Chapitre 6 - Sunderland Empire

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« J'ai voyagé dans mes souvenirs, j'y ai laissé mes larmes » - Angelo Heilig

Les mots de mon professeur résonnaient dans mes pensées, cela en était presque assourdissant. L'insomnie laissait ses empreintes sous mes yeux déjà trop marqués. Heureusement, demain je n'allais pas à mon stage, Alexander avait rendez-vous avec un gros client en Irlande, et il n'avait pas les moyens de me payer le transport jusqu'à là-bas. Je ne lui en voulais pas, je savais que financièrement c'était compliqué pour lui, c'était déjà incroyable d'être en stage chez lui.

Je pris mon téléphone en main pour la quarantième fois, malgré le fait que je savais pertinemment que cela ne m'aiderait pas à m'endormir. Il était minuit passé, et j'étais toujours terrassée par un brouhaha de songes. Je mis mes écouteurs, et lança la musique « Ceux qui rêvent » de Pomme, une chanteuse française que j'affectionne particulièrement. Je me reconnais très franchement dans les paroles de cette chanson.

« Mes nuits blanches ne sont pas blanches, à peine claires
Semées d'étoiles
Petits trous dans la toile étanche
Tristes strass sur le voile
Et moi, envoutée de ténèbres
Je passe des heures infinies
À compter les moutons funèbres
Qui tapissent mes insomnies

... »

Mon écran se ralluma, étrange d'avoir une notification à cette heure là, déjà que j'en ai quasiment jamais même en journée. Je vis une demande de message Instagram. Qui cela pouvait bien être ? Je soufflai en pensant que c'était probablement encore un compte de cul qui m'envoyait un « Hi sweetie, do you want to see my wet pussy xx, link on my bio ». Seulement voilà, je crus faire tomber mon cœur dans mes chaussettes quand je vis « EdwardRedmayneOff veut vous envoyer un message ». Je verrouillai instantanément mon téléphone, et le jeta sur mon lit. Pourquoi ? Je n'en sais rien, du haut de mes vingt-trois ans, mes réactions m'étonnaient encore tellement elles étaient parfois puérils. Je soufflai un bon coup. « Rosie, tu es une adulte responsable et professionnelle, tu n'as pas à paniquer ! ». Puis, je me souvins de cette photo que j'avais accidentellement aimée. Une soudaine envie de m'enfoncer dans le sol et de me faire oublier me vint en tête. Une fois de plus, l'éternelle honte que je ressentais face à cet homme reprit le dessus. Pourquoi je me sens toujours si minable ?

Les mains moites, j'ouvris le message instantané.

« Dois-je m'inquiéter du fait est que je sois stalké par mes élèves ? »

Mon sang ne fit qu'un tour. Edward devait me détester plus que quiconque sur cette planète. Premièrement, la première fois que je l'ai vu, je suis arrivée en retard aux auditions, j'ai échoué aux exercices de confiance en groupe, puis j'ai pleuré après avoir récité une scène de Roméo et Juliette. Deuxièmement, j'ai liké une photo de lui par erreur sur les réseaux, histoire de me gangréner dans l'image de malade mentale que je devais déjà avoir, puis, ensuite, la liste est loin d'être terminée, j'ai été ivre morte devant lui, me suis vomi dessus chez lui. Puis, pour finir, j'ai refusé un nombre incalculable de fois de l'embrasser pour cette foutue pièce de Shakespeare. A ce stade, je suis même étonnée d'avoir encore ma place au sein de ce spectacle.

Pendant mon énumération interminable des bourdes que j'ai pu faire ces dernières semaines, j'avais laissé la conversation Instagram ouverte sans donner de réponse. Chose qui ne tarda pas à agacer le professeur.

« Et donc, vous jouez la lâche à ignorer ma question ?

Je pris une grande inspiration.

- Etait-ce réellement une question ou une simple constatation ?
- Un peu des deux, je l'admets.
- Alors que puis-je répondre si vous avez déjà la réponse ?
- Vous avouez donc me stalker ?

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