Chapitre 9 Les limbes du temps (2/2)

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La notion de Temps s'était perdue dans le labyrinthe des couloirs, de salles, de gouffres sans fond que le général Rakinar traversait. Le chemin emprunté descendait dans les profondeurs de la terre. Il n'avait pas été creusé naturellement, ni même par la main de l'homme. La magie des plus puissantes avait été à l'œuvre, les relents pouvaient encore se sentir quand l'on posait une main sur les parois pour qui était prêt à y prêter attention.

Rakinar était fasciné par le lieu malgré lui. Il aurait pu être condamné, devenir un endroit anonyme, abandonné mais il soupçonné la famille survivante de l'impératrice de ne pas avoir fait le tombeau tout à fait dans les règles dans le cadre d'un bannissement.

Ils étaient treize à l'origine, une puissance guère égalée dans le monde à cette épopée, gouvernant avec le plus de justesse possible. Mais les hommes restaient des hommes face aux aléas de la vie et certains de leurs choix s'étaient relevés mauvais.

Rakinar s'enfonça de plus en plus profondément dans les galeries. De la poussière se soulevaient à chacun de ses pas et étrangement, de la buée se formait à chacun de ses expirations. L'air pulsait l'énergie, de magie sauvage comme à la frontière du duché. Ici, elle était comme une couverture chaude, prête à le protéger du froid de plus en plus mordant mais pouvant se transformer en un linceul de mort.

Tout en continuant à marcher, des apparitions fantomatiques sortaient des murs. Des personnes de tous les jours, les soldats, les membres des palais impériaux continuant à faire les gestes d'un quotidien depuis longtemps révolu. Mais aucun d'eux ne prêtait attention à lui, protégé par les voiles d'énergies, vivant parmi les morts, tout comme les différents sceaux. Il leurs passa à travers, les observant.

Sa route finit par arriver au centre du tombeau, une pièce ronde, magnifiquement gravée sur toutes les parois. Il ne faisait sans nul doute que cela représentait les différents passages de la vie de la dernière impératrice.

Au milieu, un grand tombeau de deux mètres de long (pieds à voir) pour un mètre de large était posé sous un gisant de femme en tenue de cérémonie, une large épée tenue entre ses mains fêles, couchée sur son corps. Son visage était d'une beauté classique avec un nez régulier, des pommettes hautes et des lèvres fines. Elle avait dû être d'une grande beauté de son vivant et figé à jamais dans la mort.

Toutefois, son regard avait été très rapidement attiré par le seul autre vivant de la pièce qui se tenant débout à la tête du gisant. Il était habillé comme d'ordinaire, avec sa tunique noire en peau de dragon des montagnes. Son visage était très pale, plus que d'habitude et ses yeux étaient entièrement blancs, signe évident d'une possession. Un sourire vient animer ce visage.

ooOOoo

Il avait perdu toute notion du réel depuis que le fantôme lui avait pris son corps. Il naviguait constamment entre des voiles de conscience. Un moment la sienne, un autre moment c'était la sienne. Il se voyait marcher dans des souterrains, s'enfonçant dans la terre à la recherche de quelque chose. Il allait mourir là-bas. Personne ne viendrait le chercher, Eydendel ne pourrait pas passer les sceaux sans aide.

Tous ces efforts pour arriver à avoir une nouvelle vie allaient être réduits à néant. Dépossédé de son corps et sa volonté, il allait mourir dans les recoins sombres d'un tombeau quelconque. Quelles pensées le traversèrent, Glen et Eydendel allait lui manquer. Même Rakinar avec toutes ses remarques, il venait même les chercher, ses conseils étaient toujours bons.

... N'aies pas peur...

Ces mots lui étaient susurrés par la présence qui avait pris son corps, sa volonté. Juste après qu'elle lui a eu parlé, des brides de souvenirs ne lui appartenant pas, vinrent le percuter et disparaitre dans des volutes de fumée.

Il arrivait à voir qu'une femme et trois hommes se disputaient régulièrement sur la suite de la guerre et de l'Etat chancelant de la femme. Cette dernière était très fatiguée, avec un teint des plus maladifs. Les images et les brides de conversations continuèrent à se succéder jusqu'à s'arrêter sur une scène en particulier.

Altimas était frappé par la richesse de la pièce, une chambre à coucher sans nul doute. Les tentures étaient de couleur Bordeaux, lourdes et de plusieurs épaisseurs. Deux gros coffres de vêtements étaient positionnés au pied de l'imposant lit de Bois. Une femme dormait au milieu des draps blancs en coton d'un sommeil agité. Après quelques minutes à tourner sans répits, elle finit par ouvrir les yeux et se redresser.

- Tu es toujours aussi belle en dormant, dit une voix grave d'homme.

Elle sortit vivement de son lit en cherchant quelque chose de la main.

- Elle n'est pas là. Je l'ai prise en te regardant dormir, et je me suis permis de la sceller. Nous avons à parler.

- Comment as-tu réussi à entrer ? Tout est scellé contre toi.

- Il suffit juste de faire une brèche, c'était un bouclier aux différentes couches mêlés.

A ses dernières mots, le visage de femme devienne aussi pale que possible, ses lèvres, semblable à un jeune bouton de rose, se mirent à trembler. Elle avait déjà compris

- Je suis au regret de t'annoncer la mort de deux de tes frères mais sache qu'ils ont fait honneur à leur réputation. Maintenant, nous allons pouvoir parler un peu, chose que nous n'avons pas faite depuis ces cinq dernières longues années.

- Je n'ai rien à te dire, gronda-t-elle, ayant pris sur elle, la douleur de la nouvelle après la surprise.

Elle s'est levée de sa couche. Une longue robe blanche dévalée ses jambes, cachant son corps aux yeux étrangers. Toutefois, le bas de cette dernière commençait à onduler légèrement et un cercle fait de gouttes brillantes dansa à ses pieds.

- Attaque, cracha-t-elle en tendant une main.

Le cercle de cristaux n'en était plus un et s'est transformé en des pics de glace acérés pour la défendre et surtout pour attaquer, détruire cette personne.

Altimas observait la scène, le souffle court par la maitrise et la destruction dont les deux combattants faisaient preuve. La chambre était ravalée, détruite, laissant un trou béant dans la demeure. Chacune des attaques de la femme étaient faites pour tuer alors l'homme ne cherchait juste qu'à la blesser gravement. Six grandes chaines se mirent à entourer l'homme, faire des entrelacs, bouger pour lui créer un bouclier jusqu'à ce qu'il se décide d'attaquer avec.

Avec horreur, Altimas devina l'identité de l'homme et sut que c'était la mort de la femme auquel il allait assister. A sa grande surprise, la femme réussit à contrer les cinq chaines et à les retourner contre son propriétaire mais elle ne put rien faire contre la dernière qui l'emprisonna.

Elle glissa tel un serpent de jade autour d'elle, constamment en mouvement, lui enserrant le cou d'une pression régulière.

- Où est-il ? demanda l'homme en s'agenouillant prêt de sa proie.

- Je ne sais pas, chuchota-t-elle. Tu peux toujours essayer de chercher dans mes souvenirs mais tu ne trouveras rien que mon mépris pour toi.

Il avait déjà appliqué une main gantée sur son front pour trouver ce qu'il cherchait ardemment depuis le début de cette guerre. C'était même le motif sous-jacent de cette guerre qui avait fait des milliers des morts. Mais il ne trouva rien, que des brides d'images, des pleurs, rien ne pouvant le mettre sur la voie.

Les yeux de sa victime s'écarquillèrent, un soubresaut agita ses fines lèvres roses sans qu'un mot ne sorte. Du sang vient se glisser à la commissure des lèvres. Pour la première fois de sa longue existence, la vie la quittait définitivement à cause d'une des seules armes capables de la tuer. Une arme offerte par amour.

Altimas sentait sa vie le quittait aussi, le brouillard l'engloutir petit à petit jusqu'à ce qu'un mince filet de voix lui demande de revenir à lui. Il eut la sensation douce de doigts, effleurant une de ses joues.

Le trône empoisonnéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant