Aux bras de mon frère, nous passons le pas de la porte de son appartement. J'ai froid et me sens faible. Je ne réalise toujours pas ce qui vient de se produire. Mes larmes coulent encore et j'ai l'impression que je ne m'en sortirai jamais. Un jour, l'auteure d'un des livres que j'aime tant, Morgane Ortin, a écrit sur un de mes bouquins que "Même un chagrin d'amour peut être beau". Je comprends soudain pourquoi je suis dans cet état-là. Je suis amoureuse de lui. J'ai eu tant de mal à me l'avouer. À présent, cela ne sert plus à rien. Il a pu me détruire comme il l'a toujours voulu. J'ai le cœur en miette et ne peux qu'encaisser. Michael m'aide à enlever mon manteau et me guide jusque dans le salon. De là, il allume la télé et part dans la cuisine. Il revient quelques minutes plus tard avec deux tasses et de la glace sur un plateau.
—Du cappuccino et de la glace à la mangue, ma préférée.
—Ma favorite également.
J'ai envie de lui faire un petit sourire mais n'y arrive pas.
Nous restons là dans le silence avant que mon téléphone ne se mette à sonner. Depuis que je suis monté dans sa voiture il n'a cessé de le faire encore et encore. Je ne décrocherai pas. Je ne lis pas non plus les nombreux messages que tout le monde m'envoie mais écrit seulement un petit sms à Anaëlle. Je ne suis pas inconsciente non plus. Peut-être qu'au delà de leur dégoût envers moi ils doivent quand même s'inquiéter. Je la préviens que je suis chez mon frère et que je suis en sécurité. Une fois fait, j'éteins mon portable.
—Emy, tu veux en parler ? me dit mon frère en me tendant un mouchoir.
—Je pense qu'il n'y a rien à ajouter tu ne crois pas ?
Il hausse les épaules. Le pauvre, il veut juste bien faire. Depuis mon enfance je n'ai simplement pas eu l'habitude de me confier à quelqu'un sur mes sentiments. Même avec ma meilleure amie j'ai parfois un peu de mal. A ce propos, elle n'a même pas essayé de me joindre. C'est quoi son problème à elle aussi ? Elle a quelque chose contre moi ? Je balaie cette idée romanesque et absurde et bois une gorgée de cappuccino.
—Je suis désolée Michael. Je n'ai pas l'habitude de me confier.
—Je ne te force en rien ne t'inquiètes pas.
Je prends une grande inspiration.
—Je crois que je suis tombée amoureuse de lui, j'avoue alors que mes larmes reviennent s'abattre sur mes joues.
Il ouvre grand ses bras.
—Je suis désolée pour la dose de câlins que je dois te faire subir je dis entre deux sanglots.
Il rigole.
—Emylia, j'ai rêvé de pouvoir faire ça depuis un moment déjà alors ne t'en soucis pas, vraiment. Tu sais, ce n'est pas mal d'être amoureuse. Tu l'es peut être juste de la mauvaise personne.
—J'étais convaincue qu'il était spécial.
—Je ne suis pas psychologue ou quoi que ce soir mais tu sais, dans la vie, il y a des hauts et des bas et là, tu es au plus bas. Toutefois ce n'est pas une raison pour baisser les bras. Gardes la tête haute. Je vais te faire le discours le plus sentimental qui soit mais, un jour, tu rencontreras un homme qui t'apprécieras à ta juste valeur et qui t'aimeras et donnera tout pour toi.
—J'ai l'impression que personne ne peut m'aimer.
Il me frotte le dos.
—Je t'aime moi. Tu es ma sœur et je serai toujours là à tes côtés à présent.
Je me dégage légèrement.
—Pas de cette façon idiot je dis en rigolant un peu.
Il lève les mains.
—Je ne peux pas faire plus dit-il en souriant.
—Merci d'être là Michael, vraiment.
Il me regarde d'un air chaleureux et je sais à présent que je pourrai toujours compter sur lui. C'est mon grand frère.
Lorsque je me réveille, j'ai un peu le vertige. Je ne sais pas quelle heure ni quel jour est-il. J'ai passé tellement de temps dans le lit à dormir et à pleurer que j'en ai perdu la notion du temps. À sa façon, Michael essaye de m'aider à aller mieux. Il m'apporte des plateaux repas et me force à regarder la télé avec lui. Je sais qu'il prend sur lui car je peine à imaginer ce qu'il doit penser de tout cela. J'ai passé ces derniers jours à rester cloîtrée en culotte avec un t-shirt appartenant à mon frère. Je fais réellement pitié. Je crois vraiment que je devrais prendre une douche. Toutefois, je n'ai aucun habit avec moi. Quand je suis partie, je n'avais que mon chargeur et mon portefeuille dans mon sac. Rien d'autre. Je me lève doucement du lit et aperçois mon reflet ou plutôt, celui d'une fille ayant le cœur brisé dans le miroir. Je crois que j'ai un peu perdu un peu de poids. Ce n'est pas déplaisant. Je sors doucement de la pièce espérant ne pas croiser mon frère vu ma tenue. En regardant l'horloge du salon, j'observe qu'il est à peine dix heures. Il doit être sorti faire une course. Je vais sur le canapé et remarque plusieurs paquets. Je prends le petit mot qui les accompagne et y lis :
Je ne suis pas un expert en habits pour jeune femme mais j'ai pensé que cela pourrait aider.
Michael
Il est adorable. Je suis quand même gênée qu'il se sente obligé de faire ça. J'ouvre les paquets et suis contente qu'il ait fait ça pour moi. Je vais aller me doucher et la nouvelle Emylia prendra place. Oui, j'essaye de me convaincre que ça va aller. Après tout, mieux vaut garder la face.
Ma douche effectuée, je me sens un peu mieux. C'est quelque peu réconfortant de prendre une douche brûlante. En m'asseyant sur le canapé, je prends la décision de rallumer mon téléphone. Cela fait apparement trois jours que je ne l'ai pas allumé et ne suis pas surprise que le signal de la batterie s'affiche de couleur rouge. Chargeur branché, j'attends patiemment qu'il se rallume. En le déverrouillant, il commence un peu à déconner au moment où des centaines d'appels et de messages affluent. Voilà ce que tu récoltes à faire la morte pendant trois jours me dicte mon inconscient. J'avais mes raisons. Je clique sur l'icône de messages mais ne prends pas la peine de les lire tant il y en a. Je remarque qu'aucun ne provient d'Hadley. Bizarre. Je quitte rapidement les conversations. Je souhaite simplement que ces notifications s'enlèvent. Ces deux derniers jours, j'ai eu l'occasion de beaucoup réfléchir et crois que je dois laisser James partir. Cette décision me crève le cœur mais on doit toujours faire ce qui est mieux pour ceux que l'on aime. Je pense que c'est la meilleure chose à faire. Je vais rentrer aux État-Unis et ne plus jamais le revoir.
J'entends la porte se déverrouiller et vois Michael entrer dans le salon peu après.
—Salut sœurette. Tu ne peux pas savoir comme je suis content de te voir ici.
Je lui fais un sourire et me précipite pour lui faire la bise. Son soeurette ne me semble plus aussi creux que la première fois.
—Je dois te dire quelque chose.
Il prend un air un peu inquiet.
—J'ai décidé de rentrer aux États-Unis.
Il passe de l'inquiétude à la tristesse.
—Tu ne te plais pas ici ?
—Michael, ce n'est pas ça. Je ne pourrai jamais assez te remercier pour tout ce que tu as fais pour moi, vraiment. Je pense seulement qu'il est temps que je prenne un nouveau départ. Il faut que je rentre chez moi.
—Viens vivre ici, je suis sûr que tu peux terminer ton cursus à Paris. Il doit bien y avoir une école.
Je garde sa proposition dans un coin de ma tête et le prends dans mes bras.
—Merci pour tout.
Un peu avant de déjeuner, je prends mon courage à deux mains et écris un message à James. J'envoie rapidement un message à Anaëlle avant afin de savoir si elle peut rassembler mes vêtements et les transmettre à mon frère. Cette situation est extrêmement délicate et gênante pour moi mais bon, foutue pour foutue...
—Ça ne me dérange pas. Tu peux compter sur moi. Tu vas bien ?
Moi même je ne sais pas.
—Tout ira bien.
Je ne prends pas la peine de lire les innombrables textos d'excuses de James me suppliant de revenir et de lui donner une énième chance. Je tape seulement ce que j'ai sur le cœur, les larmes aux yeux.
James,
J'ai pas mal réfléchi ces derniers jours et ai pris la décision de rentrer aux Etats-Unis. Je ne sais pas si je devrais te dire ça car cela n'a plus d'importance désormais mais je t'aime. Je t'aime James comme tu ne peux l'imaginer. Notre relation me consume et je n'en peux plus. Je suis désolée d'être vite partie du restaurant mais je ne pouvait plus rester. Tu m'as littéralement détruite. Depuis que je t'ai rencontré j'ai toujours su qu'il se passerait quelque chose entre nous tôt ou tard mais j'étais loin de me douter que cela mènerait à ma perte. Sur le collier que tu m'as offert, il est inscrit « + qu'hier - que demain ». J'aurai pu me perdre à imaginer que tu parlais de m'aimer mais je crois que c'était plutôt cette destruction qui nous sépare aujourd'hui. J'ai lutté inconsciemment face à mes sentiments mais cela est devenu trop compliqué à présent. Ce que je ressens pour toi est inimaginable. Je suis là à sourire comme une conne à t'écrire ce message tant je t'aime mais je pleure si fort sachant que nous ne pourrons jamais être ensemble. Te dire adieu me parait impossible mais c'est ce qui doit arriver si je veux m'en sortir. Anaëlle ira donner mes affaires à Michael et il lui donnera l'argent que je vous dois pour mes billets d'avions. Tu vas tellement me manquer James mais c'est mieux ainsi.
Je t'aime. Emy
Je retiens mon souffle et appuie sur envoyer. J'observe le petit "lu" sous mon message aussitôt qu'il ait été reçu. Je n'attends pas de réponse de sa part mais je me devais de m'expliquer.
Assise sur le tabouret de la cuisine, je me délecte de ce que Michael nous a préparé. Cela fait maintenant trois jours que je n'ai pas mangé de vrai repas et mon ventre criait littéralement famine. Il nous a concocté un poulet curry coco avec du riz. Un vrai régal. Finalement, je n'aurai que trop peu eu l'occasion de goûter tous les mets français mais espère revenir bientôt voir mon adorable frère.
—J'espère que tu reviendras d'ici peu. Tu vas beaucoup me manquer dit-il.
—Je te le promets. Tu vas me manquer aussi grand frère.
J'entends mon téléphone vibrer pour me dire que j'ai reçu un message ce qui coupe cours à notre conversation. Je décide d'y jeter un œil. C'est lui.
Je n'irai pas avec Anaëlle pour rendre tes affaires à ton frère. En revanche, rejoins-moi demain à la Tour Eiffel à dix-sept heures pour que tu me laisses m'expliquer une dernière fois s'il te plaît. Je t'attendrai au sommet.
Je ne sais pas quoi dire. Je ne suis même pas sûr d'avoir envie d'y aller. Qu'est-ce que je suis censée faire ? Je demande à mon frère ce qu'il en pense et il me dit que moi seule peux prendre cette décision. Elle m'appartient. D'un côté, j'ai envie d'y aller pour écouter ce qu'il a à me dire mais d'un autre, j'ai besoin de tourner la page définitivement. Trouver un juste milieu est impossible. Je dois prendre une décision.
Lorsque Michael revient avec ma valise, je prends conscience que c'est vraiment terminé. Il me prête son Mac Book. Je vais sur le site d'Air France pour me prendre un aller simple. C'est ce qu'il y a de mieux à faire. Mon avion décollera à vingt heures. Michael s'est proposé de m'accompagner. Je crois que ça lui brise un peu le cœur que je parte si vite après nos retrouvailles. Je lui ai promis que je reviendrai dès que je le pourrai. J'ai mes examens à la rentrée et me dois d'être à mille pour-cent si je veux réussir. Cette dernière semaine de vacances sera faite de fiches et de cappuccino. Ce n'est pas plus mal. Demain sera un nouveau jour pour moi.
VOUS LISEZ
When it all begin tome 1 (TERMINÉ)
RomanceEmylia est une étudiante en première année de droit à l'université de Washington. Elle est ambitieuse et souhaite un jour monter son propre cabinet d'avocat. Elle mène une vie paisible et vie en collocation avec sa meilleure amie Hadley. Tout ça, c'...