Chapitre 4 - Lettre à Rosie

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"La mort ne dure qu'un instant, mais on y pense à chaque instant" - Charles de Leusse 

En sortant de cette audition, j'étais chamboulée. Je tremblais de tout mon corps. Marta me soutenait, inquiète, en m'aidant à marcher jusqu'à l'arrêt du train. Une fois assise sur l'un des bancs du quai, je ne parvenais plus à retenir mes larmes, il fallait qu'elles sortent de mon corps, ou bien j'allais finir par me noyer dans mon chagrin.

- S'il-te-plait Rosie, raconte-moi ce qu'il s'est passé... M'implorait Marta.

Mais je ne pouvais pas lui raconter, non pas que je ne voulais pas, mais j'en étais tout bonnement incapable. Et puis d'ailleurs, pourquoi je pleurais comme ça ? Tout semblait flou dans mon esprit. Seulement, une seule image était claire ; Laurie. Voilà pourquoi j'étais si chamboulée. J'avais la sensation de ne pas faire honneur à la mémoire de ma meilleure amie, en échouant en jouant une scène de notre pièce préférée. J'avais l'impression de la voire assise dans les gradins, à me regarder me ridiculiser face à cet homme étrangement envoutant mais froid comme la pierre. Laurie l'aurait probablement incendié pour m'avoir parlé ainsi. Moi j'étais juste restée planter au milieu de la scène quand il m'avait dit de son ton autoritaire de partir. Pourquoi étais-je si faible ? Si seulement elle était là... Si elle était là, j'aurais probablement fait cette audition, mais avec elle. Je serais actuellement en train de rentrer souriante dans notre colocation à Londres. Je n'aurais que faire d'être prise ou non pour jouer le rôle de Juliette puisque quoi qu'il arrive, j'aurais été avec elle... Et si... Et si... Nous pourrions refaire le monde, avec des si.

À l'avant du train, je vis une blonde de profil avec un visage familier, mais je n'arrivais pas à bien l'apercevoir avec sa capuche... C'était une sensation étrange, mais je n'eus pas le temps de la détailler plus longtemps, car elle sortit au prochain arrêt. Peut-être était-ce Annie, la petite blonde que j'avais rencontrée à Cambridge. Je n'avais plus envie de réfléchir, mes pleurs m'avaient épuisé. Les paupières lourdes, je m'endormis sur l'épaule de Marta, qui posa son menton sur ma tête, en guise de réconfort.

Une fois à la maison, je me sentis transpirante, et Marta pensait même que j'avais de la fièvre, je n'étais pourtant pas malade, juste vaseuse. Elle m'envoya au lit, et m'apporta une tisane à la camomille, avec une rondelle de citron. Elle posa sur mon front un gant de toilette d'eau froide, ce qui me fit un petit choc thermique, mais c'était vraiment agréable.

- Merci beaucoup Marta, j'ai beaucoup de chance que tu sois là.
- Ce n'est rien. Je ne sais pas si tu voudras me parler de tout ce qui t'a secoué un jour, mais sache que je saurais t'écouter. En attendant, tu as besoin de te reposer. Bois ta tisane, et dors !

J'acquiesçais et elle sortit de la pièce. Je me redressai un peu et ouvris le tiroir de ma table de chevet pour en sortir une petite enveloppe froissée. Avant de l'ouvrir, je pris une grande inspiration.

« Ma très chère et belle Rosie,

Je sais déjà que tu vas pleurer à ces premières lettres. Tu connais cette fameuse citation du film Roméo + Juliette « Bien trop tôt je le crains : mon esprit appréhende, une conséquence encore dans les étoiles, et qui cruellement va commencer son cours, avec cette fête nocturne, et mettra fin à la méprisable vie que je porte en ma poitrine, par quelque vil arrêt de mort prématurée. Mais celui qui tient le gouvernail de mon voyage, dirige aussi la voile ! ». C'était toi le gouvernail, et tu as dirigé la voile jusque là, j'ai sûrement réussi à m'accrocher plus longtemps grâce à toi. Ce n'est pas une lettre d'Adieu, car je suis persuadée que l'on se reverra, quand il sera temps, et ce même si ce n'est pas ici, sur Terre. Ne te sens pas responsable, même si tu n'étais pas compatible avec moi pour la greffe, tu l'as été sur tout le reste durant six années. Notre amitié a connu de longues et belles aventures. Mais l'aventure va s'arrêter là pour moi. Mais Rosie, je veux que tu continues la tienne. Tu as tant de belles choses à vivre. Ne pleurs pas. Ecoute-moi, je serai toujours là, quelque part, où que tu sois. Tu as juste à lever les yeux, et à observer les étoiles. Promet-moi, de tenir ta promesse, celle que l'on s'était faite dans cet internat, là où tout a commencé. Tu iras à Londres, tu rencontreras un homme incroyable, un Roméo rien qu'à toi. Tu seras une grande star de la mode. Ne regrette rien. Garde toujours au fond de ton cœur une place pour moi, mais je t'en prie, garde une place uniquement pour les belles choses, et oublie la raison qui doit nous séparer aujourd'hui. Je veillerai toujours sur toi, et je t'aimerai toujours. Je veux que tout le monde te voit comme moi je te vois. Oh si tu savais comme je te vois Rosie... Tu es belle, que dis-je... Magnifique ! Ton cœur est tellement grand, beaucoup plus que le miens, car tu sais déceler en chaque humain leur part de beauté et de bonté. J'adore ton sourire quand il est sincère. J'adore le son de ton rire car c'est lui qui m'a permis de me rendre compte que j'étais toujours vivante. J'admire ton talent et l'amour que tu as pour ta passion, je sais que tu feras de grandes choses. Je suis admirative de ce style décalé que tu assumes parfaitement. Tu es un rayon de soleil ma Rosie, et tu as illuminé toutes ces pénibles journées où j'avais du mal à respirer. Donc aujourd'hui, je ne serais plus égoïste, et je te demanderais de toujours briller comme tu sais si bien le faire, mais cette fois-ci, ne le fais plus pour moi, mais pour le reste du monde. Tout le monde devrait avoir une lumière comme toi à ses côtés. Je serai sûrement jalouse de là-haut, mais rien ne me rendrait plus heureuse, que de te voir sourire et épanouie. Alors ma Rosie, ne t'éteins jamais, et surtout pas à cause de moi. Merci de t'être battue aussi fort que moi. Mais maintenant, il est temps de me laisser m'en aller. Même la mort ne pourra jamais nous séparer. Tu as été ma plus belle histoire, et la sœur que je n'aie jamais eue.

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