chapter four

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audio : Missed You ~ The Weeknd
[PdV Veronica]

- Parfait ! Splendiiiiiide ! s'exclame Jay, ma manager.
Le clic des photos s'arrête enfin et Jay me fait un signe de tête afin que je prenne une pause. Je me dirige vers le distributeur de boissons, ayant d'abord fait un détour par mon sac pour y prendre une série de pièces.
Je m'arrête devant la machine, contemplative de tous les choix possibles. Mon estomac gargouille ; je suis affamée. Je lorgne vers les gaufres et les multiples gâteaux nappés au chocolat en exposition. Je soupire, sachant d'avance que Jay me ferait les gros yeux si j'arrivais avec un emballage vide de cochonneries comme elle les appelle - malgré le fait que je lui ai répété maintes et maintes fois que je ne prends pas un gramme. De toute manière, Jay veut toujours avoir raison ; elle trouve toujours d'autres arguments comme « N'en mange pas Veronica, ça va rendre ta peau grasse. » Elle me le répète si fréquemment que ma propre conscience semble avoir sa voix.
Je me résigne donc pour une bouteille d'eau parfumée à la fraise - un produit beaucoup trop sous-côté selon moi.
- On reprend dans deux minutes ! crie Jay.
Je bois goulûment quelques gorgées d'eau tout en faisant attention à ce que mon ventre ne devienne pas rond pour autant. Je soupire : être mannequin est un métier à plein temps. Je suis à la limite entre sous-poids et corpulence normale, de toute manière, ce n'est pas un peu d'eau qui changera ça.
Une main se pose sur mon épaule. Je me retourne.
- Désolée de te déranger V, mais il faudrait que tu viennes avec moi pour essayer les vêtements de la collection hiver.
J'acquiesce silencieusement. Ici, tout le monde m'appelle V, ce qui selon moi est bien mieux que Vero qui a concrètement un profil de quincagénaire à la limite de la retraite anticipée.
Je suis Viola, une jeune étudiante en école de stylisme qui s'occupe de mon apparence sur les shootings en ce moment. Nous arrivons rapidement dans un cagibi au fond du studio photo - quand même assez grand pour comporter la nouvelle collection du moment. Je promène mes doigts sur les différentes étoffes colorées.
J'ai beaucoup de chance de pouvoir porter ces merveilles, et même d'en hériter - un petit privilège qui est du au fait que Jay est une très vieille connaissance de mes pères.
- Ca te plaît ? me demande Viola en passant entre les étagères.
- C'est superbe, je réponds. Alors que me proposes-tu ?
Viola réunit ses cheveux en une queue de cheval, remonte ses lunettes sur son front puis sort un énorme trieur dont déborde des feuilles, photos et notes en tout genre.
- Je pensais à une tenue monochrome. Quel couleur te chante ?
- Hum. Je penserais à du bleu klein ou du beige. Toute façon je te laisse choisir.
Viola réfléchit et griffonne quelque chose sur une feuille de brouillon.
- Va pour le bleu. Nuance royale. Enfile cette combinaison, ordonne-t-elle en désignant nonchalamment une combinaison en lin d'un bleu somptueux suspendue à une barre. Je m'occupe des accessoires.
J'ôte les vêtements que je porte pour enfiler la combinaison. Ensuite je remonte la fermeture éclair en observant mon reflet dans le miroir à disposition. Mon maquillage n'a pas bougé et mes cheveux sont encore en chignon avec ces petites baby hair que je chéris tant.
- Et voilà ! annonce Viola en faisant son apparition dans le vestiaire.
Elle pose un plateau avec bandeau coloré, une paire d'énormes lunettes de soleil de luxe, un sautoir et quelques bracelets dorés. C'est reparti.
J'enfile les objets les uns après les autres avant de saluer Viola et de retourner sur la scène, me positionnant fièrement en face de la caméra.
Une série de changements de vêtements et d'aveuglants clics de photos plus tard, je saisis mon sac abandonné sur une table. Je pousse la large porte de service de l'agence de mannequinat avec laquelle je travaille. Une grosse Porsche noire brillante est garée sur le parking. Elle ressemble à une voiture d'agents secrets. La fenêtre se baisse et mon père me fait un petit signe de la main.
- Coucou.
Je referme la portière et m'assis.
- La ceinture, ma puce.
Je roule des yeux et claque ma langue avant de mettre ma ceinture de sécurité. Mon père pouffe.
- Alors ta journée ?
- Je suis épuisée, je t'avoue.
- Jay ne te ménage pas hein ?
- Ah ça non.
Je fixe le paysage extérieur tandis que l'on défile à travers les rues de Sacramento. Les lampadaires s'allument au fur et à mesure que la nuit avance.
Je me racle la gorge, envie d'en finir avec ce flot de pensées qui me pollue depuis un certain temps déjà.
- Dis papa...
Il incline la tête vers moi, en haussant un sourcil interrogateur.
- Oui ?
- Tu me dis souvent de penser à mon avenir et récemment j'ai réfléchi à quelque chose..., je cherche lentement mes mots à tâtons. Au vu de mes résultats scolaires, je pense de plus en plus à complètement m'engager dans la voie du mannequinat.
Mon père hoquette de surprise.
- Vraiment ? demande-t-il.
Je détourne la face de mon visage de la fenêtre de la voiture dans le but de regarder sa réaction.
- Oui. Et même si ça me coupe les autres possibilités d'orientation, je pense que ça reste le meilleur moyen de réussir. Et puis au pire, il me restera le basket en plan B, je grimace.
Mon père me sourit et ça me réchauffe le coeur. Au moins ça servira à me conforter un peu dans mon choix.
- Si c'est ce que tu veux faire alors je suis avec toi.
- Merci.
Je grimace, en pensant à la réaction de mon autre père quand je lui annoncerai la décision que j'ai prise, une fois à la maison. Il ne sera pas aussi ouvert à ma décision à mon avis.
Je branche mon téléphone à l'enceinte de la voiture, remplissant l'habitacle d'un douce mélodie. Nous faisons donc le reste de la route en silence, hormis le tempo régulier du rythme du morceau en cours. Au bout d'un moment, nous arrivons devant notre maison, très excentrée du centre de Sacramento, à la limite de la zone naturelle. Notre maison, en bois massif, est très grande avec d'immenses baies vitrées qui couvrent toute la façade avant de la maison. Notre jardin débouche sur la forêt sauvage et une vaste piscine avec son spa personnalisé s'entend sur la face est de la maison. Malgré la présence de hauts chênes, notre grande demeure est bien éclairée par les rayons du soleil. Ainsi, elle est totalement desservie par les énergies renouvelables. Ici, l'environnement est plus pur et silencieux qu'aux alentours du centre-ville.
Je prends mon sac à main et me dirige vers la porte d'entrée. Mon père, Jeffrey, et moi sommes les seuls dans la maison puisque mon autre père, Cameron, n'est pas encore rentré de l'agence. Mes pères sont les deux co-fondateurs d'une grande agence de stars assez réputée dans tout l'état de Californie.
- Tu veux manger quelque chose ? me demande mon père depuis notre belle cuisine blanche toute équipée.
Je pose mon petit sac à main et ôte mes chaussures, le pied en équilibre sur un tabouret. Je vérifie mon maquillage et mes cheveux puis finis par me diriger vers la cuisine afin de me concocter un casse-croûte. C'est épuisant de devoir être parfaite tout le temps.
J'arrive vers la cuisine d'où se dégage déjà une odeur qui me met l'eau à la bouche. Mon estomac grogne de plus belle. À peine arrivé, mon père a déjà enfilé son tablier de tissu blanc de cuisine et jette nonchalamment des ingrédients hachés dans la grosse marmite posée sur le feu.
Il y ajoute un pichet d'eau et tourne le tout avec une cuillère en bois. Pendant ce temps, j'ouvre la porte du frigidaire et sort tout ce qu'il me faut pour faire un bon sandwich.
Je traverse ma maison à pied - ce qui est quasiment aussi long que de faire le trajet en voiture jusqu'au lycée, sans grande exagération - jusqu'à ma chambre. Je m'assis devant mon piano dans le but de travailler mon dernier morceau. Je glane un coup d'œil vers le large emploi du temps accroché à mon mur, au-dessus de mon bureau. Sans être trop enjoliveuse, j'ai un véritable emploi du temps de ministre.
  Après m'être entraîné au piano, je descends me préparer un smoothie. Ce soir, mes pères ont convié un couple avec qui ils sont amis et qui pourraient m'aider pour me faire un nom dans la sphère du mannequinat plus tard. Ils devraient arriver d'ici une demi-heure.
  Je retourne dans ma chambre afin d'enfiler un maillot de basket puis sort dans mon jardin, une bouteille d'eau dans la main, sans grands soucis du noir environnant. Là se trouve mon terrain de basket personnel - par personnel j'entends que je suis la seule à l'utiliser - un peu à l'écart. Je saisis le ballon de basket abandonné sur le côté et effectue une série de dribbles pour m'échauffer. Je fais plusieurs tours de terrain à vitesse normale avant d'enchaîner sur des séries de pompes et d'abdominaux. Après cela, je m'entraîne à marquer des buts d'une certaine distance, avec ou sans élan.
  Malgré que je n'ai repris mes entraînements quotidiens que depuis cinq jours, je n'ai pas du tout l'impression d'avoir perdu le coup de main. Heureusement puisque je suis meneuse de l'équipe de basketball du lycée depuis mon arrivée, l'année dernière, et que je m'occupe personnellement de la sélection des nouvelles joueuses.
  Après ma séance de basket, je décide d'aller nager un peu. En tant que mannequin, il est primordial que je surveille de très près mon apparence physique, que cela me plaise ou non. J'ai donc le droit à une healthy routine très particulière sur ce que je mange dirigée par mon père, Jeffrey, des entraînements sportifs réguliers ainsi que Jay que j'ai tout le temps sur le dos quoi que je fasse.
  Sans trop savoir comment je me suis débrouillée, je fais tomber mon bracelet en argent qui tombe sur le sol en brique de ma terrasse et émet un bruit de métal qui me hérisse le poil. Tout d'un coup, ma tête se met à chavirer un peu et je me penche en avant pour ramasser le bracelet. Cela me fait ressasser une vague de souvenirs, ou de rêves que sais-je - en tout cas, rien qui ne me semble familier.

SACRAMENTO AFFAIROù les histoires vivent. Découvrez maintenant