Chapitre 15 : Les petits (mots)

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La seule en qui je pouvais toujours avoir confiance, c'était Mahaut. Celle-ci arriva peu de temps après que j'eus brûlé les feuilles.

Après mûres réflexions, je décidais de lui dire la vérité et lui expliquais tout, encore une fois, depuis le tout début. Nous commencions à en avoir la fâcheuse habitude. Cette conversation se déroula dans la salle de bain close, avec l'eau des robinets qui coulaient à fond.

Maintenant que je commençais  à recouvrer mes souvenirs, tout dans cet orphelinat sonnait creux. Ils mettaient, c'était indéniable, mais je ne savais pas pourquoi. Cette fois-ci, je voulais rester prudente, ne sachant pas si le LET avait installé des micros ou des caméras. J'espérais juste qu'il n'y en ait pas dans la salle de bain. Ils n'oseraient quand même pas... si ?

En discutant avec Mahaut, j'eus un effet de déjà-vu, revivant la conversation ayant eu lieu quelques jours auparavant. Quand Mahaut doutait, je retournais ses propres arguments contre elle. Je lui avais parlé des documents qu'elle avait débusqués, même si je ne pouvais me permettre d'aller les trouver. En effet, si nous avions été prises sur le fait par un quelconque moyen de surveillance, valait mieux jouer l'ignorance sur leur présence. Pour planter la vérité dans son esprit déjà rongé par l'incompréhension, je lui expliquais mes récentes visions dont j'ai été spectatrice, le mot du corbeau. Je lui promis de lui fournir le même remède qu'à moi, qu'elle se souviendrait de tout à ce moment-là.

Son sang-froid me surpris une fois de plus, car elle crut à mon histoire insensée, tout comme j'avais cru en la sienne. Après tout, nous n'étions pas appelées Les Jumelles pour rien. Si l'une était persuadée par ses propos, l'autre la croyait. Je songeait qu'elle savait que la terreur qu'elle pouvait lire en moi ne pouvait pas être feinte, ni provenir d'une quelconque blague de mauvais goût. Ce n'était pas dans ma nature, de mentir. Surtout pas à elle.

Rapidement, je lui appris mon plan. Quand je lui montrais la note que j'avais préparée à l'égard du Corbeau, elle sourit franchement en hochant la tête.

« Bien joué », semblaient me dire ses yeux. Mais elle ne voulait pas s'arrêter là, je le voyais. Retrouver ses souvenirs n'était qu'une première étape d'un long combat dans lequel elle souhaitait apposer son grain de sel. Voir même un peu de poivre, si le coeur lui en disait.

Malgré mon insistance, elle ne voulut pas avouer les idées qui germaient dans son esprit. Aussi, quand le soir tomba, je déposais simplement la lettre sous la porte de la chambre. Cette nuit-là, je ne dormis pas beaucoup mais le lendemain, la lettre avait bien disparu. Le Corbeau avait dû comprendre le message. Il était encore tôt, mais je m'empressais déjà d'enfiler des vêtements pour me rendre à la boutique, elle était probablement déjà ouverte.

Dans la petite boutique, le marchand bedonnant me regardait sous son épaisse moustache. Son béret était de travers et il avait retiré ses éternelles bretelles qui soutenaient son pantalon. De toute évidence, il n'attendait pas de client.

Je le saluais chaudement avant de m'amasser au rayon des confiseries. Je fis mine de regarder les différents paquets, d'en soulever pour mieux lire les petits caractères.

Je dus me rendre à l'évidence qui sautait aux yeux : il n'y avait là aucun sachet contenant un petit cachet beige. Je vérifiais une fois de plus, me défaisant de ma discrétion.

Un éclat blanc me tapa dans l'œil. Un bout de papier, coincé entre deux paquets de bonbons. Des inscriptions s'étalaient à l'intérieur, mais je le refermais avant de les lire. Je pus voir s'étaler, sur le coin de la feuille, une tache d'encre formant un oiseau noir. Un corbeau.

Je froissais en vitesse le papier et le fourrais au fond de ma poche. J'attrapai ensuite le premier paquet de bonbons à ma portée en l'apportant au vendeur.

L'orphelinat des enfants trouvés [En Réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant