Aux alentours des dix-huit heures, elle reçut un mail de Rêveur lui répondant : « Je suis en ligne ma douce Mademoiselle Bulle, nous pouvons discuter si tu es disponible ». Elle était en train de boire un bol de soupe en trempant une tartine dedans, et elle emporta le tout sur son bureau, face à son ordinateur, et se connecta.
— Bonjour Rêveur.
— Bonjour Mademoiselle Bulle. Comment vas-tu ?
Elle hésita à lui raconter son horrible journée, mais sa petite mésaventure devant les bureaux d'ADOR & C° devait déjà être connue de pas mal de monde, et son anonymat ne serait plus assuré.
— Bof, pas terrible, mais ça va, j'ai connu pire. Et toi ?
— Oh, pareil que toi. Il y a des jours avec et des jours sans. Tu veux en parler ?
— Pas vraiment, et toi ?
— Non plus. J'ai été content de voir ton petit message en me connectant.
— Eh bien, il était parfaitement sincère. J'ai toujours envie de te parler, tu sais, mais certains jours encore plus que d'autres.
— Cette déclaration me va droit au cœur, tu n'imagines pas.
— Tu sais très bien que j'aime énormément nos discussions, ne fais pas comme si je t'apprenais quelque chose.
— Ce n'est pas parce que je le sais que ça ne fait pas plaisir à lire. Et moi aussi, j'aime passer des heures à discuter avec toi, mais j'avoue que je me languis de pouvoir le faire en tête-à-tête...
Ça y était. Il allait encore lui proposer de se voir. Elle avait refusé déjà à trois reprises, mais il ne semblait pas perdre espoir. Pourtant, il n'ajouta rien, et Lou s'interrogea. Elle n'était pas stupide, un homme comme Rêveur, qui s'exprimait de manière si charmante, qui était si gentil et avec une vie privée si remplie ne l'attendrait pas éternellement. Elle devait prendre les choses en main.
— Moi aussi, je me languis de te voir, mais j'ai peur que tu sois déçu en me voyant pour de vrai.
— Je ne vois pas en quoi je pourrais être déçu, à part si tu me mens depuis que nous nous connaissons, et que nos conversations ne soient pas réelles pour toi, pas sincères comme elles le sont pour moi.
— Bien sûr que je suis sincère avec toi. Je ne t'ai jamais menti, pourquoi penses-tu cela ?
— Eh bien, je dois admettre que me faire repousser trois fois de suite m'a un peu inquiété. Je ne sais pas pourquoi tu tiens autant à ton anonymat... ?
C'était la première fois qu'ils en parlaient. Il n'avait jamais abordé la question, et elle non plus. Elle respira un grand coup et pianota sur son clavier.
— Tu ne peux même pas t'imaginer à quel point j'ai envie de te rencontrer, mais j'ai peur. Ma dernière expérience, dont je t'ai déjà parlé, m'a quelque peu traumatisée, et je tiens tellement à ce qui nous unis en ce moment, que je crains de tout gâcher. Je ne me considère pas comme une belle femme, je n'ai pas la taille mannequin... et si tu étais déçu en me rencontrant ? Si tu pensais que tu avais perdu ton temps avec moi ces derniers mois ? Si tu ne voulais plus jamais me parler ? C'est stupide, je sais, je réagis comme une adolescente, mais mon cœur n'est pas encore remis de ses dernières blessures...
— Le physique n'est pas important pour moi... tant que tu ne ressembles pas à Gollum, bien sûr... et encore, si tu es vraiment la personne aussi touchante et gentille que je côtoie ici dans la vraie vie, alors tu pourrais ressembler à Quasimodo que je m'en ficherais. Bulle, j'aime nos discussions, j'aime ta personnalité et ton humour noir, j'aime passer des heures à te raconter mes passions, parce que tu m'écoutes, et tu me soutiens. Tu parles de taille mannequin, que tu n'as pas, et c'est tant mieux. Je ne suis pas un chien, je n'aime pas jouer avec un sac d'os.
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Est-ce que la roue tourne vraiment? (Terminée)
ChickLitEntre une cheffe tyrannique et nombriliste, une rupture difficile à gérer et une romance virtuelle, Lou tente de mener sa barque dans la vie et de trouver le bonheur. Y parviendra-t-elle enfin?