La chute

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        Le lendemain matin, je tente de dissimuler toutes mes cernes avec du fond de teint tant j'ai peu dormi. Mais bon, je ne m'en plains pas, je tiendrai le coup jusqu'à que mes cauchemars se dissipent. Je descends dire bonjour à mes parents et avale rapidement deux tartines. Aujourd'hui, le weekend est terminé, c'est le retour dans mon nouveau collège, et j'ai peur d'être déjà en retard. Lorsque j'ouvre la porte, je lâche un soupir exaspéré. Il pleut des cordes. Je suis malheureusement contrainte d'y aller en vélo car mon père est déjà parti et ma mère ne se sent toujours pas bien. J'abats ma capuche et enfourche rapidement mon vélo, puis pédale le plus vite possible bien que je ne sois pas vraiment du matin. J'ai déjà parcouru la moitié du trajet lorsque que j'aperçois une boule marron au bord de la route trempée. Il suffit que je tourne la tête à peine cinq secondes pour mon vélo fonce dans le fossé. Je lâche un cri minable avant de tomber la tête la première dans le fossé tout boueux. Mon vélo, lui, gît à moitié sur la route et à moitié dans le fossé. Je sens le stress monter en moi lorsque je m'aperçois que mes vêtements sont couverts de boue. Je vérifie l'heure sur mon portable, qui Dieu merci est épargné, et constate que je la sonnerie a déjà dû retentir. Je m'assois au bord du fossé, je me fous d'être trempée maintenant. A présent, ça ne sert plus à rien de retourner me changer chez moi, je perdrais encore plus de temps. Je commence à sentir ma lèvre inférieure trembler lorsque qu'une voix me fait lever la tête vers la route.
- Anna ? hurle Sam. Qu'est-ce que tu fous là ? 
Je me lève en me sentant rougir de honte qu'elle me voit dans cet état là. 
- Je suis tombée dans le fossé, j'avoue en me plantant les ongles dans la cuisse. J'ai crû voir un lapin, et... puis voilà, quoi. Mes vêtements sont dégueulasses et mes cheveux aussi. J'ai la poisse...
Elle se stoppe à côté de moi, en réajustant sa capuche tête de mort.
- Prends ton vélo, on va chez moi pour que tu puisses te changer. Tu as de la chance que ma grand-mère m'ai demandé d'aller chercher du pain et qu'elle habite près de chez toi car sinon, je ne serais jamais passée par là. J'habite près du village, viens, sinon on va être encore plus à la bourre.
- Tu me sauves la vie, dis-je en enfourchant de nouveau mon vélo.
Elle rie et je la suis jusqu'à sa maison. J'ôte mes converses boueuses avant d'entrer et constate que ses parents ne sont pas là. Elle me fait monter dans sa chambre et je sens mon cœur s'accélérer d'être chez Sam. Serait-ce une amie ? 
       Elle ouvre une armoire aux jolies moulures, et je découvre des tas de vêtements plus ou moins noirs, à pics, violets ou troués.
- Choisis ce que tu veux, m'informe-t-elle, je t'attends en bas, je vais nettoyer ton vélo. 
Avant qu'elle ne referme la porte, je l'arrête:
- Oh fait, merci. 
Elle hausse les épaules en souriant comme si ce n'était pas grand chose, mais pour moi c'est tout. Tout. Lorsqu'elle a quitté la pièce, je me tourne vers son armoire et regarde rapidement quelques vêtements qui me semblent plus banals que les autres. J'opte pour un simple pull noir et un jean moulant gris-foncé avec pour motifs quelques roses enflammées. Je rince ensuite rapidement les mèches les plus encroûtées de boue et la rejoins en bas. Elle termine tout juste d'essuyer la selle avec un torchon à rayures. 
- Ça te va vraiment bien, me complimente-t-elle en regardant les vêtements que j'ai choisi. On y va ? Si on se dépêche, on sera en retard de seulement dix minutes. 
J'hoche la tête et nous fonçons jusqu'au collège. Une fois arrivées, nous grimpons rapidement les marches et toquons à la porte, encore toutes essoufflées par cette aventure que j'avoue, j'aurais préféré éviter. Le prof nous dit de nous installer et rattraper notre retard par rapport au reste de la classe. Nous allons, nous asseoir au fond de la classe et je ne peux m'empêcher de remercier Sam encore une dizaine de fois. Au bout d'une quinzaine de minutes, elle en a tellement marre qu'elle me donne un coup sur la tête avec son cahier de physique. Nous rions tellement fort que le prof a dû nous séparer, mais à chaque fois que je tournais la tête vers Sam, je ne pouvais m'empêcher de glousser en plaquant mes mains sur ma bouche. Je ne m'étais jamais sentie aussi heureuse depuis un moment.
        Je crois que, finalement, ce n'est pas si mal que ça la campagne.

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