Chapitre 3

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Ce matin, Elsa avait vingt-et-un ans. Et tandis que le monde se préparait à fêter cela dans une atmosphère excessivement joyeuse et détendue, Elsa tentait de calmer sa respiration fébrile et le tremblement de ses mains gantées.

Et si elle perdait le contrôle ? Si elle blessait quelqu'un ?
"Calme-toi, Elsa, se somma-t-elle"
Elle avait l'impression de monter à l'échafaud.
"Doucement, tu n'est pas condamnée à mort."
Peut-être que quelqu'un était condamné à mort. Et si elle tuait quelqu'un par accident ?
Elle eut un hoquet à cette simple pensée.
"Inspire, expire. Inspire, expire."

Le sol commençait à se parer d'un bleu extrêmement... glissant. Elsa se précipita à la fenêtre et inspira l'air frais. Dumoins, aussi frais qu'il pouvait l'être une matinée d'été. Elle tenta de se calmer.

C'était un vrai cercle vicieux. Elle perdait le contrôle de ses pouvoirs à chaque fois qu'elle était face à une émotion trop forte. Et à chaque fois qu'elle perdait le contrôle, elle paniquait. Ne pourrait-elle jamais laisser aller ses émotions comme tout le monde ?

Une voix provenant de derrière la porte interrompit sa réflexion.
"Votre Majesté ? Puis-je entrer ?"
Elle reconnut la voix du majordome, William.
"Un instant, je vous prie, répondit la jeune femme."
Elle se dépêcha de refermer la fenêtre et de camoufler la glace qui s'était étalée sous un tapis. Elle lissa les plis de sa robe avant d'autoriser son serviteur à pénétrer dans la pièce.
"- Que se passe-t-il William ?
- On m'a chargé de vérifier si vous étiez prête. Tout va bien ? demanda-t-il, remarquant son teint plus pâle que d'habitude.
- Oui, oui, je me porte bien, ne vous en faites pas, s'empressa-t-elle de le rassurer."
Le majordome la dévisagea rapidement, avant de se risquer.
" Vous savez, il ne faut pas se mettre trop de pression. Ce n'est qu'une cérémonie, une simple formalité. Ca va aller, n'est-ce pas ? termina-t-il avec un sourire d'encouragement."
Elle lui rendit son sourire, même si cela devait plutôt ressembler à une grimace.
"Merci, William, lui dit-elle sincèrement."
Le serviteur referma la porte derrière lui en partant. Il était loin d'imaginer, alors, les tourments d'Elsa.
Une simple formalité. Si seulement.

Se tournant vers le mur à la gauche de la porte par laquelle William était sorti, elle tomba alors face au portrait de son père, l'instant de son sacrement, les deux symboles de royauté à la main. Baissant les yeux elle vit, sur la table, un chandelier et un bibelot rond. Ils ressemblaient tant aux objets que son père avait en main sur le portrait...

Fébrile, Elsa retira ses gants, bleus à motifs pour l'occasion, et s'empara des deux bibelots. Au début, elle crut qu'elle avait réussi. Puis, sans prévenir, les objets se retrouvèrent couverts de givre. Elle les reposa précipitamment sur la table.
Comment allait-elle s'en sortir ?

Elle remit ses gants et sortit sur le balcon, un air grave sur le visage. Ça y était. Le jour de sa condamnation était venu.
Elle observa tous les gens qui attendaient pour entrer dans la cour, un air joyeux sur le visage. Peut-être que l'un d'eux serait blessé. Bientôt, les joyeuses mines seraient défigurées par l'horreur. Elsa en avait la certitude. Elle n'avait plus aucun moyen de préserver son secret. Et qui pourrait alors se réjouir de l'avoir comme reine ? Comme toujours, ses pouvoirs l'empêchaient d'accéder à une vie heureuse. Ils l'empêchaient de vivre.

"Dans ce cas Elsa, cache tes pouvoirs. N'en parle à personne. Si tu fais attention, le secret survivra. Evite les états d'âme et tout sentiment. N'abandonne pas."
Déterminée à réussir, Elsa retourna dans le palais.

"Dites-aux gardes qu'il faut ouvrir les portes ! annonça-t-elle."
Tu peux le faire Elsa.
Tu n'y arriveras jamais. Tu en es incapable.
Elle fit taire la petite voix. Ce n'était pas le moment de se laisser déconcentrer.
"- Êtes-vous prête Majesté ? Vous êtes attendue dans la chapelle.
- Je suis prête, affirma-t-elle."
Ce n'était pas vrai. Mais elle n'avait pas le choix. Les mains tremblantes mais le regard déterminé, Elsa se dirigea vers le lieu indiqué.

L'attente lui sembla durer une éternité. Elle était fébrile et la panique commençait à reprendre le dessus. Elle tentait de ne pas se laisser décourager mais elle commençait à perdre pied. De derrière la porte lui parvenait le brouhaha ambiant d'une salle pleine de monde. Les gens se saluaient et prenaient le temps de s'installer.

Puis, petit à petit, les discussions faiblissaient. L'écho des voix dans la chapelle semblait prendre de moins en moins d'importance. Enfin, au bout d'un certain temps, il laissa place au silence complet.
C'est alors qu'Elsa entendit les choeurs entamer leur chant.
« Ça va être à vous, Majesté, lui souffla William. Bonne chance. »
Elle le remercia d'un hochement de tête. Sa gorge était trop sèche pour prononcer quoi que ce soit. Elle déglutit difficilement, lissa rapidement les plis de sa jupe et prit une posture princière avant que les gardes n'ouvrent en grand les portes, la révélant aux yeux de tous. Elle s'efforça de coller une expression sereine sur son visage.

Tout le monde dans la salle se tordait le cou pour l'apercevoir. Tous ces regards braqués sur elle l'oppressaient.
Elsa avança, un pas après l'autre, à une vitesse régulée. Sur son passage, tous se levaient, en signe de respect. Elle continua d'avancer, mettant un pied après l'autre sur le tapis moelleux, bordeaux pour l'occasion. Sa cape derrière elle semblait vouloir la retenir, sentant le danger.

À la fin de son ascension, tous se rassirent en faisant le moins de bruit possible, laissant les choeurs meubler le silence de leur chant qui semblait monter jusqu'aux cieux. Elsa arriva face au prêtre. À sa droite se tenait Anna, qui l'observait avec autant de fierté que si c'était son propre rejeton qui était sur le point de se faire couronner. Elsa fut alors envahie d'un sentiment de culpabilité. Malgré toutes les années où elle l'avait évitée, sa sœur l'aimait toujours. Et elle, elle continuait de l'ignorer. Mais que pouvait-elle faire d'autre ? Elle n'avait pas le choix.

Elsa se reconcentra sur l'instant présent quand le prêtre lui présenta la couronne. Elle se baissa et reçut le joyau. Quand elle releva la tête, les choeurs terminaient leur chant.

À présent, le silence pesait comme du plomb sur les épaules d'Elsa. L'instant solennel allait sûrement tourner à la catastrophe.
L'homme d'église prit délicatement le coussin pourpre sur lequel étaient posés le sceptre et le poids, symboles de royauté.
Elsa inspira et tendit les mains vers les objets. Mais le prêtre la rappela à l'ordre.
« Votre Majesté, chuchota-t-il. Les gants. »

Elsa sursauta, prise sur le fait. Sa tentative avait échoué. Elle réfléchissait déjà à une autre solution mais le temps lui manquait. Il n'y avait pas d'issue.
Résignée à son sort, abattue, elle retira lentement ses gants, l'un après l'autre. Elle n'arrivait pas à croire ce qu'elle s'apprêtait à faire. Elle ne pouvait que s'observer, spectatrice impuissante, se mener elle-même à sa condamnation certaine. Ses mains s'activaient toutes seules, agitées d'un tremblement incontrôlable. De l'adrénaline à l'état pur coulait dans ses veines. Puis, sans qu'elle sache pourquoi, elle sentit un regain de courage la parcourir. Elle pouvait le faire. Elle devait le faire.

Ses mains, plus assurées, se dirigèrent vers les joyaux et les saisirent fermement. Elle tremblait de tous ses membres, mais n'en était pas moins déterminée à réussir.
Elle se tourna vers le public qui se leva comme un seul homme. Le prêtre entama la récitation des textes latins qui la sacreraient Reine.

Elsa, quant à elle, ne voyait plus rien, n'entendait plus rien. Elle était concentrée, les épaules crispées. Elle sentait déjà la magie fourmiller au bout de ses doigts. Ne sachant que faire pour la retenir, la jeune femme se l'imagina au bout de ses doigts, en train de reculer, reculer. Elle se battait avec ses pouvoirs qui, malgré ses efforts, gagnaient du terrain, la repoussant aux limites de son esprit.

Doucement, mais sûrement, elle sentit les deux symboles de royauté se refroidir, puis commencer à geler. Elle les regarda et vit nettement la partie en contact avec ses doigts bleuir. Elle observa le public, paniquée.
C'est alors qu'elle l'entendit.
"... la Reine Elsa d'Arendelle."
Sa délivrance.
Précipitamment, elle reposa les deux objets sur leur coussin de velours et remis ses gants, tandis que l'assemblée répétait son nouveau titre.
"La Reine Elsa d'Arendelle ! clamait-elle"
Sous les applaudissements, Elsa sourit, radieuse et peinant à y croire. Elle avait réussit !
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Hey vous !
Bonne rentrée à ceux qui, comme moi, reprennent les cours ! (Snif)
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A+
Ashley Darling ❤️

Le Froid [ABANDONNÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant