2 - L'erreur est humaine

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Le lendemain, 14 H 59 E. T.

McDongle regarde ses équipes s'exciter à l'approche de l'opération de maintenance. Dans moins d'une minute, la pile du bouclier s'arrêtera pour un entretien parfaitement maîtrisé et sans risque, mais qui sort suffisamment de l'ordinaire pour focaliser toute l'attention de l'équipage. Tout se déroule comme prévu.

L'ordinateur central projette le lent décompte de l'horloge atomique sur l'immense tableau de bord du quartier général. Plus que quelques secondes... Avec une précision absolue, les scripts automatiques se mettent en marche et amorcent la procédure d'arrêts des piles. Les lumières blanches de la salle de commande se tamisent d'un coup et, au fur et à mesure de la réaction en chaîne, des éclairages orangés les remplacent. L'équipe sursaute à peine devant le phénomène. Il fallait s'y attendre : alerte de niveau 1, sans danger immédiat pour le croiseur et ses passagers. La situation est sous contrôle, le vaisseau a bien interprété la déconnexion du bouclier et demande une attention particulière de son état major.

Le risque est minime, l'amiral en a bien conscience. Malgré tout, un pic d'adrénaline lui court les veines. Il lève la tête : l'irisation bleutée a disparu autour du tore du Phœnix, plus rien ne les protège du vide sidéral. Ils sont à la merci de la moindre poussière, comme les pionniers des voyages spatiaux, ces astronautes qui grattaient péniblement la couche supérieure de l'atmosphère terrestre il y a plusieurs siècles. Au cours de sa carrière, McDongle a fait plusieurs fois le tour du système solaire, dans des chasseurs à peine plus grands qu'un caisson d'hibernation, mais toujours sous la protection de ces bulles invisibles qui transforment les vols spatiaux en parcours de santé. Ce n'est que lorsqu'ils sont éteints que l'on prend vraiment la mesure de l'espace et de ses dangers mortels.

Au cœur des entrailles du Phoenix, les équipes scientifiques doivent se mobiliser pour suivre l'opération de maintenance automatisée.

— Jourdain, tout va bien de votre côté ? demande McDongle en activant le canal de communication vers la machinerie.

— Tout est en ordre, grésille la voix enjouée de son directeur après quelques secondes d'attentes. Si vous saviez le bien que cela fait, un peu d'activité !

— Je n'en doute pas, répond l'amiral. Vous avez de la chance, ici, nous nous sentons... désœuvrés. Tout est entre vos mains.

— Les IA du vaisseau poursuivent les opérations d'arrêts, reprend le docteur Jourdain sans même relever la pointe d'amertume dans la voix du commandant de bord. Je vous recontacte si nous détectons un écart à la norme.

Puis il coupe la conversation, sans prendre congé. L'excitation du scientifique semble prendre le dessus sur ses bonnes manières. McDongle décide de le rappeler pour lui passer un savon, mais il se ravise : le directeur n'est pas un militaire, cela renforcerait sa propre morosité et Jourdain saurait le lui faire comprendre sans hésiter.

***

15 h 14 E.T.

Les manœuvres se sont déroulées correctement. En moins d'un quart d'heure, les piles usagées de la fusée gigantesque sont déjà stockées dans l'entrepôt de recyclage et les robots commencent leurs tâches de démantèlement. L'amiral soupire, l'évènement majeur des dernières années ne fut que de courte durée. Même ce genre d'opération prend un temps dérisoire ; on pourrait redouter une intervention difficile et contraignante, mais non : remplacer les générateurs d'un vaisseau de la taille d'une mégalopole terrienne ne demande pas plus de temps que pour un véhicule léger.

Les IA du Phœnix turbinent à plein régime, les logiciels de tests effectuent vingt passes de contrôle sans un seul accroc. McDongle scrute sa console qui égrène les résultats parfaits du changement de combustible, ainsi que le décompte avant la relance des machines. À l'heure dite, quinze secondes plus tard, les lampes orange s'éteignent...

L'AmiralOù les histoires vivent. Découvrez maintenant