2. Enfance

339 20 8
                                    

           — Atem, peux-tu me dire combien font deux plus deux ? m'interroge la voix beaucoup trop mielleuse de mon institutrice.

— Quatre.

Je me cogne le front sur la table. Maintenant, je comprends le sens de :

« Il n'y a aucune honte à pleurer, me réconforte Mana.

Ramsès rit et déclare.

— Tu en auras d'ailleurs tout le loisir lorsque tu ne seras plus capable de parler. ».

J'ai en fait recommencé toute une vie avec une nouvelle famille dans mon pays d'origine. Et je suis passé par la case bébé, c'était vraiment humiliant lorsque mes parents me changeaient mes couches et que je tentais en vain de faire des phrases simples et que seulement des pleurs sortaient de ma bouche sans dents. Et j'ai la réputation d'être prématuré puisque à cinq mois, je courais déjà dans le sable et à un an et demi, je lisais. Et autant dire qu'après avoir passé tant d'année au kap, l'université Egyptienne la plus prestigieuse de l'époque, les cours de primaire sont réellement insupportables. Je ne sais pas ce qui est le pire entre le programme et la « maitresse » qui me prends pour un gosse. Tout le monde me prend pour un gosse, et c'est vrai que c'est normal avec mon corps d'enfant d'à peine un lustre. La cloche sonne, me libérant enfin. Je veux sortir mais les adultes m'en empêchent de peur que je me perde en ville, prétextant que les enfants de cinq doivent attendre leurs parents. Ce qui m'insupporte au plus haut point puisque j'ai toujours été autonome et j'ai horreur que l'on me dise quoi faire ou que l'on m'interdise certaines libertés. Or la possibilité de sortir de classe une fois les cours finis est PRIMORDIALE ! Je ne sais pas commet je faisais pour supporter ça.

— Vous n'êtes pas son responsable légal, crache une voix grincheuse que je connais que trop bien et qui me donne envie de m'arracher la tête, juste pour ne plus l'entendre.

Je tourne la tête en direction de Madame Boudoun, la surveillante la plus vielle et la plus stricte de notre école, semblable à un vieux vautour décharné, et malgré que je ne fantasme pas sans raison, je serais pas étonné de découvrir qu'une partie de ce que l'on dit sur elle soit vrai. Par exemple, un certain Kamel murmurait, l'un des plus grands de l'école, à qui voulait l'entendre que Madame Boudoun avait déjà enfermé un élève dans son placard et qu'il est mort sans eau, ni nourriture, et que ne savant pas comment cacher le corps, elle l'avait mangé. Il ajoutait que celui-ci avait la rare particularité d'avoir les yeux rubis et que je serais sûrement sa prochaine cible.

Une petite clé de bras de ma part et plus personne n'a jamais entendu parler de cette fable pour terrifier mes camarades de classe.

Mais la jeune fille de quatorze ans qui lui fait face ne semble pas vouloir perdre l'échange.

— Et toi ? T'es qui pour m'empêcher d'approcher mon frère ? Espèce de chacal !

L'adolescente m'attrape par le poignet et m'entraine à sa suite. Comme le monde entier pense que je suis un gamin, je me permets de faire la chose la plus puérile qui me vienne à l'esprit : tirer la langue en direction de Madame Boudoun qui a horreur qu'on lui manque de respect.

— Attend un peu que je t'attrape ! crie-t-elle furibonde.

Iset se retourne pour lui faire un bras d'honneur et, la surveillante peut sortir autant de menace qu'elle veut, elle doit rester surveiller les autres enfants. Iset me lâche la main, et je me calle à sa hauteur ce qui reste assez dur avec des jambes aussi petites que les miennes.

— Oh cette vielle carcasse n'a pas d'âge ma parole ! s'exclame Iset en ouvrant grand les bras, Quand j'avais ton âge, elle terrorisait déjà les autres élèves et elle avait le même visage !

ManqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant