Chapitre II

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Le vent soufflait, emmêlant mes cheveux blonds. Il était violent et doux à la fois, comme le vent qui te fouettes le visage dans un bateau, avec comme seul horizon le bleu de la mer à perte de vue. Non pas que je fus déjà montée dans un bateau, mais je l'avais lu dans des livres. Je me dirigeai vers le stade, seule. Je venais de finir ma corvée de ce matin, et j'avais besoin de courir et de me défouler. Marie était encore en train de dormir, et je n'avais pas voulu la réveiller. J'avais donc gentiment fait sa corvée à sa place (je lui devais bien, pour toutes les fois où elle m'avait rendu ce service).Nous avions un stade à disposition, pendant les temps libres exclusivement. Courir avait toujours été inné chez moi, tout comme la danse: je courais plus vite et j'étais plus souple et gracieuse que n'importe quel jeune de mon âge. Nous pouvions nous inscrire à des cours de sports variés ici‚ ce que j'aurais fait si ce n'avait pas été en groupe de trente. Je n'étais vraiment pas à l'aise en communauté‚ je n'arrivais pas à être moi-même et me faisais difficilement des amis. Par conséquent, j'étais très souvent avec comme seule compagnie mes pensées noires envers mon manque de sociabilité. Je détestais ce défaut, heureusement que j'avais rencontré Marie, elle était la seule personne avec qui je pouvais être moi-même, avec qui j'osais faire tout ce que je voulais. Pourtant, j'étais assez populaire à l'orphelinat, je n'avais jamais froid aux yeux, je n'étais pas timide et beaucoup de jeunes rêvaient de se rapprocher de moi. Seulement, je les repoussais, c'était plus fort que moi. C'était peut-être par peur qu'ils se rendent compte que je n'étais peut-être pas si intéressante qu'ils l'imaginaient, ou qu'ils fassent mine de m'apprécier et qu'ils m'abandonnent à la premier difficulté... L'orphelinat était déjà assez compliqué comme ça, je n'avais pas besoin d'être en plus blessée par des personnes qui n'en valaient pas la peine.
Une fois les deux pieds sur la ligne blanche, je fermai les yeux et me concentrai sur les battements réguliers de mon cœur, sur ma respiration forte, et sur le soleil qui s'infiltrait agréablement dans chacun des pores de ma peau. Une dernière expiration, et je donnai une impulsion sur ma jambe droite pour commencer à courir. J'allais doucement au début, comme à mon habitude, le temps de m'habituer au rythme rapide et de régulariser ma respiration. Puis, quand je sentis que le moment était venu, courrai de plus en plus vite. Je ne m'arrêtais plus, j'avais besoin de continuer, de dépasser mes limites. C'était le seul moyen que j'avais trouvé pour ne plus penser. Je me sentais enfin libre, libre de ce fardeau, celui de ne plus me souvenir de rien avant mon arrivée ici, celui d'être orpheline sans avoir le souvenir de ce à quoi ressemblais ceux qui m'ont donnés la vie. Quand je courais, j'arrêtais de penser au monde qui m'entourait, je me focalisais seulement sur mon rythme, sur le bien que la course me procurait. Je pouvais croire à ce que je voulais, penser comme bon me semblait, personne ne pouvait m'en empêcher.

Mais je commençais à prendre beaucoup de vitesse, même trop. Je ne pouvais pas me résoudre à ralentir, je voulais savoir jusqu'où je pouvais aller. Ça commençait à devenir dangereux, et heureusement que personne n'était là pour me voir manger le sol quand ça arriva. Enfin c'est ce que je pensais, jusqu'à ce que j'entende une voix au loin:

-Théa ? Théa, tu vas bien ?!

C'était une voix de garçon, je ne la reconnaissais pas. Qu'il connaisse mon prénom ne m'étonnait pas le moins du monde, tout le monde connaissait tout le monde ici, à force. Je répondis avec quelques difficultés:

-Ouais... Ouais ça va, rien de casser...

Je n'en dis pas plus, de peur que ma voix ne se casse et trahisse ma douleur et ma honte, par la même occasion

-On aime courir à ce que je vois ?, repris la voix.

Et en même temps, je sentis des bras puissants me prendre par la taille et me soulever pour me remettre sur mes pieds. Une sensation étrange parcouru tout mon corps dès qu'il posa ses mains sur moi, comme un frisson. Sauf qu'il ne faisait pas froid. Je me sentais tout à coup pleine d'énergie et toute ma honte s'envola, comme si elle n'avait jamais exister. Je n'avais plus mal au genou droit, qui me semblait pourtant assez douloureux quelques instants plus tôt. Surprise, je m'apprêtais à me retourner pour le remercier (et en profiter pour comprendre ce qu'il m'était arrivé), mais fis face à une beauté indescriptible, à couper le souffle. Je ne savais même pas s'il était possible qu'il existe autant de charme en une personne. Je restais donc figée sans même pouvoir parler.

Le garçon en question s'appelait Adrian, j'avais eu l'occasion de le croiser quelques fois dans les couloirs et en classe. Je crois même l'avoir aperçu avec la bande de garçons qui s'étaient moqués de nous hier, quand nous étions arrivées en retard Marie et moi. Mais je ne l'avais jamais observé de si près. Chaque détail de son visage était dessiné à la perfection, que ce soit son nez droit, sa bouche fine ou sa mâchoire carrée bien délimitée. Et surtout ses yeux bleus océans, que sa peau plutôt bronzée, surement due à l'été très ensoleillé de cette année, faisait ressortir. Sans le vouloir, et un peu par curiosité, je baissai le regard vers son torse incroyablement bien sculpté. Son tee-shirt dévoilait ses bras musclés et bronzés également, qui le remplissaient parfaitement. Je ne me rendait pas compte que j'étais en train de fondre devant ce corps parfait, jusqu'à ce qu'il passe une main dans ses cheveux noir de jais, et me regarde en souriant:

-Bien que je sache qu'il doit être très dur pour toi de détacher ton regard de mon physique de rêve, ce n'est pas pour cette raison que je suis venu te chercher.

Eh bien, je m'étais peut-être trompée à son sujet. Il n'était pas si beau que ça finalement. Je décidais de ne rien dire et de lever les yeux au ciel.

-Mais je ne regrette absolument pas d'être venu à ce moment-là, c'était hilarant ! Rigola-t-il

-Ah oui ? Tu n'avais pas l'air de trouver ça très drôle quand tu t'es précipité vers moi pour m'aider à me relever... Je trouve que c'est plutôt "hilarant" aussi, pas toi ?

Je n'avais même plus l'ombre d'un sourire sur mon visage. J'avais l'impression de connaître toutes ses faiblesses, de savoir où il fallait toucher pour que ça fasse mal. Et d'après cette "intuition", le seul moyen était de l'atteindre par sa fierté. Il se moquait ouvertement de moi, et il était hors de question que je laisse passer ça. A son tour de perdre son sourire. Je pouvais même détecter une once de colère dans son regard, signe que j'aurais peut-être mieux fais de me taire. Mais je m'en moquais, être amie avec ce genre de personne qui ne se remettait jamais en question ne m'intéressais pas.

-Sainte Kim veut nous voire, dit-il durement, d'une voix sèche.

Qu'avais-je fait pour l'énerver à ce point ? Je lui avais seulement lancé une pique, comme lui avant moi. Il avait l'air de bonne humeur quand il était arrivé pourtant... Il m'énervait déjà. Nous fîmes le chemin qui nous amenait aux couloirs dans un silence gênant, mais apparemment, aucun de nous deux n'avait ni l'intention ni l'envie de parler, alors je laissai faire.

Quand nous arrivâmes devant la petite porte en bois du bureau de la responsable, Adrian toqua. Une petite voix aiguë s'éleva de derrière la porte, nous priants d'entrer. J'ouvrais donc la porte, qui grinçait, et fit un pas dans le bureau, suivit d'Adrian. La directrice était assise en face d'un homme, qui lui étais assis dos à nous.

Dès qu'il nous entendit entrer, il se leva et se retourna vers nous, un grand sourire illuminant son visage. Il avait une peau légèrement basanée, des yeux presque noirs pétillants de ce qui me semblait être de l'excitation, et des cheveux bruns. Je lui aurais donné dans la trentaine

-Asseyez-vous je vous prie, voici M. Parker, nous dit-elle en désignant l'homme en face de nous.

Il nous serra à tous deux la main, accompagné du même sourire éclatant, pour nous saluer.

-Il a fait une demande d'adoption, et, aussi étonnant que cela puisse paraître, c'est vous qu'il veut adopter.

La Fille des DieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant