21 H 12 E. T.
L'intercom se réveille.
— Pile redémarrée, Amiral ! lui parvient la voix fatiguée du docteur Jourdain. Tous nos indicateurs sont revenus à la normale, le bouclier reprend sa procédure de charge.
McDongle inspire profondément et décide de ne pas répondre tout de suite. Il regarde quelques instants sa console qui confirme les dires du scientifique. Ils ont bossé plus de vingt heures sur le problème, presque vingt-et-une. Bien que les niveaux remontent doucement depuis quelques secondes, la salle de contrôle baigne toujours dans cette lumière crépusculaire de mauvais présage.
— Pouvez-vous me rejoindre au plus vite ? Je dois m'entretenir avec vous, finit par lâcher McDongle.
— J'arrive tout de suite, répond l'hologramme en disparaissant dans un flash lumineux.
Le pont de commandement reste plongé dans le rouge, confirmant les craintes du militaire : les IA du Phoenix n'ont pas modifié leurs statistiques quant à l'avenir du vaisseau, malgré les bonnes nouvelles du scientifique en chef. Même après avoir essayé de corriger un peu la trajectoire de l'arche et tenté de diminuer sa vitesse, ils vont trop vite. Les efforts consentis ne permettent de gagner qu'une toute petite heure sur les micrométéorites. Lors du rendez-vous avec le nuage, le bouclier aura tout juste atteint 80 % de sa capacité... Un niveau trop faible pour garantir l'intégrité totale du Phœnix.
McDongle doit prendre des décisions lourdes de conséquences pour son avenir, celui du vaisseau et des quatre-vingt-cinq mille passagers qui y vivent. L'amiral se redresse et rassemble les cubes de données que ses officiers et ses pilotes lui ont fournis pendant l'opération de maintenance. Avec un peu de chance, l'étude du système planétaire pourra lui venir en aide.
La porte de l'ascenseur s'ouvre dans le coin et Angus Jourdain fait irruption à grande enjambée dans la salle de commandement. Il n'a pas l'air dans son assiette. Il chancelle un peu, s'arrête pour s'appuyer sur la rambarde et lève la tête en direction de l'hologramme du vaisseau. Le nuage jaune de particule n'a jamais été aussi oppressant. McDongle lui fait signe du menton pour qu'il le suive dans son bureau. Le chef scientifique de Phœnix lui emboîte le pas, les heures qui viennent s'annoncent cruciales.
***
— Vous n'y pensez pas ! hurle le docteur Jourdain, survolté. C'est de la folie, vous jouez l'avenir de la colonie !
Le scientifique a retrouvé toute son énergie. Il tremble de rage, serre les poings et se lève en repoussant violemment son fauteuil.
— Nous n'avons que peu d'options... annonce posément McDongle.
Le directeur fait les cent pas dans son bureau au pas de charge.
— Vous le savez comme moi, reprend l'amiral. Les calculs ne mentent pas. Le bouclier ne sera pas en mesure de protéger complètement le vaisseau lorsque nous percuterons de plein fouet le nuage de micrométéorites.
McDongle se racle la gorge et esquisse un geste d'apaisement en direction et son interlocuteur pour l'inviter à se calmer et à s'assoir face à lui.
— Angus, reprend-il doucement, nous devons trouver une solution. Si l'on concentre le maximum de nos défenses périphériques sur les zones habitées, nous pourrons sauver toutes les personnes, ainsi que les installations vitales du Phœnix. Mais cela laissera une bonne partie de l'axe de propulsion sans couverture... Vu notre vitesse et notre taille, l'ordinateur central nous donne moins de 5 % de chance de nous en tirer intact. Autant dire ; rien du tout. Il y aura des dégâts mécaniques, il y en aura même beaucoup.
VOUS LISEZ
L'Amiral
Ciencia FicciónHenry McDongle s'ennuie. Il est pourtant l'amiral du troisième quart sur Phoenix, l'arche stellaire chargée de transporter quatre-vingt-cinq mille colons vers une lointaine planète. Mais les automatismes rendent le voyage insipide, il envisageait di...