Chapitre 1 : La vie d'un surfeur tranquille

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« OH PUTAIN DE NOM DE DIEU, OUI, JE LE VEUX »

Était-ce les mots que j'avais employé au moment de l'échanges des vœux pour le mariage entre Agatha et moi-même. Elle était splendide dans sa jolie robe blanche, longue mais pas trop, ses manches en dentelles, son bouquet de fleurs joliment préparé par sa tante, wedding planner.


Le fait qu'elle était si splendide dans cette magnifique robe était avant tout grâce à son jolie ventre bien rond qui donnait toute la beauté à la robe. Ma femme était magnifique. Elle est magnifique. Et nous seront les parents les plus heureux dans un mois et demi. Se marier avant que sa femme donne la vie était pour moi complètement fou. Surtout à quelques semaines avant l'accouchement. On lit tellement de choses sur le net, dans la presse, elle aurait pu accoucher pendant le slow ou alors durant la découpe du gâteau... Mais notre petite Julie a pointé le bout de son nez dans les temps que le gynécologue et la sage-femme avaient dit. Le 4 septembre 2019. La côte de l'Australie fera de notre petite fille une beauté des îles. On a tout plaqué pour voyager et devenir propriétaires en Australie, pays d'origine de la famille d'Agatha.


Nous nous sommes installés à Perth, une ville bien fréquentée avec des plages et ses kilomètres de sable qui longent ses banlieues. Un droit paradisiaque pour pouvoir réaliser mon rêve : intégrer le sport de tous les beaux gosses de la côte ouest ; le surf. Bien qu'Agatha prît de haut cette décision, pour moi cela était clair et net : le surf, pour moi, était une vocation. Et tout commença donc le 26 mars 2020 : j'étais devenu surfeur débutant.

J'étais bon, j'étais juste. Je m'étais fait peu à peu des amis qui furent dans le temps mes meilleurs amis. Il y avait Matt, ou Matthew, Juliann, Jacob et Greg. Matt est le cliché parfait quant au surfeur des plages d'Australie. Le blond aux yeux bleu, le corps de rêve selon les dames, les dents blanches, le bronzé mais pas trop. Il enchaine évidemment les conquêtes du haut de ses 25 ans. C'est le plus jeune du groupe et, on le chari souvent avec cela. Juliann est, lui, réservé et timide. Ce garçon brun aux tâches de rousseur n'est pas trop à l'aise quand nous sommes avec d'autres personnes pour le sport, notamment avec des femmes, même s'il a 27 ans. Jacob et Greg sont frères. Jumeaux. On pourrait même dire « faux jumeaux », l'un à la peau mate avec les cheveux foncé au regard ténébreux, l'autre aux yeux clairs et à la peau beaucoup plus blanchâtre. Ils ont 29 ans, comme moi.


Les années passaient et nous nous voyons souvent, un weekend sur deux et tous les soirs de la semaine pour le surf. En avril prochain il y a le championnat annuel de surf par équipe. Notre coach, Jeffrey, était persuadé de notre victoire si nous restions soudés comme maintenant. Ce championnat débutant regroupe tous les amoureux du surf pour faire les meilleurs interprétations et improvisations pour pouvoir gagner un lot de rêve : une croisière avec tous les membres de l'équipe participante. Nous n'avions pas participé les années précédentes, nous n'étions pas prêts. Mais là, c'était la bonne année, le bon moment.

C'était mon rêve, depuis toujours, bien qu'Agatha ne fût pas trop emballée par cette idée de championnat (avec une importante participation financière, il est vrai que maintenant, en y réfléchissant, je comprends mieux pourquoi était-elle énervée), elle accepta cela et m'encouragea. L'amour, c'est beau.


Il nous restait six mois avant ce fameux championnat. On avait chacun des défauts que Jeffrey n'avait pas attendu pour nous le dire :

Matt était beaucoup trop frimeur et était focus sur son apparence. Les femmes et les histoires d'un soir c'est bien un temps, mais là on parle d'un championnat avec quelque chose de très lourd à la clé.

Juliann n'osait pas assez. Il était trop hésitant dans ses figures qui se terminent souvent par une chute dans la vague.

Jacob et Greg sont trop « copier-coller ». C'est un « truc de jumeaux » d'après ma femme. Elle a connu des sœurs jumelles et apparemment elles seraient « connectées » dans la vraie vie. Foutue connerie oui. Jacob et Greg, bien qu'ils soient frères jumeaux, ils sont trop à vouloir reproduire ce que l'autre fait. Autrement dit, cela n'a aucun intérêt. Et, le fameux « déjà vu » du jury n'est pas à viser. Il faut du nouveau. Et pas deux fois la même prestation.

Quant à moi, je ne prends pas assez de risques. Je reste sur de la sûreté et ne cherche pas à évoluer. En tout cas, d'après Jeffrey.


J'étais rentré un soir, tard, à la maison. L'entraînement avait dérivé sur une soirée entre potes, dans un bar, une pinte de bière à la main. Six en fait. Ou sept, je ne sais plus. J'étais joyeux, heureux de la vie qui prenait un engouement si positif pour moi. De la porte d'entrée de la maison jusqu'à la salle de bain j'avais perdu une, puis deux chaussures, mon jeans, ma ceinture, mon t-shirt gris, une chaussette, deux chaussettes. Entre deux va-et-vient de ma brosse à dent dans ma bouche, j'étais en train de perdre mon caleçon quand j'entendis un soufflement. Nan. Un agacement. Agatha.


Agatha – Et t'es encore bourré... Ce n'est pas possible... Merde, Brett !

Brett – Ah nan mais tu sais, hein, bébé, mais voyons, je, euh...

Agatha – Tu n'arrives même plus à parler !

Brett – Matt était insistant. T'as qu'à lui dire il est là-bas encore, à la Taverne. Moi je, tu sais, il faut s'hydrater.

Agatha – Tu empestes la bière. T'es père de famille. Julie a à peine quatre ans. C'est normal d'avoir un papa si peu présent et si... Bourré ?!

Brett – Oh. Mon caleçon est tombé. Regarde ! T'as vue maman Agathe, et si tu allais dans notre lit, j'arrive, et on va, tu sais, moi dans...

Agatha – Toi dans le canapé. Moi dans mon lit. Dit-elle sèchement avant de sortir de la salle de bain.


Il s'en est passé des soirées avec ce genre de discours comme celui-là. C'est vrai que je ne suis pas le père exemplaire, je suis souvent avec les garçons, plongé dans le surf et peu avec Agatha et encore moins avec Julie.

D'ailleurs Agatha me l'a bien fait payer un soir.


J'étais rentré un soir, beaucoup moins tard que d'habitude. Après l'entraînement qui se termine en général à 18h00 on se dépêche de se préparer et allons directement avec les garçons à « La Taverne », notre QG du soir. Mais ce soir-là, je n'avais pas spécialement l'envie d'y aller. Je voulais retrouver ma femme et ma petite fille. Je voulais parler de l'école avec elle, savoir ce qu'elle avait mangé à midi à la cantine et savoir quelles activités avait-elle bien pu faire. Je voulais aussi savoir la journée de ma femme qui est cuisinière dans un restaurant renommé dans la ville.

J'avais acheté un joli bouquet de fleurs pour l'occasion. Je ne lui offre presque jamais de fleurs, de bijoux, ou de friandises. Une attention comme celle-là était banale pour d'autres, mais pour moi cela était l'une des premières fois. J'étais avec un large sourire aux lèvres, content de mon cadeau. J'étais cependant intrigué en rentrant en voyant une voiture en face de la maison. Elle ne m'était pas familière. Je suis rentré, perplexe, dans la maison. Tout était silencieux.

En fait, pas autant que cela. Plus je me rapprochais d'une pièce, plus un bruit se faisait entendre. Je pensais que cela n'arrivait que dans les films mais non. J'ai poussé la porte de la chambre et je l'ai vue allongée dans notre lit, avec cet homme qui était en elle. Tout simplement. J'aurais pu m'énerver et sauter sur ce type, mais je n'eus aucunes réactions si ce n'est qu'un :


« Je suis dans le salon. Rejoignez-moi quand vous aurez fini. »

28HOù les histoires vivent. Découvrez maintenant