Chapitre 3 : Paradoxe

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« Bon les gars, cette année c'est la bonne ! »


Avais-je dit aux garçons de nombreuses fois. Ce nouveau rôle que m'avait dédié Jeffrey m'avais métamorphosé. Je reprenais goût à la vie, l'alcool avait été jeté, je reprenais une alimentation équilibrée et je sortais. J'allais sur la plage du matin jusqu'au soir où je préparais les planches, où je testais les planches et où je refaisais fusion avec la vague bleue azure du continent. L'après-midi je courrais, je faisais du cardio et je faisais la planche, comme on dit. L'entraînement était prévu à la fois pour les garçons et à la fois pour moi-même. Je ne devais en aucun cas laisser cette chance s'enfuir. A 15 heures les garçons venaient un à un sur la plage avec leur planche respective sous le bras.


Brett – Les gars, on est en août maintenant. Il ne faut rien lâcher ! Rappelez-vous des défauts de chacun. Pensez à une nouvelle technique, une nouvelle approche ! Avais-je lancé à mes amis lors d'un entraînement.

Jacob – J'avais pensé à un truc ! On a vu en avril dernier que le groupe vainqueur utilisait un binôme. Le copier-coller parfait. Image sur image, Greg et moi on peut peut-être faire ça !

Matt – N'y pense pas. Il faut du renouveau. Si on se présente une nouvelle fois face à eux ils vont bien se marrer quand ils verront qu'on les a copiés.

Juliann – De toute façon c'est du déjà vue. Ça ne passera pas.

Greg – C'est con ça aurait pu être stylé...

Brett – On a qu'à le faire.


C'est vrai qu'ils m'avaient tous regardé du coin de l'œil, pensant que je blaguais. En fait, cette idée de copier-coller n'était pas une si mauvaise idée, cette idée de binôme peut être le renouveau du surf. Des figures qui s'assemble. Une figure à deux. Le fameux « jamais vu ». Et qui de mieux pour réaliser ce genre de figure sur les vagues ? Les jumeaux allaient être mis à l'honneur.

C'est de cette façon-là que les garçons se sont mis à imaginer des tonnes de figures les plus improbables les unes que les autres ; nous étions tous surexcités à l'idée de pouvoir imaginer que cela marcherait.


Un jour après le « travail », je faisais mes courses dans la petite épicerie du quartier quand une petite voix très familière s'approcha de moi ; c'était Julie. Ma petite princesse était dans le rayon légumes au milieu des carottes. Il y avait Agatha aussi et ce Bryan. C'est vraiment un prénom super moche.

Je m'étais approché ce jour-là, Agatha avait l'air surprise de me voir ainsi. J'avais changé depuis le divorce, un peu de sport, un nouvel équilibre alimentaire... Bref, le surf. Julie m'avait sauté dans les bras. Pour paraitre polie, bien qu'elle n'en n'eût rien à foutre, Agatha avait demandé « des nouvelles » le fameux « que deviens-tu ? Ça fait longtemps », oui depuis le vol de ma télévision c'est sûr ça faisait un bail. J'avais expliqué mon nouveau mode de vie, le surf, le coaching, la reprise de toutes les erreurs. Julie me réclamait. Elle avait l'air si contente de revoir son papa que cela semblait bizarre ; elle ne voulait plus venir mais en même temps elle était si heureuse de revoir son papa alors qu'elle n'a qu'à enjambé le quartier avec sa mère... En fait, tout avait été clair, c'était sa mère le problème.

Sans que je lui aie demandé, Agatha m'avait raconté son « tu deviens quoi ? ». Elle est « amoureuse » de Bryan qui a emménagé avec elle dans sa maison qui était la mienne, qu'il emmené Julie à l'école, qu'il était un beau-père exemplaire... En fait, c'était une grosse connasse qui me crachait son bonheur à la figure. Foutue vie. Elle m'avait aussi dit une chose qu'elle comptait me dire, enfin, écrire par courrier sur le sujet de la garde de notre fille. Pour être plus clair, elle veut sa garde définitive.

C'était repartie pour des rendez-vous à rallonge avec les avocats et tout le bordel.


Le soir-même j'étais de retour à La Taverne avec les garçons. On a beaucoup insulté Agatha. On a beaucoup insulté Bryan. On a beaucoup peiné Julie.

Malgré cette nouvelle des plus rageante, le lendemain tout était comme si rien n'avait été prononcé, le surf était de retour dans mon train de vie.

Peu à peu tout s'était enchaîné, les rendez vous avec les avocats, le juge et Agatha, la perte de la garde de ma fille, les avertissements de mon employeur, l'échec au championnat dû à la chute de Matt. Les garçons ne venaient plus beaucoup à la plage pour le surf, on se voyait de moins en moins...


C'était assez paradoxale, je perdais tout mais en même temps je gagnais tout : j'avais démissionné de l'agence où je travaillais pour aller à la concurrence ; j'avais gagné des collègues sympathiques et un salaire beaucoup plus attractif. J'avais enfin quitté l'appartement de Matthew pour pouvoir me payer moi-même un loyer et pouvoir vivre seul, commencer une nouvelle étape de ma vie. Je continuais mon rituel à aller à la plage pour pouvoir remplir mes poumons de la senteur de l'eau salé, de pouvoir contempler les grandes vagues se déchainer entre elles, de pouvoir être en contact avec les grains de sables... Je suis l'amoureux de ces belles images du pays. C'était étrange de vivre à la fois dans la tristesse et dans la joie. Ce sentiment en disait long.

Les années sont passées sans ma fille, ni mes amis. Tous les ans le championnat accueille de plus en plus de participants et moi j'observe, et cela même à 50 ans. 


28HOù les histoires vivent. Découvrez maintenant