Surface de SSAM21-c
Hugo McDongle se racle la gorge et tousse un bon coup. Les fluides d'hibernation lui collent toujours aux bronches, il a encore du mal à respirer, mais les médecins ne s'inquiètent pas. Dans deux jours, il sera complètement remis.
Le vent chaud souffle sans discontinuer, chargé de sels et de sable brun qui lui brûlent la peau. Ils devront trouver un moyen de s'en protéger, car les IA météo ne voient pas la situation changer de sitôt. Cela n'arrangera pas sa quinte de toux. Hugo se frotte le cou pour décharger son col de la poussière qui s'y est accumulée et plisse les yeux pour distinguer la silhouette qui s'avance vers lui. Le soleil brille haut dans le ciel et tape fort, étalant une lumière crue peu agréable. C'est Judith, sa compagne, qui remonte la colline en haut de laquelle il s'est posté pour mieux voir la vallée.
— Alors qu'en pense le nouveau gouverneur de SSAM21-c ? demande-t-elle lorsqu'elle est à portée de voix.
— Arrête ça, rumine Hugo en secouant la tête. Tu sais bien que c'est temporaire, le temps que la ville sorte de terre. Je n'ai rien réclamé ; l'état-major n'a fait que reconnaître mes qualités d'urbanistes.
— Je te taquine... Dis-moi, c'est vraiment le meilleur coin de la planète ? s'inquiète-t-elle en trébuchant sur une touffe d'herbe noire.
— J'ai bien l'impression, lui répond Hugo en lui tendant la main pour l'aider. Les IA n'ont pas l'air de s'être trompées.
— Quelle misère, râle Judith. En plus, comme ce caillou ne tourne pas sur lui même, la nuit ne tombera jamais ici.
— Au moins, l'atmosphère y est respirable, et la température acceptable. Si les capsules avaient atterri quelques centaines de kilomètres plus loin, il aurait fait bien trop froid, ou bien trop chaud. Nous sommes pile dans la bande habitable.
— Heureusement que les ruches nous apportent un peu d'ombre, soupire Judith en levant les yeux vers les bâtiments.
Les trois vaisseaux-capsules du Phœnix, une fois détachés de l'arche stellaire, ressemblent à d'immenses flèches métalliques d'un kilomètre de long. La procédure de colonisation se veut simple : elles descendent droit vers la planète et viennent se planter dans la terre comme d'énormes toupies lâchées dans le sable. Trois gigantesques tours de métal s'élèvent donc autour d'eux, de guingois, dominant la plaine de plusieurs centaines de mètres au-dessus du sol. L'atterrissage a dû proposer un beau spectacle, car les capsules ont créé des cratères considérables sur leur chemin, canyons que les robots investissent pour construire les rudiments d'une ville. Les machines travaillent vite ; cela ne fait que trois jours qu'ils sont là, mais le camp de fortune se répand comme une mousse blanche au pied des ruches.
— Combien de temps ça nous prendra pour ramasser suffisamment de gula et repartir ?
— Longtemps, répond Hugo en reniflant. J'ai revérifié les informations analysées par mon père, il a clairement surestimé les ressources de la planète.
— Tu veux dire que l'on va rester ici plus de dix ans ? s'exclame Judith.
Hugo regarde sa compagne se redresser face à lui dans la combinaison réglementaire des passagers du Phoenix, les mains sur les hanches dans une attitude défiante. Ses yeux noisette le fusillent du regard.
— Beaucoup plus, affirme Hugo. Quand on dénombre les dégâts du Phoenix, plus le gula nécessaire pour redémarrer tout ça : oui, c'est certain. Je dirai plusieurs dizaines d'années.
Judith respire lentement. Elle se retourne pour faire face à la plaine. La vallée court jusqu'à une lointaine chaîne de montagnes rougeâtre à l'horizon.
— Tant que l'on peut repartir un jour, murmure-t-elle.
— C'est notre objectif, renchérit Hugo McDongle en se mettant à ses côtés. Cette planète est hostile, elle n'est pas faite pour nous. Ce n'est qu'une étape, et bientôt, nous redécollerons vers notre véritable destination.
— Qu'est ce qu'il en dit, ton père ? Pourquoi a-t-il décidé de rester là haut, sur Phoenix ?
Hugo lève les yeux pour chercher un point brillant entre les nuages. Il le trouve rapidement ; le tore gigantesque tourne lentement en orbite autour de la planète, bien visible dans le ciel clair.
— Je crois que, d'une certaine manière, il s'en veut, explique Hugo. C'est sa façon à lui d'assumer cette catastrophe : il vivra cloîtré dans l'arche avec quelques autres... Il sait qu'il ne connaîtra certainement pas le nouveau départ, pas à son âge, il ne se sent pas le droit de descendre à l'air libre.
Judith hoche ta tête, l'air grave.
— En tout cas, grâce à lui, nous sommes vivants. Beaucoup le reconnaissent. Il changera peut-être d'avis, soupire-t-elle, personne ne voudrait rester enfermé là-haut jusqu'à la fin de ses jours. En attendant, nous avons du travail : je te rappelle que nous faisons partie du staff d'incubation, nous devons installer une colonie transitoire avant le réveil du gros des troupes.
— Tu as raison, affirme Hugo en hochant la tête. Nous avons du pain sur la planche si nous voulons quitter Langkah.
— Langkah ? s'étonne Judith.
— La planète. J'ai entendu une équipe de techniciens l'appeler comme ça. Tu sais ; les gars qui assurent la maintenance des robots-bâtisseurs. J'ai compris que ça voulait dire « étape » dans leur jargon, ça vaut toujours mieux que SSAM21-c.
— Langkah... répète Judith. « Étape ». Je crois que c'est approprié. Allez, dépêche-toi, le comité de direction t'attend.
Elle lui serre affectueusement le bras en esquissant un sourire, puis elle redescend la colline en direction de la base avancée. Hugo se penche à nouveau sur les plans des infrastructures à déployer pour accueillir quatre-vingt-cinq mille colons. Dans quelques heures, il recevra les derniers dossiers confidentiels du Phoenix. L'amiral, son père, a encore quelques informations à lui transmettre. Hugo rejoint son épouse d'un pas décidé. Sa tâche est claire et ils seront nombreux à œuvrer pour le même rêve : structurer la colonie afin que, dès demain, ils prennent un nouveau départ.
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L'Amiral
Science FictionHenry McDongle s'ennuie. Il est pourtant l'amiral du troisième quart sur Phoenix, l'arche stellaire chargée de transporter quatre-vingt-cinq mille colons vers une lointaine planète. Mais les automatismes rendent le voyage insipide, il envisageait di...