flashback #2

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(14 mois plus tôt/octobre 2019)
Petite précision : dans l'histoire, le temps n'est pas respecté ; je m'explique, l'histoire évolue comme elle doit évoluer, plus vite que la ligne de temps réelle s'il le faut (par ex le chapitre 8 du PdV de Veronica se passe juste avant que l'on passe en 2021, ce qui ne fait pas de l'histoire un écrit futuriste pour autant)
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  Assise sur le toit de ma maison, je contemple les étoiles. C'est une habitude que j'ai prise depuis l'arrivée de mes insomnies et qui permet de me calmer.
  Pour accéder à mon toit depuis ma chambre, il faut longer une sorte de fine moulure décorative en plâtre avant de s'agripper tant bien que mal aux canalisations. Je l'admet, ce n'est pas aussi facile qu'il ne paraît et le risque de chute est bien trop élevé. En soi, le danger ne m'effraie pas, du moins c'est ce dont j'essaie de me persuader, croyant au fait que la piscine à débordement en contrebas sera capable d'alléger le choc.
  J'ai beaucoup pensé à la mort dernièrement. Pas d'une manière sombre ou dépressive mais plutôt comme une grande question philosophique sans réponse, un grand peut être. Toutes les théories autour du thème ne me plaisent guère, que ce soit la réincarnation ou l'histoire du grand tunnel blanc. Je m'intéresse plus aux faits, ayant toujours été une fille qui garde les pieds sur Terre, coûte que coûte.
  Je veux dire, si mes pieds glissaient de cette moulure, là, tout de suite, qu'est ce qui déterminerait si je m'en sortirais avec une jambe cassée ou pas du tout ? Et ne me parlez pas de la gravité en démontrant par tel ou tel calcul qu'une personne d'une certaine masse aurait plus de chance de s'en sortir qu'une autre...
  Le fait que la vie puisse nous être retirée en une fraction de seconde, que notre corps soit laissé comme une carcasse stoïque - car c'est ce que c'est, et non pas « l'enveloppe de nos pensées » ou quelque autre idiotie poétique que j'ai pu lire - me paraît impensable. Je ne suis ni idéaliste ni naïve et, certainement comme vous avant moi, j'ai regardé des centaines de films d'actions ou un personnage s'éteint brutalement après une altercation ou quelque autre chose, comme si son âme ne tenait qu'à un fil avant de lui être soudainement enlevée.
  Toujours étant, je m'amène à penser à ce grand inconnu alors que je suis assise, contemplant les étoiles. Je regrette les beaux jours d'été où la température était optimale pour passer une nuit à la belle étoile sans même frissonner. Le mois d'octobre, au contraire ne permet pas cela, me laissant pantoise devant l'atmosphère froide m'obligeant à revêtir un pull-over. Je ne me plaindrai pas trop longtemps, puisque vivant en Californie, je ne suis pas trop sujette à des changements climatiques drastiques.
Je regarde le ciel encore un petit moment, allongée, les mains unies derrière le creux de ma nuque. Puis je me redresse, contemplant évasivement la vue en contrebas. J'adore cette ville. Sacramento est une sorte de refuge que tout le monde connaît mais que seulement peu de personnes ont eu la chance de rencontrer. J'ai toujours vécu ici aussi loin que je me souvienne, mais j'ai failli partir il y a de ça quelques années, lorsque ma mère a cru bon de  me faire découvrir son pays d'origine, la France, avec sa culture et si célèbre gastronomie. Je me rappelle avoir fait des pieds et des mains pour pouvoir rester ici, négociant finalement avec ma mère de passer uniquement un été dans son pays. Ce que l'on fît, et je dois avouer que ni moi ni mon estomac ne furent déçus. Mais ce n'est pas pour autant que j'ai été dégoûtée de cette ville, la preuve étant que je suis toujours là, régnant perpétuellement sur cette ville contre mon gré.
  Je crois bon de préciser que je suis bien moins superficielle que mon monde ne le croit. Je me fiche bien de respecter la dernière tendance quand il en vient à acheter des vêtements, ou de paraître parfois pour une intello en classe.
  Cependant, une charge m'a été confiée depuis ma naissance, celle de contrôler la micro société qu'est Sacramento High, ce que j'ai fait jusqu'ici avec brio. Je sais ce que vous pensez, « non mais pour qui se prend cette pauvre fille ? », et vous avez raison, mais si vous vous intéressez à mon cas, vous remarquerez que je ne suis qu'une réplique de ses filles populaires et dictatrices que l'on retrouve dans toutes les séries américaines. Une partie intégrante des rouages même.
  Pour en revenir aux étoiles, je me suis pris de passion pour l'astronomie dernièrement. Depuis que mes insomnies ont débuté, j'ai démarré une seconde vie la nuit, dans le confort et la protection de ma chambre. Là je lis, j'écris, j'écoute de la musique, je regarde les dernières séries parues, je dessine parfois, me renseigne sur des vastes sujets comme la mythologie ou le théâtre et regarde les étoiles quand la température le permet. Bref, cette routine est loin de me déplaire. Aussi, je passe très peu de temps sur les réseaux sociaux, un lieu où les filles du monde entier se critiquent et crachent dans le dos pour un kilo en trop ou un recours à Photoshop. J'ai toujours trouvé cela nocif et même si je n'ai pas arrêté complètement d'y aller puisque je poste régulièrement sur mon profil pour conserver mon image, j'ai décidé d'y faire une pause, ne participant plus à aucun groupe de discussion, ou étant abonnée seulement aux gens de mon lycée que je côtoie même si je me fiche bien de leur vie la plupart du temps.
  J'observe la vie de la ville, le mouvement aléatoire et vacillant des vieux lampadaires des quartiers pauvres de la ville, le bruit d'un moteur ronronnant au loin, le sursaut d'un chat de gouttière dans une poubelle. Et figurez-vous ? Ça me plaît. C'est un des seuls moments de mon existence où je peux sembler me résoudre à faire ce que bon me semble et observer les choses sans arrière pensée. Si seulement ça pouvait durer toute la vie.

SACRAMENTO AFFAIROù les histoires vivent. Découvrez maintenant