Tout

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Je lui ai dit que je l'aimais. Enfin. C'est si dur pour moi, de sortir ces quelques mots avec ue vraie sincérité profonde. Et je l'ai fait. J'ai poussé mes efforts jusqu'à avouer être amoureuse, ce qui en soit ne représente rien d'incroyable pour moi à avouer, mais devant lui c'est tout autre chose.
Il a été interloqué. Visiblement, il ne s'y attendait pas. Pourquoi tout semble toujours aller dans ce sens ? Pourquoi ai-je l'impression de donner plus que je ne peux recevoir ? Ne suis-je pas assez ? Serais-je jamais assez ? Cette frustration ne passe pas, elle me reste coincée en travers de la gorge comme si je m'étouffais avec quelque chose. J'aimerais faire plus, pour avoir plus. Mais qu'ai-je à donner ? Rien. J'ai déjà tout mis sur la table. Et si ce n'est pas assez, il ne me restera qu'à accepter ou partir.
J'aimerais être tout pour lui. J'aimerais qu'il m'aime. J'aimerais l'aimer autant que j'ai pu le faire par le passé, et que lui aussi en retour. J'aimerais que tout soit parfait et merveilleux. Encore plus que ça ne l'est déjà. Mais je ne peux pas influencer ce qu'il est. Il est une personne autre, extérieure à mon monde et à ma volonté. Il est une entité entière et indépendante à lui seul.
Mon cœur est lourd mais je ne peux que l'accepter. L'amour, ça ne marche jamais comme il faudrait. Parce que la raison n'a rien à voir la dedans. C'est chimique, c'est du hasard, du sentiment, de l'émotion, et du timing. Rien qu'un petit être vivant comme moi pourrait contrôler. Je n'ai déjà pas assez d'énergie pour contrôler ce qui me concerne, alors comment pourrais-je quand cela concerne les autres ?
C'est difficile de l'accepter, d'entendre qu'il pense à une autre. Qu'il pleure pour elle. Qu'il l'aime, ou du moins qu'il l'a aimée. Aimée comme il ne m'aime pas. J'aimerais avoir toute la place. J'aimerais accaparer tout l'espace qui puisse être disponible. J'aimerais avoir tout pour moi, juste une fois dans ma vie. Parce qu'on m'a tellement pris, on a tellement pris ce que j'avais que j'ai besoin de prendre à mon tour. J'ai une immense avidité qui me ronge. C'est égoïste. Égocentrique. Mesquin. Bas. Faible. Mais je suis un être de sentiments. Je suis faible de nature. Mes failles sont aussi grandes que moi, j'ai grandi avec. Et parfois elles me contrôlent. Elles contrôlent mon cœur, mes envies, mes peurs. Meme souvent, d'ailleurs. Et parfois, j'aimerais les combler. Et pour ça, il faut prendre beaucoup. Beaucoup de place, beaucoup d'attention, beaucoup de temps. Je veux avoir, amasser, pour compenser le fait que j'ai été volée. Privée de certains choses qui étaient miennes. Je suis avide, autant que je suis vide. Il y a des plaies qui ne guérissent pas avec le temps. Parfois elles continuent même de grandir.
J'ai accepté certaines choses. J'ai accepté même beaucoup de choses, dans cette réalité dépravée. Mais je me retrouve quand même souvent avec ce cœur lourd, de voir que je reste une si petite pièce du puzzle. Je réalise la petite valeur que j'ai. Et cela me blesse, car j'ai toujours rassuré la petite fille que j'étais en me disant qu'un jour, on me gâterait de reconnaissance à n'en plus finir. Pour qu'au final je ne retrouve ma place. L'enfant qui réside dans mon cœur n'en est que plus vexé. Et un enfant est une boule d'émotions emmêlées, qui grossit dans sa frustration. Alors cette boule prend place en moi. Et je ne peux que regarder, être spectatrice de tout ça, comme je l'ai toujours été face à mes espoirs et à ma vie, en rêvant pour la énième fois qu'un jour peut-être je pourrais être à la place de celle qui accapare les attentions, les esprits et les cœurs. Le sien.

Il y a des rêves qu'on ne peut pas atteindre. Mais qui nous restent en-tête et nous poignardent le cœur de ne pas être réalisés. On ne peut que les repasser en boucle, en espérant que la réalité nous paraisse un jour suffisante.

RelationshipOù les histoires vivent. Découvrez maintenant