Chapitre 3 : Drôle de nana

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Carmen a discuté un moment, d'abord avec Charles Leduc, puis avec d'autres vampires. Elle m'a présentée à certains d'entre eux, mais il était évident que je n'étais pas censée m'immiscer dans leurs conversations.

Ironiquement, les vampires qui avaient l'air de soutenir une vision moderne des suceurs de sang et une (non) vie en harmonie avec les êtres humains ne parlaient pas plus aux êtres humains que les autres, du moins pas à ceux qui ne se destinaient pas à devenir leur future progéniture. J'avais un peu l'impression que chaque humain avait un vampire attitré et qu'il était malvenu pour un autre mort-vivant d'aller empiéter sur les plates-bandes de son voisin.

J'ai donc continué à poireauter en restant à proximité, en commençant à espérer que quelqu'un allait effectivement attaquer Carmen pour qu'il se passe quelque chose. Ce n'est pas arrivé, mais au moins Carmen est allée discuter avec une vampire en tailleur près de la table où il y avait des petits fours, et j'ai pu grignoter un peu. Je n'avais rien mangé de la soirée et même en m'étant levée tard, je commençais à avoir sacrément faim.

Quelques autres mortels sont venus me parler, mais je me suis arrangée pour que la discussion ne s'éternise pas trop afin de rester vaguement vigilante à une éventuelle menace contre Carmen. Et aussi, accessoirement, parce que je ne trouvais pas la discussion très passionnante : ce qui semblait préoccuper mes congénères, c'était surtout la question délicate de qui serait autorisé à tenter la transformation, et quand cela arriverait. La plupart des humains présents étaient avant tout des aspirants à un statut de vampire, et ne partageaient pas forcément les analyses de Thomas Rivière sur la réduction nécessaire du nombre de transformations.

Quant à moi, devenir une mort-vivante ne m'intéressait pas. J'étais, certes, déjà adaptée à un rythme nocturne, mais j'aimais trop la bouffe pour passer une éternité à manger liquide. D'ailleurs, pourquoi est-ce qu'il n'y avait pas de chips ? Les petits pâtés en croûte, ça allait un moment.

À part Séléna/Bloody Mary, aucun vampire n'est venu m'aborder, mis à part quand j'étais à proximité directe de Carmen. Cela m'arrangeait plus qu'autre chose, vu que les rares interactions de ceux qui m'avaient parlé (ou parlé de moi à Carmen, en tout cas) se limitaient à exprimer leur « appétit » envers moi.

J'ai continué à observer Séléna un moment, mais si elle était une menace pour Carmen, elle cachait bien son jeu. Contrairement aux autres vampires, elle allait surtout discuter avec des humains. Elle avait cependant rapidement arrêté et était allée s'asseoir sur une des quelques chaises disponibles, l'air de profondément s'ennuyer. Je n'étais donc pas la seule dans cette situation. Carmen avait eu raison de me reprendre, un peu plus tôt dans la soirée : les mondanités vampiriques n'avaient au final pas grand-chose d'amusant.

Comme la perspective d'une attaque contre Carmen où j'aurais à intervenir semblait de plus en plus improbable, j'ai perdu un peu en concentration et ai laissé libre cours à mes pensées, qui sont revenues à ma voisine skinhead. Comment est-ce que je pourrais l'aborder subtilement ? À force de réflexions, J'ai fini par élaborer un plan assez compliqué : je pourrais faire des crêpes, mais « réaliser » que je manquais de levure et demander à ma voisine du dessous si je pouvais lui en emprunter. Ensuite, je pourrais lui offrir des crêpes en remerciement. Peut-être même qu'on pourrait les manger ensemble, et plus si affinités. Bref, le plan me semblait parfait, mais souffrait d'un léger défaut : j'étais complètement nulle en cuisine, je n'avais jamais fait de crêpes de ma vie, et je ne n'étais pas sûre d'avoir le matériel pour. Mais peut-être que je pourrais essayer de vivre dangereusement et sortir de ma zone de confort.

***

Au bout d'un moment, quelques personnes se sont rassemblées autour d'une estrade, et un vampire en costard a réclamé l'attention de l'auditoire. Il a remercié toutes les personnes présentes d'être venues, puis a laissé la parole à Thomas Rivière, qui a commencé à faire un discours que je n'ai pas vraiment écouté, me contentant de relever quelques mots-clés : « progrès », « le monde de demain », « harmonie », « travail commun », bla bla bla.

Les coups et les douleurs (La chair & le sang, saison 1, épisode 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant