Chapitre 7 Passé déchiré (2/2)

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Le mage de guerre n'était pas le seul à aimer la proximité de cette forêt si particulière. Eylendel passait de longues heures à contempler ou à converser avec toutes les espèces végétales s'y trouvant. Il s'entrainait à sentir les courants les animant. Les plantes aimaient à l'aider à s'entrainer avec sa barbiche en jouant à devenir des cibles mouvantes insaisissables. Le soldat se trouvait à la lisière de la foret quand il entendit une toute petite feuille morte craquée sous une botte de cuir fin. Les pas de cette personne étaient légers, même si les deux pieds étaient entièrement posés à terre comme si la personne était prête à bondir à tout moment pour fuir ou attaquer.

Eylendel aurait reconnu la démarche de son ami entre des milliers d'autres. Elle lui rappelait celle des grands loups de Guetaran, une espèce craintive mais sûre de son efficacité à l'attaque d'une proie sans défense. Il se tourna vers lui et lui fit un grand sourire. Il appréciait le jeune soldat pour ce qu'il était, même si il ne se confiait pas sur son passé. Il était même sûr que Torin n'était pas son vrai prénom. Il ne pouvait guère lui en vouloir, beaucoup cherchait une nouvelle vie en arrivant chez eux. Mais son ami semblait être particulièrement affecté par son passé. Il espérait que peut-être il s'ouvrirait à la confidence.

La végétation qui s'était développée pour l'entrainer se projeter vers Altimas, heureuse de son arrivée. Eylendel était toujours surpris de l'amour qu'elle lui portait, De nombreuses fois, ils avaient tenté de l'interroger sur le pourquoi de cette affection mais seul le silence était sa réponse. Son camarade avait la mine sombre, à l'image de sa tenue en peau de Dragon et de Mathouma. Cela ne pouvait signifier qu'une chose, qu'il était encore pris la tête avec le général. Leurs prises à parties étaient de plus en plus nombreuses, le général voulant des résultats le plus rapidement possible. Toutefois, celles avec la maitresse d'armes avaient cessé depuis qu'il avait enfin au niveau qu'elle désirait, largement au-dessus du niveau qu'elle exigeait de reste de la division et qu'il était passé dans son lit à la grande surprise d'Eylendel. Il était de notoriété publique que la maitresse d'armes fréquentait Ginn mais que leur couple était très libre de ses mouvements.

L'aveu de son ami, peu de temps après les faits l'avait beaucoup fait rire. Son jeune ami ne se rendait pas compte de l'attraction qu'il exerçait. La peur qu'il inspirait par son manque de contrôle et ses prises de bec fréquente avec le général ajoutait un charme non négligeable au pouvoir d'attraction qu'il exerçait sur la gente féminine. Beaucoup le regardait avec envie mais il n'avait pas grand intérêt à se lier avec une personne, comme si il avait peur de quelque chose. Eylendel ne le savait pas mais il n'était pas loin de la vérité.

- J'aurais besoin de tes services, commença le jeune soldat.

Le guerrier du nord eut une moue surprise tout en penchant la tête sur le côté. Son ami n'était pas le genre de personne à demander de l'aide, comme l'avait prouvé son arrivée inédite et déjà dans les annales de l'armée.

- Pourrais-tu me dire quelles plantes pourraient m'aider à dormir d'un sommeil sans rêves ?

- La dernière mission te hante ?

- Non, ce n'est pas tout à fait cela. Les voix des galeries me pourchassent depuis notre retour des anciennes mines. Elles sont dans mes rêves et quand ce ne sont pas elles, ce sont mes souvenirs, cracha Altimas, furieux contre tout, comme à chaque fois qu'il sortait d'une séance d'entrainement avec le général. Je suis si près du but que je ne veux pas me laisser prendre la tête par d'autres choses.

- Je peux te faire une décoction pour un sommeil sans songes avec des plantes présentes dans cette forêt. Elle sera puissante mais pas sans effets secondaires. Tu risques des migraines, une perte de la réalité au lever et ton humeur sera changeante sans parler de certains petits désagréments d'ordre digestifs.

- Je prends tant que je dors.

- Ecoute, ce n'est peut-être pas la solution.

Eylendel tenta d'argumenter pendant de longues minutes mais son ami était sourd à toutes les suggestions vers d'autres solutions.

- J'ai besoin d'oublier tout pour moment. Et de voir l'autre ne m'aide pas vraiment alors si mes rêves me permettent me laisser un peu de tranquillité, lâcha désespérément Altimas. Je ne peux pas rester constamment sur les nerfs.

Il repensa à la pensée fugace qu'il l'avait traversé des jours auparavant, celle de lui raconter d'une partie de son passé au seul vrai compagnon d'armes qu'il avait au sein de cette armée si particulière. Pourquoi pas ? Il espérait qu'il trouverait un peu de soulagement en complément de la décoction promise.

- J'ai vu une personne que j'aurais souhaité ne jamais revoir dans les grottes de cité ducale. Ça m'a fait perdre la tête. Heureusement que l'autre était là pour me calmer.

- Qui est-ce ? demanda Eylendel en lui proposant de s'assoir sur d'un rocher en bordure de la petite clairière où il s'entrainait.

Il avait pris conscience que son compagnon d'armes allait livrer quelques brides de son passé. Celui qui faisait interroger beaucoup des personnes aux Tours. Quelqu'un avec autant de potentiel aurait dû faire parler de lui auparavant. Cependant, il n'avait pas besoin d'éclaircissement de l'identité de l'autre. Leur relation devenant de plus en plus tendue au fur et à mesure que les jours s'égrainaient mais personne ne savait quoi faire pour calmer le général.

- Mon bourreau pendant dix ans. Dix ans d'emprisonnement pour un crime que je n'ai pas commis.

- Beaucoup disent cela, ne put s'empêcher de dire le guerrier du nord, reliquat de son éducation où les jarls décidaient de la justice.

- Être condamné pour usage de ses dons à dix ans n'est pas spécifiquement un crime.

- Alors tu viens de ce royaume ? fit Eylendel surpris.

- J'en été même le prince cadet, Altimas Daralin Borkin, enfermé pour des pratiques jugées contraire aux règles anciennes de ce pays. Mes parents ont laissé les juges agir sans le moindre geste envers leur fils. Je n'ai jamais su comment ils ont été mis au courant. Mon frère et ma sœur ont eux aussi des dons mais n'ont jamais été inquiétés. Jamais je ne les ai utilisés de peur des délateurs parmi les gens du palais.

- Toutefois, tu as été dénoncé ?

- Oui et ils n'attendant pas de preuves. La seule parole peut suffire. Je n'ai jamais su comment ou qui. Cela aurait été le seul meurtre que j'aurais fait de mon plein gré pour dix ans d'enfance perdue, de crasse et d'expériences aux mains d'un prêtre rouge. Le même prêtre rouge que j'ai vu lors de notre mission punitive dans le duché et qui s'est échappé. Et ce bourreau est le frère de notre général, ça m'aide pas à me vider l'esprit et à me détendre.

- C'est sur mais pourquoi m'en parler maintenant ? Demanda le guerrier du nord avec douceur.

- Je crois qu'il faut que j'en parle à quelqu'un pour sortir une partie des sentiments s'agitant en moi depuis des années. Tu es la seule personne que je peux dire mon ami et c'est dû donnant.

Eylendel lui avait un soir, confié une partie de son passé expliquant sa nature effacée. Les brimades, les apprentissages. Il comprenait mieux la demande de son compagnon d'armes. Il était tenté de lui demander plus de détails sur ses années de prison.

- Comment es-tu sorti ?

- Une voix m'a aidé, m'a indiqué comment faire pour sortir sans utiliser mes dons. De toute façon, j'en étais incapable depuis des années. Je ne sais pas le pourquoi.après, j'ai réussi à devenir mercenaire. J'ai le don de toujours trouver ce que je cherche avec ou sans aide. Comme la boussole de localisation.

Il commença à lui raconter ses trois années en tant que mercenaire, ses débuts et ses difficultés et son désir d'apprendre tout ce qu'il avait pu manquer au cours de ses années d'emprisonnement. Eylendel était surpris de la qualité de son apprentissage qu'il eut avant ses années d'enfermement, pourtant propre à celle des grandes familles régnantes. Altimas savait parler quatre langues, compter, écrire, disserter et lire parfaitement. Seulement, il était devenu un être solitaire, en quête de liens mais incapable de les faire. Il continua à parler pendant des heures sans savoir que son compagnon d'armes n'était plus le seul à écouter.

Le trône empoisonnéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant