A 4800 mètres d'altitude

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Non loin de la frontière de la Suisse, la voiture de mes parents allait sur la route, transportant mon jeune corps qui se reposait d'une année de secondes assez mal vécue, remplie de nouveautés, de cours, de compétitions d'athlétisme, de rencontres. En même temps qu'elle avalait les kilomètres, la voiture familiale transportait mes pensées.

Du haut de mes quinze années de vie, je pensais pouvoir dire avec certitude que j'avais besoin d'un idéal pour vivre, d'un but, d'une motivation. Il me manquait du piment, de la nouveauté. J'étais très timide, j'avais besoin de m'exprimer. Mon téléphone de l'époque en main, le samsung galaxy S6 blanc, qui a fini dans une boîte quelques années plus tard, après avoir survécu à de terribles chutes, j'écrivais dans mes notes des réflexions. Je parlais de mon désir de voyager, de mon envie d'aider les autres, de me sentir utile, de voir du pays et de me sentir vivante. Je parlais aussi de religion, de Dieu. Je réfléchissais à pourquoi croire, comment croire ? Qui croit ? Quoi lire pour se renseigner ? Cela m'était venu assez rapidement, je parlais avec un garçon que je ne connaissais pas, via messenger, un ami d'une de mes amies d'origine gabonaise. Ce garçon était chrétien pratiquant. Je pense que c'est lui l'élément déclencheur, qui inconsciemment a fait que dans mon esprit déjà très penché sur la réflexion personnelle, et de nature plutôt curieuse, je me suis orientée sur ce sujet. Car il y a beaucoup de sujets sur lesquels débattre, mais à cette période là de ma vie je m'interrogeais à l'impalpable. Je n'avais pas encore commencé les cours de philo, qui viendrait un an après - et qui ont sans doute fait beaucoup de bien à mon esprit qui avait tant soif de se casser les méninges sur des questions que tant d'autres trouvent tordues, je n'avais pas encore commencé ces cours que déjà je dissertais seule dans ma tête.

Je pense que j'ai torturé mon esprit plusieurs heures, mais qu'au final je ne devrais pas m'en vouloir. L'ouverture d'esprit doit bien venir de quelque part, la mienne vient de mes questions, de ma curiosité, de mon incertitude, de mes doutes.

"Je doute donc que je suis."

A 4 800 mètres d'altitude environs, alors que malgré le soleil d'été nous avions froid, j'ai trouvé le moyen d'énerver mes parents en étant les yeux rivés à mon portable. Je crois bien que c'est là que j'ai changé. Avec ce fichu téléphone. Oui la technologie c'est beau, les avancées scientifiques sont belles, mais l'être humain est curieux, il en veut plus, il cherche plus loin. En soit c'est magnifique cette envie de découvrir, mais cela change une vie... Tout à des conséquences, on a beau avoir des appréhensions, des exemples, des conseils même, le destin n'existe pas, les certitudes parfois sont bonnes à démolir. Et pourtant, il ne faut pas avoir de regret. Non, surtout pas. 

On avance pas avec des regrets. De toute façon, je ne dois pas en vouloir à l'adolescente que j'étais. J'ai appris à me dire, non pas pour m'en convaincre, mais car à ce jour je pense que c'est la réalité, que je suis quelqu'un de courageux. Je me le suis prouvé de temps en temps, en prenant certaines décisions qui ont pu paraître lâches. 

Et c'est quelques années plus tard, lorsque mon regard a changé, que j'ai réalisé que oui, j'étais jeune, oui, je ne savais pas, et que oui la fin n'était pas écrite et elle ne l'est toujours pas, mais que mes décisions ont impactées ma vie, mon futur, mon être, et la personne que je suis. 

Sans frontièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant