Est-ce que la roue tourne vraiment? (Terminée)

Prologue

« A tous nos très chers employés et ouvriers, nous vous informons que notre nouveau service de chat en ligne est ouvert en version bêta.  Nous vous rappelons qu'il a pour but de faire diminuer les tensions et les discriminations au sein de notre entreprise, en vous permettant de discuter les uns avec les autres en tout anonymat, de même que faciliter la communication entre les services.  Il sera prochainement amélioré afin de permettre de créer des groupes de discussion pour vous aider à travailler sur vos projets.  Vous pouvez formuler vos remarques et commentaires à l'adresse chatbeta@ador.com.  La Direction. »

Après avoir lu la note de service, Lou sourit.  Il n'y avait que chez « Ador & C° » que la direction pensait autant au bien-être de son personnel.  La discrimination et les tensions dont ils parlaient émanaient surtout du fait, selon elle, que la société comptait plus de mille employés et ouvriers, et que les cadres supérieurs et les autres avaient souvent du mal à s'entendre.  Les ouvriers et petits employés étaient considérés comme inférieurs par les cadres qui eux-mêmes étaient vu comme des lèches-culs prétentieux par les autres.  Que cela soit une réalité ou pas, il y avait une sorte de petite guéguerre entre les deux « clans ».

Lou faisait partie de ce qu'on pourrait appeler le petit personnel.  Comptable à temps plein, elle bossait toujours comme une forcenée, principalement parce que sa cheffe directe, une cadre supérieure qui rentrait parfaitement dans les clichés, Aurora Gucht, était une véritable fainéante, incapable de faire quoi que ce soit de bon, si ce n'était ouvrir les cuisses pour garder son job.  Lou faisait-elle donc tout le travail d'une directrice financière, les avantages en moins.  Mais même si cette situation la dérangeait, elle aimait son travail, qui était presque devenu toute sa vie depuis sa récente rupture avec Stéphane, six mois plus tôt.

Elle décida de s'inscrire sur le chat, sous le pseudonyme de « Mademoiselle Bulle », afin de faire la connaissance de ces personnes avec qui elle travaillait depuis quatre ans maintenant, mais qu'elle ne connaissait pour la plupart pas.  Hormis Emma, du service informatique, et son mari Nelson, du service marketing, elle ne fréquentait pas beaucoup de ses collègues.

Il n'y avait pas encore beaucoup de monde d'inscrit, mais un pseudo retint son attention.  Elle entama donc la discussion avec « Rêveur » :

— Bonjour.

— Bonjour Mademoiselle Bulle.  Comme vous portez-vous ?

— Bien, je vous remercie, et vous ?

— Fort bien, merci.  N'est-ce pas une merveilleuse idée que ce chat qui nous permet de discuter en tout anonymat, alors que, peut-être, nos bureaux sont côte à côte ?

— Si, c'est une belle initiative en effet, et j'aime cette idée.

— J'en déduis donc que vous ne me donnerez aucune information personnelle sur vous ?  Pas même votre prénom ?

— Pas même mon prénom.  Vous le disiez à l'instant, c'est une merveilleuse idée... à moins que vous n'ayez changé d'avis ?

— Pas du tout.  Je suis partant, et voyons combien de temps nous pourrons discuter sans deviner qui se cache derrière le clavier.