✓ Chapitre 1 : La balade (funeste)

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Le calme avait cédé la place à un fracas terrible. Les lumières s'étaient éteintes, les murs avaient tremblé. Un moment, je crus en avoir rêvé.

L'instant d'avant, tout le monde penchait la tête au-dessus d'une copie, tentant de comprendre les gribouillages que signifiaient les fonctions. Oui, ce bruit de tonnerre nous avait tous fait sursauter. Autant les filles froussardes que les garçons qui se prenaient pour des rocs. Voilà que soudainement, nous arrêtions nos activités personnelles, avant qu'un brouhaha ne se mette en place, pour débattre de la provenance de ce bruit.

Tremblement de terre ? Non, cela paraissait peu probable dans notre région. À nouveau, les fortes conversations cessèrent. Un autre son s'était fait entendre, encore plus proche. Plus que notre ouïe, notre corps tout entier sentit la déflagration, comme si le pied d'un géant venait de s'écraser sur la ville. Étrange, effrayant, apeurant. Tous tremblèrent, moi avec eux.

Il fallait définir l'origine de ce vacarme et sa provenance. Le surveillant se déplaça en tremblant un peu jusqu'à l'une des fenêtres, qu'il ouvrit en grand. Il regarda à gauche, puis de l'autre côté. Son regard se figea subitement, les yeux écarquillés à l'extrême. Là, je sus qu'il se passait quelque chose. De grave, d'intense et de mystérieux. Il ne fallut pas beaucoup de temps pour le lever de la classe comme un seul homme. Puis une précipitation générale jusqu'aux surfaces vitrées. C'était le désordre complet.

Pourtant, je restai assise à ma place. Trop apeurée pour y bouger. Ma voisine de table et amie me prit le poignet, me provoquant un vif sursaut.

- Tu veux jeter un oeil ? demanda-t-elle doucement, désignant les fenêtres où se regroupaient déjà nos camarades.

Voyant ma position indécise, elle n'attendit pas de réponse et m'emmena de force vers l'une d'elle déjà ouverte, par laquelle s'engouffrait un froid glacial.

Mes camarades s'éparpillèrent. Il y avait ceux qui profitaient que l'on soit au rez-de-chaussée pour sauter sur le trottoir, afin de voir la scène de plus près. Ceux qui regardaient leurs portables nerveusement, en quête de réponse. Ceux qui pleuraient, recroquevillés dans un coin et ceux, plus rares, qui priaient.

Mahaut et moi avancions main dans la main. Nous nous serrâmes le plus fort possible, telle une promesse imperceptible, de ne jamais s'abandonner ni de se séparer. Nous étions là, devant la fenêtre. Et nous voyons tout. Ce que je redoutais et même plus...

De la poussière, près du sol. À la place de la majestueuse cathédrale du bout de la rue, se trouvait un gigantesque tas de pierres. Elle était cassée. Brisée comme on aurait mis en pièces un père noël en chocolat. Comme si elle était faite de papier et non de pierre solide. Comme avant... comme la première fois où elle avait été détruite, lorsqu'un incendie avait consumé la ville, il y avait de cela cent ans.

Je n'avais jamais été mordue de politique, pourtant je savais comme tout le monde que l'alliance Euro-Américaine s'engageait continuellement à entretenir de mauvaises relations avec l'alliance Chino-Russe, dite la Grande Asie. Cela faisait des décennies qu'une nouvelle guerre froide s'était déclarée. Tous les pays prenaient partis entre ces deux camps féroces. Les forces étaient équilibrées. Seuls quelques pays pacifiques refusaient encore de s'allier. Mais aucun d'entre eux n'osaient déclarer la guerre. Le peuple en avait été rassuré... mais cette situation prit une tangente incongrue. Cette guerre attendue et prévisible ne démarrait pas. Sinon, nous l'aurions su. Alors qu'était-ce que cela ? Pourquoi le carnage se mettait-il à pleuvoir ? Était-ce une déclaration de guerre de la Grande Asie ?

Une main frôla ma joue, et je ne compris pas pourquoi. Puis ma vision brouillée m'indiqua que je pleurais. Des centaines de larmes, une véritable fontaine de tristesse, d'incompréhension.

L'orphelinat des enfants trouvés [En Réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant