✓ Chapitre 1.5 : La balade (funeste)

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Notre traversée mortuaire continua encore, quand nous entendîmes enfin des murmures, ressemblant davantage à des pleurs. On s'approchait de l'endroit d'où provenait ces appels de détresse et ce que je vis me retourna l'estomac. Je la connaissais. Elle s'appelait Mila et était la déléguée de ma classe. Je ne l'aimais pas particulièrement, la trouvant trop artificielle à mon goût. Mais la voir ainsi, l'abdomen compressé sous un immense morceau de béton, sa bouche dégoulinant de sang épais, fit que je ne pouvais pas l'ignorer. Son corps était sur le dos, coincée. Sa posture m'évoquait une souris fragile et innocente, prise dans un piège. Je m'approchai d'elle, ma jambe traînant légèrement derrière moi.

- Je peux faire quelque chose pour t'aider ? demandai-je, tout en sachant très bien que j'étais impuissante à ce qu'elle vivait. T-tu veux me dire quelque chose ?

Mes mots sonnaient de manière funeste, revenant à demander quelles étaient ses dernières volontés.

- Aide-moi...

Je fixai son corps brisé sans lui répondre, réfléchissant par quel miracle elle pouvait encore être en vie. Elle me demandait l'impossible, ce que j'étais incapable de lui donner, alors je me murais dans le silence, espérant qu'elle finisse par comprendre la raison de mon chagrin.

- Sauve-moi, je t'en supplie...

Je gardai mon mutisme, baissant la tête en signe d'impuissance. Son avant-bras dépassait des plaques, alors je pris sa main avec douceur, sans savoir si son état lui permettait de le ressentir. La regardant tristement, je vis son expression changer du tout au tout.

- Non, dit-elle, sa voix tremblant de colère. Je ne veux pas mourir... pourquoi tu ne me sauves pas ? Pourquoi tu refuses de m'aider ?

- Je ne peux pas... Je suis vraiment désolée... Il n'y a rien à faire..

- Oh mon Dieu. Oh mon Dieu... non.

Je restai là, avec elle, jusqu'à ce que ces gémissements cessèrent. Ses yeux étaient grands ouverts, fixant le ciel. Ils étaient baignés de larmes, maintenant sans vie. Les pulsations de son cœur avaient cessé, je le sentis dans son poignet, encore prisonnier de ma main. Je fermai ses paupières et me relevai en tanguant légèrement.

Un peu plus fragile qu'avant, un peu moins confiante aussi, je la vis partir en douceur. Cette scène parut toutefois me rendre plus courageuse. Je la regardai une dernière fois, puis murmurai un «Adieu» qui se perdit dans la poussière. Martin avait profité de cet instant pour vérifier ce périmètre. À en juger par sa triste mine et sa solitude, il n'avait toujours pas trouvé de survivants.

Dans les ruines du bâtiment de mon lycée, je vis alors Vivien. Il était sapeur-pompier, en plus d'être dans ma classe. Sa présence me rassérena immédiatement, bien que je ne lui avais parlé qu'à de rares occasions. Il avait simplement une prestance et une assurance naturelle digne d'un leader-né. Pourtant, il n'avait jamais démontré la moindre envie de grandeur.

Son unique fait notable, au sein de la classe, était qu'il s'occupait de l'épanouissement régulier de l'une de nos camarades. En effet, Hélène faisait des crises de panique parfois aiguës, et la présence du jeune homme la calmait toujours beaucoup. Je m'étais cependant toujours fait la réflexion que ses crises intervenaient un peu trop souvent justement quand Vivien ne faisait plus attention à elle, mais qu'il était dans le secteur. Toutefois, qu'elles aient été vraies ou simulées, je resterai dans l'ignorance pour toujours.

L'assurance de Vivien me frappa encore plus de plein fouet, quand je le vis s'avancer. Un petit groupe de personnes marchait à ses côtés, tandis qu'il les aidait à sortir sains et saufs jusqu'à la route. À sa vue, je sentis mon coeur battre à tout rompre. L'espoir renaissait des ruines solitaires. Ils réussirent à descendre sur le bitume et se dirigeaient dans notre direction, alors que Vivien repartait déjà à l'intérieur pour accomplir son devoir, en sauvant des vies, sans un seul regard en arrière.

L'orphelinat des enfants trouvés [En Réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant