle fois vers Alex et Lisa, mais cette fois-ci, ils ne parlaient plus. Le silence régnait et, avec, le froid pénétrait de plus en plus la maison. Puis, d'un seul coup, les deux tournèrent leur tête vers la baie vitrée et la bande tenta hâtivement de se cacher.
C'était assurément raté.
— Dispersez-vous ! chuchota Vincent qui s'était accroupi.
Vincent, Ness et Hugues partirent de leur côté sur la pointe des pieds — chose qui ne leur servit pas à grand-chose, mis à part paraître idiots. Jeanne et Emmeline, elles, se rendirent précipitamment dans la cuisine et fermèrent la porte. Après coup, elles réalisèrent que ceci avait plus été un réflexe bête que réfléchi.
— Alors, c'est quoi ton hypothèse ? demanda Jeanne.
— Euh, je sais pas. Alex semble être le fautif.
— Ah bon ? C'est pas ce qu'on a entendu pourtant.
Ah, oui, ce que la brune venait de dire, elle l'avait appris par Alex lui-même.
— Ouais nan, c'est vrai. J'ai juste supposé ça sans m'en rendre compte.
Sa meilleure pote hocha la tête, mais elle semblait avoir quelque chose d'autre à dire. Emmeline préféra la laisser lancer la conversation de son plein gré, et ce fut ce qu'il se passa quelques secondes plus tard :
— Juste, Kalia vient aujourd'hui.
— Oh.
— Elle devrait pas tarder.
Emmeline hocha la tête machinalement. Au fond, Jeanne n'était pas obligée d'informer la venue de Kalia ; mais si elle l'avait fait, c'était parce qu'elle savait que la brune ne la portait pas dans son cœur.
— Tu sais, Jeanne, je suis pas vraiment opposée au fait que tu puisses te remettre avec elle. C'est juste que... bah, je m'inquiète. J'ai pas envie de te revoir dans le même état que la dernière fois, et j'ai du mal à croire qu'elle ait beaucoup changé.
— Je t'assure que je sais dans quoi j'me lance.
— C'est tout ce que j'espère. Mais de toute façon t'es grande, j'suis pas là pour dicter tes faits et gestes. Fais juste gaffe à toi.
— Toujours Em'.
Les deux amies se sourirent lorsque la porte s'ouvrit brusquement. Lisa déboula, les larmes aux yeux, et ouvrit les placards les uns après les autres. Ensuite, elle attrapa une barre chocolatée, puis la boîte entière, et s'en alla en poussant la porte.
Les filles se regardèrent, confuses, jusqu'à ce que Jeanne s'approche à son tour des placards.
— Bon bah, jetons un coup d'œil, puisqu'apparemment on a le droit de servir, dit-elle en rigolant.
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Le parapluie
Novela JuvenilD'octobre à avril, Emmeline ramenait toujours son parapluie, au cas où il pleuvait. Le matin quand elle marchait pour rejoindre son arrêt de bus, elle l'avait. Pour passer d'un bâtiment à un autre à son lycée, elle l'avait. Pour aller retrouver ses...