Je me gare en vitesse sur le parking du collège Pablo Néruda entièrement plongé dans le noir. Je me déplace pourtant sans difficulté. L'obscurité est mon élément.
Je franchis le portail d'entrée grand ouvert et suis l'itinéraire, indiqué par un nombre important de pancartes et de guirlandes de guinguettes qui bordent le chemin. J'arrive bien vite sur le lieu où la fête parait battre son plein. Un groupe d'une centaine de personnes se trouve autour d'une enfilade de tables croulant sous le poids de la nourriture. Je n'aperçois aucun produit frais de là où je suis si ce n'est quelques tomates cerises qui semblent dépérir dans leur saladier car ignorées de tous. Je m'empresse de fouiller encore l'espace en essayant de savoir où ma stagiaire se planque. Pourvu qu'elle n'ait pas encore succombé à la tentation omniprésente ici !
Je trouve enfin Slim à quelques pas de moi, entourée par une bande de trois ou quatre femmes qui rigolent ce qui n'est pas le cas de ma stagiaire. Et pour cause, cette dernière s'apprête à engloutir ce que je crois reconnaitre comme étant une part de quiche, suintant de gras, à 292 calories les 100 grammes. Elle ne m'a pas vu, la bougresse. Je dois donc faire vite. Déjà sa bouche large s'ouvre pour accueillir cette chose. Quand j'arrive à sa hauteur, la bourrasque que je lui donne lui fait heureusement lâcher le morceau maudit qui échoue à ses pieds. Elle pivote pour me faire face et j'admets que je suis surpris par son allure, un poil plus soigné que d'habitude. Les cheveux tirés en chignon dévoilent la rondeur de son visage. Ses immenses yeux bruns mangent une bonne partie de cette figure si singulière. Elle s'est même un peu maquillée, non ? Les yeux écarquillés de surprise, Slim me dévisage à son tour. Et là, je ne sais pas ce qui me prend. Une envie irrépressible de faire le con me guide :
— Chaton ! Tu sais bien que tu ne supportes plus le gluten !
Je peine à reconnaitre ma propre voix. Les femmes autour de Slim nous contemplent sans comprendre, visiblement. Ma stagiaire elle-même me fixe encore, en fronçant ses sourcils sombres, sourcils que j'ai enfin le plaisir de découvrir bien dessinés sans sa chevelure en broussaille. Je dois y aller à fond sous peine que Slim finisse par ouvrir sa grande bouche et révèle la supercherie. Je colle donc un sourire niais sur mes lèvres avant de la fixer en essayant d'y mettre toute la douceur possible. Je tente de lui souffler par télépathie mon stratagème bien tordu : celui de me faire passer pour son mec. J'enchaine donc puisqu'elle continue à ne rien dire :
— Tu ne te souviens pas ce que ça faisait la fois dernière quand tu dormais ? Le gluten te donne des gaz, chérie !
J'ajoute à ma plaisanterie scabreuse un clin d'œil qui provoque à la seconde la rougeur de ses pommettes de poupée de porcelaine. J'espère que cette fois, Slim a compris mon intention de la rejoindre dans son besoin de ne pas révéler à tout le monde ses nouvelles habitudes alimentaires ou plutôt son régime complètement tordu. Je continue donc à la fixer sans parvenir à m'arrêter, amusé de constater qu'elle a autant noté ma raillerie que mon intention de lui venir en aide.
Une femme s'avance. Les cheveux poivre et sel, la soixantaine et le sourire de mamie gâteaux aux lèvres, elle n'a pas besoin de parler pour que je la considère comme sympathique :
— Bonsoir, monsieur ! Nous n'avons pas eu l'honneur d'être présentés, m'adresse cette dame. Je présume que vous êtes le nouveau compagnon de Slim !
Avant de répondre, je prends la peine de passer amoureusement mon bras autour des épaules de ma stagiaire. Un éclair me traverse : par mégarde, je viens de poser ma main sur son bras nu. Mes doigts se figent à la seconde. Malgré le fait que je continue à sourire comme si de rien était, je ne peux ignorer à quel point l'épiderme de Slim est velouté. Et puis à cette distance, je ne peux plus faire celui qui ne respire pas ce parfum de sucre qui me monte tout de suite à la tête. Je préfère faire migrer ma main sur sa taille, là où les bourrelets me ramènent à mon aversion. De plus, le tissu de sa tunique rouge stoppe l'afflux de chaleur qui commençait à m'irradier. Du coup, j'ai encore la présence d'esprit de faire les gros yeux à ma stagiaire qui doit se dépêcher de confirmer ce que je m'apprête à prononcer.
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T'as qu'à maigrir ! Tome 2 disponible le 20/01/23 chez Black ink Be stronger
RomanceDisponible chez Black ink Be stronger le 20/01/23 Pourra-t-il (la) supporter ? Ulrich a toujours tout fait pour ne pas laisser ses souffrances passées perturber son équilibre. C'est la raison pour laquelle il est à la fois nutritionniste et coach sp...