Continuer de vivre

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Je ne comprit pas tout de suite ce qu'il m'était arrivé. Les images tournent en boucle dans ma tête mais mon cerveau se refuse mais mon cerveau se refuse à réaliser la triste vérité.

Je traversais la route, il y avait eu un énorme camion qui était entré dans mon champ de vision. Il allait vite, trop vite. Moi, comme une imbécile, je restais à regarder le véhicule se rapprocher toujours plus. Le conducteur n'aurait jamais le temps de freiner. À ce stade la collision était inévitable. Alors quoi ? Qu'est ce qu'il m'était arrivé ? Pourquoi j'étais encore là ? Je ressens encore tes mains me saisir pour ensuite me pousser sur le trottoir, à l'abri du camion. Je revois ton sourire réconfortant et surtout... Oui, surtout le moment où le camion entra en collision avec ton corps, l'emmenant bien loin de ma vue. J'arrive à me rappeler tes dernières paroles, ta dernière volonté, annoncées avec ton dernier sourire affiché sur ton beau visage : "Vis". J'avais à peine eu le temps de crier ton nom que tu avais déjà été emporté, me laissant dans l'incompréhension la plus totale mais tout de même avec une certitude : j'aurais dû être à ta place.

Je suis maintenant entourée de ma famille, de la police et des secours. Toute l'agitation autour ne me fait aucun effet. Je reste les yeux fixés à l'emplacement où tu t'es fais percuter quelques minutes plus tôt. Finalement les larmes finissent par couler par milliers sur mes joues et je me recroqueville, sentant à présent un trou béant en moi.

Même quelques jours plus tard, la douleur n'est pas partie, ne s'apaise pas non plus mais s'intensifie chaque jour un peu plus. Chaque jour, je ressens un peu plus le vide que tu m'as laissé. Chaque jour, je me remémore la chaleur de ton corps, ta voix douce et grave et ton odeur masculine que j'aimais tant. Chaque jour, je verse de nouvelles larmes que ni les faux sourires de mes amis, ni les paroles de réconfort de ma famille n'arrivent à sécher. Elles emportent petit à petit mon énergie, ne me laissant tout de même pas dormir.
Sans toi je dépéris. Ta dernière demande, ton voeu, ton dernier souhaite, je ne peux le réaliser. Chaque minute de mon existence inanimée je ne peux m'empêcher de penser à d'atroces actions que je pourrais m'infliger. Atroces, certes, mais très attirantes et tentantes.

Cette nuit, je me lève et me dirige dans la cuisine. La main tremblante, je choisis soigneusement l'outil qui me libérera de la souffrance qui me ravage de l'intérieur. Je te prie de me pardonner. Je deviens folle depuis ton départ, passant par toutes les émotions. J'ai pleuré, j'ai crié de désespoir et de colère, j'ai ris sans raison. Je saisis délicatement la lame et l'approche lentement de mon bras. Avant d'enfoncer la tranchante, je pèse mentalement le pour et le contre. Cet objet n'était il pas le seul à pouvoir me soulager ? Certes, soulager une souffrance par une autre n'était pas réellement une solution mais c'était actuellement la seule porte de sortie. Juste un petit peu, pas profondément. Alors que la lame vient en contact avec ma peau, le souvenir de l'accident me revient ainsi que ta dernière volonté. Je m'effondre, sans retenir les sanglots et laissant mon outil de torture glisser de ma main pour finalement finir par terre, à mes côtes. Sûrement alertée par mes pleurs qui n'ont de cesse, ma mère se précipite dans la pièce et porte ses mains à la bouche en voyant. Je peux lire dans ses yeux l'immensité de sa peur et de sa tristesse. Je lève vers elle mes yeux. Mes yeux remplis de terreur, mes yeux qui demandent de désespérément de l'aide, mes yeux pleins de doutes. Ma mère me prend rapidement dans ses bras et me murmure des excuses, pensant que c'était sa faute car elle n'avait pas été assez présente et tout plein de raisons qui n'ont pas lieu d'être. Elle me répète des paroles réconfortantes qu'on m'avait déjà tant dites. Mais cette fois-ci, ces paroles me réchauffent le cœur, perçant les murailles invisibles que j'avais dressées autour moi. Je fond une nouvelle fois en larmes et me blotti contre elle, posant ma tête sur sa poitrine, m'abandonnant à ses bras protecteurs où je redeviens pour quelques instants la petite fille que j'étais il y a plusieurs années. Ces larmes là je, différentes de toutes les fois précédentes où j'avais pleuré ces dernières semaines, me libèrent d'un poids, comme si elle emportaient toutes les tensions, les peurs, la tristesse, la culpabilité, la colère que j'ai accumulé depuis ta mort. Parmi tous les sanglots, mon premier sourire sourire apparaît, signe d'un nouvel espoir, léger, mais bien présent. Nous restons enlacées, pleurant toutes les deux, profitant de ce contact rassurant et n'osant pas briser ce lien. Au terme de longues minutes où seuls nos pleurs viennent briser le silence confortable qui nous entoure, nous nous séparons et je n'ai que la force d'afficher un petit sourire, timide et léger, pour la remercier, lui transmettre mon soulagement et ma gratitude. Après avoir quitté les bras de ma mère, la sensation de légèreté et de sécurité que j'avais ressentais juste quelques instants auparavant commence lentement à disparaitre, très vite remplacée par ma douleur des derniers jours, toujours plus violente, et par ma fatigue accumulée jusque là.
Je remonte difficilement dans ma chambre pour m'abandonner à un sommeil serein qui contraste fort avec mes nuits précédentes.

Petite écrivaineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant