audio : "You should be sald" ~ Halsey
[PdV Patience]Novembre. J'apprécie la température encore douce de l'extérieur, seulement vêtue d'un débardeur et d'un sweat d'université assez chaud. A ce moment précis, une légère brise arrive pour me contredire. La froideur me saisit et je remonte la légère écharpe que j'ai eu raison d'enfiler en partant ce matin.
J'arrive au niveau de ma maison et tourne la clé dans la serrure. Toutes ces actions me semblent mécaniques tant je suis éreintée par la journée qui me précède. Heureusement pour moi, c'est vendredi soir ce qui signifie travail personnel jusqu'à vingt heures uniquement avant de me caler devant la télé avec une part de pizza réchauffée. Ma mère n'est pas encore rentrée du travail. Ce qui signifie que je suis seule. Ce qui est loin de me déplaire, je dois dire ! Ma mère et moi vivons toutes les deux, parfois rejointes par ma sœur jumelle. Mon père lui a emménagé dans le sud de la Californie, dans une petite ville appelée Ocean Side pour être plus précis. Là-bas, il a réhabilité la petite cabane de pêcheur de son père décédé et l'a transformé en une espèce de droguerie où l'on peut acheter des boissons fraîches comme des planches de surf. Il y a vécu depuis sa séparation avec ma mère, il y a plus de trois ans maintenant.
Je file directement dans ma chambre où j'allume mon enceinte et branche une série de musiques sans paroles. Je prend mon vieil ordinateur sous le bras et vais m'asseoir sur mon lit. Je me connecte à mon agenda synchronisé et regarde la charge de travail que j'ai à remplir. Si je m'y mets bien ce soir et un peu demain matin, le reste de mon week-end devrait rester cool. Je m'attache donc les cheveux et m'attaque à mon devoir d'histoire et géopolitique sur l'évolution de l'économie américaine depuis l'après-guerre. Je me vois assez intéressée par le sujet et finit le devoir une heure et demie plus tard, très fière de moi-même. Je rends automatiquement mon devoir et commence à préparer quelque peu le commentaire de texte que je dois écrire pour la semaine suivante. Il est vingt heures passées quand je décide de m'arrêter et d'aller prendre une bonne douche bien méritée.
Alors que je me pose à peine sur mon canapé dans mon pyjama hyper confortable, je réalise que mon téléphone bipe suite à l'arrivée de deux textos. L'un est de ma mère, l'autre de Danna. Le premier me dit simplement que ma mère devrait arriver d'ici une dizaine de minutes alors que le second est un message vocal laissé par mon amie. « Ppppppp. Hey Pppppppp. Tu sais que je t'aime heinnn. Non sans dec jte kiffe graaaave. Ohhhh tu devineras jamais ! Y a le mec *ahahah* que tu kiffes à côté de moiiii ! Vas-y parle ! »
J'entendais le bruit d'une fête derrière mon amie et il ne fallait pas être un génie pour comprendre que celle-ci était bien souillée par l'alcool. Mais à ce moment-là tandis que son message vocal continuait, je restai interdite. Une voix que je reconnût parla dans le téléphone de Danna.
« Euh, salut. Je sais pas si tu te souviens de moi mais on s'est rencontrés au cinéma il y a quelques mois, puis chez le gracier... Bref, tu devrais venir chercher ta pote, elle a l'air un vachement bourrée quand même. »
Le message s'arrête en un bip strident. Ni une ni deux, je m'élance hors de ma maison après m'être assurée d'avoir pris mes clés. Je cours à toutes enjambées avant de me rendre compte que je ne sais même pas où je suis censée aller. Je rappelle alors le portable de mon amie en priant pour que ce soit Noah qui décroche. Bingo ! Une voix masculine et un peu enrouée me répond.
- Allô ?
- Salut, je débite rapidement. Je suis en route, dis moi simplement où se déroule cette fête.
- Euh alors attends je te communique la localisation.
J'entends des petits bips signalant qu'il est en train de pianoter sur le téléphone. Presque automatiquement je reçois ce qui semble être le screenshot d'une localisation Snapchat.
- Merci, j'arrive.
Je raccroche rapidement. Cette fête se déroule a quelques blocs de maisons d'ici, heureusement pour moi. Je me rends au premier arrêt de bus que je vois et patiente quelques minutes avant de monter à bord du premier bus qui arrive.
Une dizaine de minutes plus tard, j'arrive en contrebas d'une route zigzaguant en direction d'une importante maison. Une fois à l'intérieur de la maison, je me fraie un chemin à travers les gens portant tous, sans exception, un gobelet rouge à la main. Je cherche un peu partout mais il faut avouer que la bâtisse est assez grande et les invités assez nombreux. Je me remplis donc un gobelet rouge d'un liquide assez douteux et vais m'asseoir sur la marche là plus basse de l'escalier se trouvant à proximité.
Je bois mon verre cul sec et sors mon téléphone, dans l'idée d'appeler à nouveau Noah, alias le téléphone de Danna. Je n'en ai pas l'occasion car je le repère un peu plus loin, traversant la foule se trémoussant sur la musique rythmée. Ni une ni deux, je me lève et me dirige vers lui. Je remercie le ciel une fois encore pour m'avoir doté d'une si bonne résistance à l'alcool, n'étant même pas étourdie après avoir vidé bien plus qu'une quantité de verre à shot de whisky. Je m'élance donc à la poursuite du jeune homme.
- Hey !
Il se retourne alors que je viens de lui tapoter l'épaule. Un adorable sourire se forme sur son visage alors qu'il décrète d'une voix joyeuse.
- Ca fait plaisir de te voir !
Je me sens rougir violemment. Je fuis son regard puis me racle la gorge.
- Tu sais où est Danna ? je lui demande, une fois ressaisie.
Il semble seulement réagir la raison de ma venue.
- Oh oui, pardon. Suis moi.
Il tourne les talons et je le suis jusqu'à une chaise longue à côté de la piscine où mon amie est actuellement en train de zoner, une bouteille de vodka quasiment serrée contre son torse. Elle porte un large sweat gris oversize dont la capuche est remontée sur sa tête et des lunettes de soleil sont hissées sur le bout de son nez. C'est presque s'il y avait inscrit « Fuck you » sur son front, ce qui me fait sourire.
- Je lui ai passé mon pull, m'informe le brun .
Je hoche la tête et m'approche tout doucement, pensant mon amie endormie. Mais celle-ci se contente de hurler d'une voix stridente dans mon tympan gauche.
- Salut P !
Je sursaute, ce qui fait pouffer Noah. Je me retourne et lui renvoie un demi-sourire, un sourcil arqué. Je demande ironiquement :
- Tu as quelque chose à dire peut être ?
Il se contente de sourire en retour.
Après plusieurs efforts à essayer de déplacer mon amie de son trône - efforts non concluants, vous pensez bien - je me résigne à la laisser. Je m'approche de Noah.
- Bon, je dis.
- Bon, répète-t-il.
Il y a un petit blanc assez gênant, durant lequel nous nous contentons de rester debout côte à côte.
- Pour dire vrai, je suis content que Danna soit assez bourrée pour ne pas partir.
Je me retourne vers lui, quelque peu interloquée.
- Merde, le boulet, marmonne-t-il. Ce que je voulais dire, c'est que tu vas pouvoir rester plus longtemps.
J'avoue que je suis très peu romantique mais je trouve quand même son aveu mignon. Et puis, il me plaît bien.
- C'est vrai moi aussi, c'est sympa de te revoir.
La conversation commence un peu à tourner dans le vide donc je décide de proposer d'aller prendre un verre au bar.
- En fait, je ne bois pas d'alcool, m'avoue-t-il. Oh il reste du jus d'orange !
Je ris face à sa spontanéité.
- Tu es mignon, je lâche.
Il me dévisage quelques instants, surpris par ma déclaration. Je vois à travers ses yeux que cela lui fait vraiment plaisir. Pendant ce temps, j'hésite à me servir un autre verre de whisky avant de me décider pour un verre de jus, moi aussi. Il faut dire que l'alcool ne m'aidera pas à garder mes pensées pour moi.
Noah semble penser à quelque chose de drôle puisqu'il éclate soudainement de rire à côté de moi.
- Qu'est-ce qu'il y a ? je demande, amusée par son rire communicatif.
- Je viens de me rendre compte que je ne connaissais même pas ton prénom, répond-il. En fait, la seule chose que je sais c'est que Danna est ta meilleure amie. Et que tu as une sœur jumelle.
Je ris, réalisant le ridicule de la situation. J'ai été appelée par un garçon que j'ai rencontré à deux reprises dans ma vie, et je ne me suis jamais présentée. Le brun se joint à moi.
- Qu'est-ce que tu veux savoir ?
- Ton prénom déjà. Ce serait une grande avancée.
Nous rions à nouveau. Alors que je m'apprête à parler, il m'interrompt :
- Non ! Ne dis rien. Je vais deviner tout seul.
Je lève un sourcil, un large sourire ancré sur les lèvres.
- Ça m'étonnerait. J'ai un prénom assez... original.
Il secoue la tête, obstiné.
- Mais non. Je suis sûr que j'en suis capable.
Je hausse les épaules et m'accoude sur le bar.
- Alors, commence-t-il. Je sais que ton prénom commence par la lettre P, puisque Danna t'appelle P. Hum. Priscilla ?
Je hoche la tête, sentant mon sourire s'allonger.
- Paola ? Pauline ?
Il essaie encore quelques prénoms de plusieurs nationalités différentes avant de baisser les bras.
- Perdu, je déclare. Tu donnes ta langue au chat ?
Il acquiesce, silencieusement.
- Patience.
Il ne semble pas avoir compris et me regarde d'un air assez éberlué. J'éclate de rire avant d'ajouter :
- C'est mon prénom.
Sentant son manque de réaction, j'explique :
- Mes parents voulaient que j'ai un prénom unique, mais pas inventé pour autant. Du coup, ils ont décidé de m'attribuer, comment dire... une qualité ou un trait de caractère, en prénom.
Il braque soudainement un regard profond sur moi, ce qui me fait rosir une fois encore.
- Vous êtes un spécimen rare, jeune fille.
Et au ton de sa voix, je sais qu'il le pense.
Il n'empêche que cela me gêne assez de parler de moi, j'essaie donc d'orienter la discussion vers Noah.
- Et toi alors ? Quel âge as-tu ?
- Je vais sur mes dix-huit ans. Et toi ?
- J'aurais dix-sept ans en janvier.
Il me regarde d'un air profondément choqué.
- Attends attends. Mais t'as seize ans là ?
- Euh oui, je bredouille.
- Mais tu mesures à peine quelques centimètres de moins que moi, et, tu parais si mature.
Je souris.
- C'est gentil. Du coup tu as fini le lycée ?
- Oui. J'économise en alternant les petits jobs d'étudiants et j'essaie de trouver ma vocation pendant ce temps-là.
- Oh. Tu n'as pas commencé tes études donc.
Le beau brun soupire lentement. Il effectue un mouvement de glissement avec son doigt sur la surface de son verre. J'ai peur d'avoir dit quelque chose de maladroit ou que mon ton de voix eut été jugeur.
- Excuse moi, je ne voulais pas...
- Non-non, détrompe toi, me coupe-t-il. C'est bien pour une fois d'avoir un avis honnête. La plupart des gens me disent simplement « ce n'est pas très grave » ou « tu trouveras avec le temps ». Mais la vérité c'est que j'ai toujours eu un bulletin moyen et que je ne m'intéresse dans aucune matière.
Je réfléchis un peu, cherchant soigneusement mes mots. Si Danna ou Cora avaient été là, leur côté idéalistes aurait sans doute pris le dessus et l'aurait poussé de réaliser ses rêves, sur un coup de tête. Mais je n'étais pas comme ça. Moi, j'avais toujours planifié le moindre détail de ma vie, sachant presque à quel âge je devais me marier ou avoir des enfants pour que cela ne soit pas compromettant pour ma carrière professionnelle.
- Tu sais, je dis enfin, peut être que tout simplement des longues études académiques ne sont pas fait pour toi. Tu es sûrement l'une de ses personnes qui met du temps pour trouver ce qui la fait réellement vibrer, mais qui s'investis corps et âme dans sa passion, une fois trouvée. Je ne sais pas si je me suis bien exprimée.
- Non, ne t'inquiète pas, me rassure-t-il, je pense que j'ai compris. Et tu dois sûrement avoir raison. Mais bon j'espère que je trouverai ma vocation rapidement. Je n'ai pas toute la vie non plus.
Suite à sa réponse, nous partîmes sur un autre sujet de discussion, puis encore un autre, si bien que je n'avais pas vu l'heure passer. Sans vouloir paraître niaise, je me sentais bien avec Noah, il avait la conversation facile et des opinions bien tranchées. C'était très agréable de passer du temps avec lui. En réalisant que la fête commençait à désemplir, je jetai un petit coup d'œil à mon téléphone. Celui-ci indiquait plus de deux heures du matin. En soi, ce n'était pas si tard mais je m'en voulais d'être partie sans avoir prévenu ma mère. Elle ne m'avait pas appelé cela étant dit, sûrement persuadée que je devais passer la nuit chez Danna sur un coup de tête. Ma mère m'a toujours laissé beaucoup de liberté et m'attribue une grande confiance depuis petite. Je pense que c'est du au fait que j'ai toujours été mature et sérieuse à l'école, en compensation de mes bonnes notes.
- Mon dieu, je dois filer, je dis à Noah, en levant le nez de mon téléphone.
Je tourne les talons quand le jeune homme me rappelle à la raison :
- Euh... et Danna ?
- Merde.
Je cours vers me transat où ma meilleure amie était déjà en train de roupiller. Je la secoue un peu dans le but de l'éveiller.
- Dan'. Réveille toi.
Mon amie grogne tandis que Noah, tel le gentleman qu'il est propose de la porter jusqu'à chez moi. J'écarquille les yeux.
- Mais euh c'est que j'habite à deux kilomètres d'ici moi. Et Danna n'est pas vraiment légère.
C'est ce moment que la principale concernée choisit pour déclarer :
- Je t'emmerde. Je veux me faire porter comme une princesse moi.
Noah et moi éclatons de rire. Le brun propose alors qu'elle marche jusqu'à chez moi, supportée par nous deux. C'est ainsi que nous partons sur la route, marchant clopin-clopant à la lumière terne des réverbères. Il s'avère alors que Danna est assez lucide pour marcher toute seule et finit par nous planter en se dirigeant vers sa maison, située un peu plus loin.
- Quelle comédienne ! je glousse.
Alors que nous nous approchons de ma rue, Noah annonce de but en blanc :
- Ca te dirait d'aller manger ensemble demain ?
Je reste déconcertée quelques secondes, et vérifie :
- C'est un date ?
- Bien sûr que oui, patate, répond-il souriant.
Je lève un sourcil face au ridicule de la situation.
- Patate, hein ? je répète.
Nous rions un peu. Nous faisons le reste de la route en silence.
- Voila ma maison.
Noah met ses mains dans son bermuda, vêtu uniquement d'un t-shirt. Je remarque qu'il a légèrement la chair de poule sur les bras et les jambes. Il est vraiment très mignon quand même, je pense.
- Je pensais à quelque chose, je déclare. Tu as bien pris mon numéro quand on s'est rencontré la première fois, au cinéma.
Il acquiesce d'un mouvement de tête.
- J'imagine que tu devais avoir marqué mon nom du coup.
Il baisse la tête et lève les mains comme un voleur.
- J'abandonne, capitule-t-il. Je connaissais déjà ton prénom mais j'ai fait genre que je ne le connaissais pas pour pouvoir te parler.
Je lui souris et sans savoir vraiment ce que je fais, je pose mes lèvres furtivement sur les siennes. Je vois ses joues rosir légèrement, sous le coup de l'étonnement. Une légère brise passe, faisant bouger ses mèches châtains foncés sur son front.
- Bon, à demain.
Il me souhaite une bonne nuit puis je tourne les talons en direction de ma maison. Je claque la porte après être entrée, surprise de ne pas trouver ma mère sur le canapé. Je me rappelle alors de l'heure tardive et me dirige directement vers ma chambre.
Une fois bien au chaud sous ma couette, j'allume l'écran de mon téléphone, attendant un message de la part de Noah. Je ne veux pas avoir l'air obsédée par lui - ce qui n'est pas le cas, évidemment - et j'ai déjà fait assez de premiers pas. C'est pourquoi j'attends qu'il émane de lui cette fois-ci.
Ne voyant pas de messages arriver, je me rends sur mon Instagram et tente de trouver le compte du brun. Malheureusement, je ne connais ni son nom de famille, ni les comptes de ses amis. Je repose donc mon téléphone sur ma table de chevet et me résigne à envoyer un SOS à Danna, le lendemain.
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SACRAMENTO AFFAIR
Mystery / ThrillerSacramento, California. J'aimais la musique, danser sous la pluie et m'échapper en regardant les étoiles et en rêvant à une vie parallèle. Mais la réalité m'a rattrapée.