J'attendis dans une position inconfortable, le dos tordu pour entrevoir l'action au-delà de la serrure, que ''docteur calvitie'' revienne avec la réponse de mon grand suspens. Au moment où j'allai abandonner, me disant qu'il ne reviendrait pas, j'entendis des cris étouffés, puis un souffle épais.
Le docteur grassouillet et à moitié chauve tirait de toutes ses forces sur la perche qui contenait... un être humain. Une jeune fille, étant donné sa petite silhouette affinée. Son corps tentait de fuir et d'arracher le lasso qui se resserrait autour de son cou. Je n'aperçus pas son visage bien que le son de sa voix me semblait familier, comme si je l'avais déjà rêvé. Le docteur ouvrit la porte avec son fessier généreux et poussa l'humaine telle un animal ayant la rage, ou pire encore.
La porte se referma lentement. En quelques secondes à peine, mais ce fut suffisant pour apercevoir de ce qu'elle contenait. Quelques cages alignées au fin fond de la pièce, juste assez grandes pour contenir un animal de taille moyenne. Dans chacune d'elle se trouvait une sorte d'être recroquevillé, au regard effrayé et effrayant. Des... créatures ? Prises au piège. Quel était cet endroit ? Que se passait-il ici ?
Sous le choc, j'avais basculé en arrière. Il me fallut quelques minutes pour reprendre mes esprits. Me déplaçant à quatre pattes, je me déplaçais jusqu'à tâtonner le siège le plus proche, comme pour m'agripper à quelque chose de concret. Au même moment, la porte claqua violemment en s'ouvrant, m'arrachant un sursaut. La même infirmière qu'à mon arrivée entra, me regardant étalée contre le fauteuil en plastique orangeâtre, qui allait merveilleusement bien avec ma robe. Au moins si je vomissais, cela passerait totalement inaperçu.
- Que diable fais-tu par terre?
- Je-euh... Je suis juste... tombée.
- Et... fit-elle en regardant en direction de la salle d'en face, cette prison humaine. Tu es là depuis combien de temps exactement ? Notre rendez-vous n'est que dans une bonne demi-heure, je te signale !
- Oh, je suis arrivée à l'instant. J-j'étais vraiment pressée et je n'arrivai plus à dormir... Mes... béquilles. Je n'arrive pas à m'y habituer. Je... Je suis désolée, je veux vraiment retirer cette chose le plus vite possible.
Je tentai un sourire pour qu'elle ne perçoive pas du sentiment de danger qui me transperçait le cœur. Miraculeusement, elle ne s'aperçut de rien et commenta avec agacement que les jeunes d'aujourd'hui étaient bien trop pressés. Un rêve, ce devait être un rêve. Je commence à rêver éveillée. Quelle horreur, quelle frayeur...
Si jamais quelqu'un l'apprenait, jamais on ne retirerait ces cachets infernaux. J'essayai de penser à autre chose, de me vider la tête, histoire de ne rien laisser transparaître, mais je me sentis tellement mal que la peur me fit trembler en me donnant la nausée. Elle claqua la porte sans ménagement, me faisant sursauter de plus belle.
- Tout va bien?
- Oui, je crois.
- Pourquoi fais-tu cette tête? Tu as vu un fantôme, ou quoi ?
Mes yeux se firent ronds et inquiets, tandis que ses sourcils se froncèrent.
- Non, bien sûr que non. Tout va bien.
Je me forçai à me contenir, gardant une voix calme et assurée.
- Qu'y a-t-il ? Qu'est ce qu'il vient de se passer exactement ? Aurais-tu vu quelque chose ? fit-elle en jetant un coup d'œil dans la direction de la salle E2, qui n'était pas visible à travers la porte fermée.
- Non... Il y avait quelque chose à voir ?
J'observai les alentours théâtralement. Je n'avais jamais fait de théâtre, mais je me sentis inspirée par la situation : mentir ou subir. Malheureusement, j'étais une bien piètre menteuse.
- Bien sûr que non ! Dis-moi, as-tu encore eu des cauchemars ces derniers temps ? Tu ne veux pas un traitement pour ces délires que tu crois vivre en vrai dans tes rêves ?
- Non, non ! Je vous assure. Seulement, depuis ce matin je me sens affreusement mal. Peut-être est-ce dû à l'appréhension avec mon plâtre et tout ça. Vous voyez ?
Elle ne sembla pas convaincue par mon mensonge, mais acquiesça tout de même.
- Oui... peut-être. Cette nuit, tu as pris un cachet pour tes cauchemars?
- Ou-Oui.
- Est-ce que ça a fait effet ? Tu as eu des cauchemars ?
- Euh.. Non aucun...
Je n'osai pas dire que maintenant, je voyais des cauchemars non plus dans mon sommeil, mais éveillée...
- D'accord. Bon, en attendant tiens, un cachet, ça te calmera.
Elle me tendit un cachet bleuâtre presque vert. J'hésitai à l'accepter, mais mon corps fut si raide que je le pris.
- C'est pour le stress, ajouta-t-elle.
- Me-merci.
Pour le stress. Pourtant, je reconnaissais ce cachet. Celui qu'une autre infirmière m'avait donné. Contre les cauchemars, m'avait-elle dit. Je le portai tout de même à ma bouche, fixée par la femme en blouse blanche.
- Mais il n'y a pas de quoi me remercier, je suis là pour ça, tu sais.
Un immense sourire traversa son visage. Comme si ce qu'elle venait de dire était une blague qu'elle seule pouvait comprendre. Visiblement, elle ne voulut pas perdre de temps en bavardages et entreprit, les dizaines de minutes suivantes, de scier mon plâtre dans sa longueur des deux côtés et le long de mon pied.
Ma peur redoubla en la voyant approcher l'instrument de ma jambe et elle usa une nouvelle fois de médicaments, cette fois-ci pour m'aider à me détendre. Mais celui d'avant n'était-il pas également conçu pour me calmer ? À croire que les médicaments pouvaient régler tous les maux. Mais je la remerciais intérieurement, car je pus sentir mon cœur ralentir, mon corps se détendant enfin. Mes pensées filèrent et partirent, me laissant dans un état second où je ne fus plus actrice, mais spectatrice de ma vie.
Cet instant passa très vite, trop vite même. Je ne sus même pas comment ni quand j'étais arrivée ici, sur mes deux jambes, à faire le tour de la pièce avec un infirmier inconnu. Il me sembla que tout devait être correct, puisque tout de suite après une radio et quelques hochements de tête approbateurs, l'on me conduisit à l'intérieur de l'ascenseur en me donnant un sac poussiéreux : mon plâtre au bout de mon bras. Avant d'avoir eu le temps de le refuser, les portes se refermèrent dans un grincement monstrueux.
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L'orphelinat des enfants trouvés [En Réécriture]
Mystère / ThrillerL'histoire débuta avec Joy. Bien qu'aussi radieuse et joyeuse que son prénom le laissait supposer, sa vie à l'orphelinat était loin d'être parfaite. En effet, sous son apparence insouciante et décadente, la jeune femme souffrait de terribles maux. ...