1. La porte

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          — Pharaon ?
— C'est bien Mana, tu as enfin pris l'habitude de l'appeler par son titre comme tu dois le faire, félicite Mahad à son élève qui ne l'ait plus d'ailleurs.
— Je n'ai jamais été contre qu'elle m'appelle Atem. Je préférais d'ailleurs, dis-je étant concerné par la conversation.
Je me lève en bloquant un soupir dans ma gorge, de peur qu'il soit mal vu, j'aurais aimé rester plus longtemps sur le bord de ce bassin à contempler un royaume dans lequel je dois continuellement veiller au bon fonctionnement et au respect des règles. Même après la mort, je n'ai pas le droit de me reposer. Parce qu'il faut bien qu'une personne dirige tout ça et apparemment, selon le conseil des Sages, constituer de la totalité des autres Pharaon, je suis le plus apte des Pharaons à régner sur le monde des Voix Justes. On aurait pu faire une ronde quand même ! Certes, ils m'aident tous comme ils le peuvent, mais ce n'est pas du tout la même chose. Même un paysan a dans ce monde un vie beaucoup plus cool que la mienne, enfin la mort du coup. Je me dirige avec nonchalance jusqu'à mon trône et m'assois dessus en m'accoudant pour suivre la réunion. Je ne pourrais pas être sur une chaise autour de la table plutôt ? Faut croire que c'est l'une des seuls choses qu'un Pharaon n'est autorisé à demander après l'interdiction de démissionner.

          Le soleil se couche lorsque je peux enfin quitter la salle, les Sages n'avaient pas vraiment eu besoin de moi, il suffisait juste que je donne mon accord par un simple hochement de tête. Je n'ai même pas ouvert la bouche ! Je me dirige vers ma chambre et m'allonge sur mon lit. Mais je n'ai aucune envie de dormir, parce que oui, même dans le monde des morts, dormir est important. On ne peut pas mourir de fatigue, mais cependant, on peut ressembler à un zombie toute la journée. Après avoir tourné et retourner dans mon lit, je décide de me lever. C'est dommage ici, il n'y pas de jeu vidéo. Le monde moderne a ses avantages pour se distraire lorsque l'on n'arrive pas à dormir. Ah ! Qu'est-ce que j'aimerais y retourner ! Pas pour les jeux vidéo. Je m'enveloppe dans une cape et en silence, je longe les murs du palais en évitant soigneusement de me montrer, de peur que l'on m'arrête une énième fois aujourd'hui pour me témoigner une admiration que je mérite que très peu. Je finis par attendre les écuries sans avoir croiser qui que ce soit, à mon grand soulagement.
— On fait une expédition nocturne Atem ?
Je me retourne, dans ce monde, une seule personne accepte de m'appeler par mon prénom plutôt que par mon titre.
— Oui, j'ai besoin de prendre l'air. Tu veux venir avec moi ?
Bien que je comptasse être seul et ne pas être dérangé, mais la présence de Mana même dans les pires moments me fait du bien. Je monte sur le cheval avec agilité avant de tendre la main vers mon amie qui l'attrape sans hésitation et se hisse derrière moi.
— On va où ? Demande-t-elle dans mon dos.
— Là où le destin le décidera.
— Rhô ! Toi et tes mystères, je te jure.
Je souris, mais ne réponds pas, et lance le cheval au galop en direction de la sortie de la ville que nous traversons assez rapidement. Nous sommes à la lisière du désert lorsque j'indique à notre monture de passer du galop au trop. Mana s'accroche à moi et je sens sa chaleur dans mon dos. Le paysage du désert, vu comme le territoire de nos Dieux et des démons, est souvent fuit de jour et encore plus de nuit. Pourtant, je ne comprends pas cette envie de fuite. Mais le désert est devenu mon refuge, justement parce qu'il est peu fréquenté, mais aussi parce qu'il est magnifique si on l'observe correctement. D'ailleurs, je me suis aussi habitué au froid mordant qui règne la nuit, ce qui n'est pas le cas de Mana qui claque des dents. En plus, moi j'ai mis une cape qui me protéger un peu mais elle est vêtue d'une simple tunique. On finit par arriver aux abords d'un oasis que je connais bien pour y avoir passer des heures. Nous descendons du cheval qui s'en va direction boire. J'enlève ma cape pour la passer autour des épaules de Mana.
— Lorsque l'on fait une sortie nocturne dans le désert, on doit penser à se couvrir.
— Mais je savais pas que tu allais dans le désert, moi.
— C'est vrai, admets-je en haussant les épaules.
La lune est pleine et lumineuse. On n'y voit pas comme en plein jour, mais c'est presque ça. C'est beau. Je m'assois dans le sable et la fixe. Mana vient se blottir contre moi. Beaucoup nous imaginent mariés, mais Mana est la petite sœur que je n'ai jamais pu avoir puisque ma naissance l'a tuée. Et de toute manière, je ne suis pas de tout son style de mec, elle l'a bien fait comprendre à ceux qui avaient déjà tenté de nous marier. Dur de faire comprendre ça, à des notables qui ne pensent qu'à l'argent et au sexe. Je me demande comment ils ont fait pour réussir à passer dans le royaume des morts. Peut-être parce qu'ils ne sont pas vraiment méchants dans le sens diabolique. Je fixe la lune, elle est grande, belle. Mais malgré les apparences, elle est prisonnière. Obligée de tourner autour de la Terre et de suivre le Soleil. Lui, le soleil lorsqu'on le voit, on se brûle les yeux. Et il ne tourne pas autour de la Terre, c'est le système solaire qui tourne autour de lui. Je me demande quand je trouverai mon vrai soleil. L'amour, c'est bien con comme dit Seto. Mais lui, il a Kisara dans les bras. Moi, j'ai personne. Les prétendantes ne manquent pas, mais ce sont mes sentiments qui m'intéressent. Je ne sais même pas ce que veut dire « aimer » dans le sens être amoureux. Je n'ai jamais connu ce que correspond aux réactions d'un amoureux. Peut-être que ce crétin de Nefert à raison, je suis un cœur de pierre. J'ai des amis, mes sujets m'aiment, les Sages pensent que je suis le meilleur d'entre eux, alors que j'ai largement moins d'expérience, mais personne ne m'attend le soir dans ma chambre. Quelquefois, j'ai envie de tomber amoureux, de trouver une moitié, en partie pour être comme tout le monde. Mais je me dis que c'est parce que je n'ai pas croisé la bonne personne et je chasse cette idée. Sans m'en rendre compte, je m'endors avec Mana qui dors elle aussi contre moi. Un sommeil sans rêve. Ce sont les rayons du soleil qui me réveille. J'ouvre les yeux et secoue gentiment Mana pour la réveiller. Elle finit par les ouvrir, baille et s'étire.

ManqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant