5 - Mutinerie

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22 h 32 E.T.

McDongle entre dans son bureau d'un pas décidé. Cinq secondes lui sont nécessaires pour retrouver les cubes-mémoires que lui avaient préparés ses astrophysiciens. Il les ramasse d'un geste vif et les lance sur son terminal qui s'allume aussi sec. La machine charge les données et McDongle se laisse tomber dans son siège. Les hologrammes prennent de la couleur tandis que le commandant tourne sur sa chaise comme un gosse. L'excitation lui remonte la colonne vertébrale.

Le système planétaire surgit de nulle part et s'étale au-dessus de son bureau : sept petites boules vives pirouettent à toute allure autour d'une bien plus grosse. L'astre est pâlot, et crachote une lumière incertaine, mais n'intéresse pas pour l'instant l'amiral qui se concentre sur trois planètes bien précises. Elles se situent toutes les trois dans la bande d'habitabilité de leur astre, et par chance, elles sont toutes telluriques. McDongle tique. La composition de SSAM21-0502285 en fait une étoile super froide. Elle fournit peu de chaleur à son environnement ; les trois corps célestes se trouvent donc très proches de la naine blanche, à tel point que la gravité a stoppé leur rotation propre. Elles ne tournent plus sur elle-même et présentent toujours la même face à leur soleil. Henry McDongle parcourt rapidement les caractéristiques des deux planètes les plus éloignées. Les valeurs sont médiocres, aucun marqueur biochimique ne saute aux yeux. L'une, trop petite, est dépourvue d'atmosphère et n'a pas su conserver sa couche protectrice. À la périphérie de la bande habitable du système, elle ressemble à un bloc de roches givrées. L'amiral rumine : elle est pourtant chargée de gula ! L'analyse chromatique de sa croute superficielle brille d'or sur la totalité de son équateur. Quel gâchis, songe-t-il en reniflant.

La deuxième planète possède également les caractéristiques souhaitées : au centre de la zone, d'une taille convenable proche de notre bonne vieille Terre, elle se drape d'un épais manteau d'ozone lui donnant un teint bleuâtre. Mais voilà : trop de gaz la rend irrespirable, et la température au sol est aussi peu praticable que les abords d'un volcan déchainé. Bref, la vie l'a abandonnée, comme un becher stérilisé. Déçu, McDongle soupire en validant les entrées de la troisième et dernière planète.

Une masse correcte, de 0,94 fois celle de la Terre, et une atmosphère respirable. Il existe des traces de vies sur ce caillou ! Une vie essentiellement bactérienne dans les rares étendues d'eaux liquides qui parsèment sa surface. Apparemment, il y a des biomarqueurs plus complexes, rien de bien évolué : probablement un semblant de truc végétal, voire animal, plutôt rudimentaire. En tout cas, SSAM21-c présente une vie carbonée et une enveloppe gazeuse compatibles avec les exigences humaines. Un peu pauvre en oxygène, certes, mais cela devrait aller. La planète se trouve sur l'intérieur de la zone habitable, l'attraction de son étoile est encore plus forte. De fait, son visage est bien particulier, avec une face cramoisie figée face à la naine blanche, et une autre plongée dans les ténèbres, recouverte de montagnes de glace. En réalité, seule une fine bande de quelques centaines de kilomètres de la surface est viable. C'est d'ailleurs là que se concentrent tous les marqueurs biologiques, le reste de la planète semble hostile et stérile.

Henry McDongle retient sa respiration.

Le cœur battant, il dévoile les derniers indicateurs stockés dans les cubes mémoires. Pas de gula. La déception est grande : pas de gula ! Enfin, si : des traces éparses, enfouies profondément, qui rendent son extraction extrêmement compliquée et aléatoire. Combien d'années faudra-t-il pour récupérer ne serait-ce que la moitié du carburant nécessaire pour s'échapper de ce système solaire ?

Henry bascule dans son fauteuil et regarde, pensif, les boules de roches tourner autour de l'étoile fatiguée. La petite planète brune avance tranquillement et termine sa rotation. L'amiral respire un grand coup : oui. Il faut tenter la manœuvre. On doit pouvoir traverser le nuage de micrométéorites sans trop d'encombres et se mettre en orbite de cette planète. Puis on organisera pendant une dizaine d'années les opérations indispensables à la réfection du Phœnix et au remplissage des cuves. Dix ans ! Ce n'est pas tant que ça à l'échelle d'un voyage stellaire ! Mais approximativement, c'est le temps nécessaire pour stocker suffisamment de gula et relancer l'arche vers sa destination première.

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