Je dévalais le couloir pour revenir en arrière, jusqu'à la salle de douches collectives. Je m'essoufflais devant les portes et m'apprêtais à les pousser, quand le son d'horreur tant redouté arriva à moi, comme une violente claque sur mon ego. Madame X hurlait, plus enragée que de coutume. Je ne pouvais l'apercevoir, pourtant je sentais que sa colère gonflait inexorablement dans sa poitrine.
Un son cristallin se fit entendre, doux et aiguë, me fendant le cœur. J'entrai alors, puis dépassais les cabines de douche individuelles pour atteindre les douches communes.
De loin, la dame, qui était dos à moi, pointait son doigt au sol en hurlant de plus belle.
- Arrête de chialer, sale gosse, je vais t'en remettre une ! Ta gueule, sale morveux !
J'avançais d'un nouveau pas, déglutissant péniblement. Mon regard se posa instantanément sur le corps frêle et fragile de Jean-Lou. Il se trouvait au sol, contre le carrelage. Tremblant de peur, il pleurait doucement et sa petite voix cristalline vint envahir mes oreilles.
Une poigne de fer se resserrait sur son avant-bras. Je pouvais voir des bleus violacés qui s'étalaient le long de ses bras, parsemant son dos de large auréole. Stupéfaite par la violence de la situation, mon mouvement figé par la haine, je ne sus pas comment réagir. Ce fut la réaction de Madame X qui détermina mon attitude.
La dame ne m'avait pas encore remarqué que j'avançais droit sur elle, me plaçant entre Jean-Lou et son bourreau, au moment où elle abattit son poing contre lui.
Son coup m'arriva dans le genou et je ravalais un cri de douleur. Mes pires craintes devenaient réalité : elle battait bien Jean-Lou, avec une force que je n'aurais jamais pu imaginer. Comment peut-on faire ça à un si jeune enfant, sans même avoir de remords ?
- Vous ne le frapperez plus !
La grosse dame émit un rire rauque en me détaillant.
- C'toi qui va l'empêcher ? Dégage sale morveuse, j'fais mon boulot, casse-toi.
J'ignorais sa pique et remis Jean-Lou debout. Il était presque recouvert du savon qui avait coulé partout sur le sol. Malgré cela, ses hématomes étaient bien visibles sur tout son corps. Il tremblait encore, mais tenait sur ses jambes. Les miennes aussi s'étaient mises à trembler.
- Vous êtes odieuse. Lâchez-le tout de suite ! Ôtez vos mains de lui ! Viens Jean-Lou, approche.
Elle rigola grassement en desserrant son étreinte sur son bras, à mon grand soulagement. Le petit garçon marcha dans ma direction, avec un calme qui me donna des frissons. Seigneur, faisait-il toujours tout ce qu'on lui ordonnait ? À cet instant, j'eus une sorte de révélation écœurante : il ne m'avait pas écouté par confiance, mais par peur. Je passais devant lui, en gardant un regard injurieux sur la vile femme.
J'intimais en silence à Jean-Lou de filer mettre ses habits. Je n'osais pas le toucher, trop soucieuse de l'effrayer.
Il obéit à ma requête en serrant contre son torse nu ses vêtements froissés. Il n'avait même pas hésité, il avait simplement obéit. Je voulus subitement anéantir la grosse dame, qui méritait soudainement ce surnom infâme.
Le garçon fit un grand détour pour éviter cette immonde femme et courut jusqu'au vestiaire. J'espérais qu'il savait bien le faire seul. Je tournais autour de ce monstre, me plaçant dos contre la sortie. Je ne voulais pas rester enfermée avec elle.
- Vous allez arrêter les mauvais traitements que vous lui faites, sinon j'en parlerai à la directrice, pour vous faire renvoyer !
Je parlais avec plus d'assurance que je n'en ressentais. Ma voix tremblait un peu, ce qu'elle remarqua.
VOUS LISEZ
L'orphelinat des enfants trouvés [En Réécriture]
Mystery / ThrillerL'histoire débuta avec Joy. Bien qu'aussi radieuse et joyeuse que son prénom le laissait supposer, sa vie à l'orphelinat était loin d'être parfaite. En effet, sous son apparence insouciante et décadente, la jeune femme souffrait de terribles maux. ...