Douze minutes avant impact
Une fois l'atmosphère revenue, les portes du sas s'ouvrent et une équipe médicale se précipite sur la caporale toujours inconsciente.
— Amiral ! s'écrit le sergent Calix en entrant dans la salle.
Le militaire est avachi contre le mur. Il retire le casque de sa combinaison et le laisse rouler sur le sol.
— Je vais bien, Calix, répond-il en grimaçant pour se relever. Je suis vieux, mais pas encore mort. Dites mois plutôt ce qu'il en est... La brigade restée sur l'axe propulseur ?
— Ils devrait y accéder dans moins de cinq minutes.
— Bien, qu'ils s'y enferment, ils seront à l'abri. Qu'en est-il de la masse de micrométéorites ?
— Ce que l'on traverse, pour l'instant, ce n'est rien. Nous percuterons l'obstacle principal dans dix minutes, ajoute le sergent nerveux.
McDongle frappe du poing contre le mur. Il est trop tard, ils ne pourront jamais mettre à l'abri la troisième ruche et ses occupants. Il rejoint au pas de course le pont du Phoenix et s'installe derrière ses consoles. Le terminal central du vaisseau semble agoniser et se couvre à nouveau d'alarmes criardes comme autant de pustules suppurantes.
— Ça ne se passera pas comme ça, Jourdain ! grince McDongle entre ses dents. Sergent Calix ! finit-il par exiger à l'officier qui attend toujours au garde-à-vous. Préparez les troupes à une grosse manœuvre. Communiquez ce message à tous les services et à tous les civils. Que tout le monde s'attache : passage en transit spatial. Dans quelques minutes, nous n'aurons plus de gravité simulée... Et pour un certain temps !
La consigne se transmet rapidement dans les équipes.
« impact dans sept minutes », déclare l'IA de Phœnix.
Bientôt, les haut-parleurs de la station crachent régulièrement les avertissements d'usage, alors qu'une sirène couvre le fond sonore. Les derniers civils du vaisseau regagnent en ordre dispersé leurs cellules. Le temps presse. Plus loin, les ingénieurs s'assurent que les machines sont correctement sanglées, tandis que l'on vérifie qu'aucun objet trop volumineux ne reste à découvert. En cas de mise en apesanteur, tout peut être dangereux. Les robots activent leurs ancres magnétiques et les tiroirs de tous les meubles se verrouillent. Si le Phœnix a été conçu pour éviter toute chose superflue et effectuer quelques transitions en gravité nulle, il faut s'attendre à un beau bazar lorsque la pesanteur reviendra.
« Impact dans six minutes »
Henry McDongle boucle sa ceinture cinq-points, imités de ses équipiers les plus proches. L'intelligence artificielle du vaisseau lui confirme que la très grande majorité des passagers sont correctement abrités dans leurs lits zéro-g. Tant pis pour les retardataires, et au diable Jourdain et sa bande de scientifiques, retranchés dans la salle de contrôle primaire des boucliers. Ces foutus mutins gardent toujours un accès direct aux commandes des générateurs.
— Arrêtez la centrifugeuse, ordonne alors McDongle d'une voix calme. Arrêtez-la, Maintenant !
À tout jamais plongé dans une ambiance crépusculaire, l'immense cockpit de pilotage ralentit sa rotation. À travers la nef translucide qui surplombe leurs têtes, les passagers peuvent voir les étoiles freiner leur course. McDongle se sent de plus en plus léger. Un haut-le-cœur le prend furtivement ; son cerveau lui renvoie la sensation de perdre pied et lui donne l'impression de tomber à la renverse. Il réajuste sa ceinture, pour bien sentir le dossier de son siège dans son dos, tandis que l'astre principal arrête de danser dans l'espace et vient se caler dans le coin inférieur de la verrière.
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L'Amiral
Science FictionHenry McDongle s'ennuie. Il est pourtant l'amiral du troisième quart sur Phoenix, l'arche stellaire chargée de transporter quatre-vingt-cinq mille colons vers une lointaine planète. Mais les automatismes rendent le voyage insipide, il envisageait di...