II. Pavillon noir et fleur de lys

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Vers 6 heures, elle fut réveillée par une grande agitation sur le pont du bateau. Une voile était apparue à l'horizon. Elle se leva et s'approcha de la fenêtre qu'elle ouvrit le plus possible pour tenter d'apercevoir quelque bateau. Malgré tout, le navire restait invisible à ses yeux.

Elle tenta de s'habiller seule ce qui ne lui fut pas simple. Les lacets de son corset étaient peu serrés ce qui n'était au fond pas une mauvaise chose. Elle tressa ensuite ses cheveux avant de les enrouler dans un chignon retenu par une épingle qu'elle s'enfonça dans le crâne en grimaçant.

Elle monta sur le pont et fut accueilli par un sourire bienveillant du capitaine. En règle générale, elle évitait de sortir de sa cabine sachant très bien que, d'après une superstition, les femmes à bord portaient malheur. Elle fut donc heureuse que l'équipage ne la rejeta pas ou ne la regarda pas comme une sorcière ou Satan en personne.

Elle se concentra sur le navire qui approchait. Son soulagement fut évident ainsi que celui des marins lorsque le bâtiment qui les rattrapait hissa un pavillon blanc à fleurs de lys. Deux hommes vêtus sobrement mais élégamment semblaient diriger le reste de l'équipage. Le capitaine et son second sans doute. 

Elle porta sa main à sa tête. Sur son crâne, son épingle lui faisait mal et elle avait envie de l'arracher et de laisser tomber ses cheveux sur son dos, simplement réunis en une longue tresse.

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À bord du Vénus, tout l'équipage se préparait l'assaut qui allait suivre. Sous sa veste sombre de bourgeois faisant fortune dans le commerce avec les colonies, le capitaine cachait un long cimeterre et un pistolet bien chargé. Il pensait également au petit poignard bien aiguisé caché sous sa botte le long de sa jambe.

  Soudain, ses yeux noirs accrochèrent un regard de la couleur de l'océan. Une demoiselle l'observait depuis le bateau qu'il s'apprêtait à attaquer. Elle semblait aussi perturbée que lui. Elle avait l'air perdu. Bien que ses yeux furent plantés dans ceux du pirate, ils donnaient l'impression de fixer un point au delà de l'horizon. Sans même s'en rendre compte, elle retira de sa tête une épingle à cheveux, laissant tomber sur son dos une longue tresse acajou.

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M'observe-t-il ?

Ses yeux étaient dans ses yeux. Il lui semblait que ses mains tremblaient. Malgré la chaleur étouffante, elle avait la chair de poule, elle frissonnait et claquait des dents. Son épingle ne la faisait plus souffrir, et elle ne saurait pas dire pourquoi. L'homme en face d'elle n'avait plus un masque courtois sur le visage mais un air hypnotisé et ses yeux si sombres presque noirs semblait fixer un point au plus profond de ses yeux.

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-Capitaine, dit une voix familière en posant une main sur son épaule. Il connaissait cette voix mais ne parvenait pas mettre un visage dessus. D'ailleurs, il ne se souvenait d'aucun visage. Il y avait seulement ces yeux qui retenaient les siens tel le reflet de l'océan.

Lorsqu'il s'extirpa de son regard si bleu et si profond, il eu l'impression de revenir d'un monde parallèle. Il fit signe à Adam d'approcher et lui murmura dans l'oreille:

- Vois-tu la demoiselle à gauche? Avec un ou deux hommes va la chercher et ramène la à bord de Vénus. Et prends ses affaires, je tiens à ce qu'elle soit bien traitée.

- Capitaine, jamais je ne trouverais quelqu'un qui acceptera cette mission. Les femmes à bord portent malheur, vous le savez.

-Sois persuasif, répondit-il avec un air entendu. Et s'ils refusent malgré cela, n'hésite pas à leur rappeler qui commande sur ce bateau.

Adam hocha machinalement la tête en regardant tantôt la jeune fille tantôt son supérieur. Ce dernier avait l'air bizarre. Cele fit sourire son second.

Les pirates avaient adopté un air aimable et courtois mais, armés jusqu'aux dents, ils n'attendaient qu'un signal de leur capitaine pour sauter sur le bateau et faire ce qu'ils avaient à faire en tant que pirates.

Le capitaine était déjà sur le bâtiment ennemi, se faisant passer pour un pacifique marchand accompagné de deux hommes chargés de ramener la demoiselle et bien entendu son ami Adam.

Après avoir parlé quelques instants avec le capitaine ennemi, le chef des pirates fit un signe de tête à son second et tira un coup de feu en l'air pour signifier à son équipage de monter à bord du bâtiment adverse.

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Tout se passa très vite. Trois pirates se dirigèrent vers elle. L'un d'eux lui attrapa le poignet. Elle se débâtit en criant. Hélas, personne ne prêta attention à elle dans cette pagaille.

Soudain, un choc lui fit perdre connaissance.

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Adam avait rejoint ses compagnons. Bien qu'ayant rapidement pris le dessus dans le combat, le capitaine fut soulagé de voir arriver son ami.

- Alors? demanda le capitaine sans cesser de se battre.

- Elle s'appelle Delphine de Vriselles, répondit Adam

-Là n'était pas ma question.

-On a réussi capitaine. Elle est dans ma cabine. Mais elle s'est débattue alors aux grands maux les grands remèdes si vous voyez ce que je veux dire.

Le capitaine lui répondit d'un signe de la tête en transperçant un adversaire de son épée. Une heure plus tard, le navire était pris et les pirates admiraient le fruit de leurs efforts. Les marchands ramenaient différents produits coloniaux: du sucre, du coton du cacao et du rhum.

Le capitaine ne partageait pas la joie de son équipage. Il venait d'apercevoir Adam qui agonisait au milieu des corps de leur ennemis.

-Adam! l'appela-t-il.

-Charles? appela-t-il dans un murmure.

-Adam ça va aller on va retourner sur Vénus et tu vas guérir.

-C'est inutile Charles. Regarde. En disant cela il montrait à son meilleur ami sa jambe déchirée d'où le sang écarlate coulait abondamment.

Le capitaine pris la main glacé de son ami puis se mit à pleurer.

-Non, murmura-t-il agenouillé dans le sang de celui qui fut son second et son meilleur ami. Adam ce n'est pas possible.

La mer a mon cœur Où les histoires vivent. Découvrez maintenant