3 | "Une bouche silencieuse, jamais ne fait de mal."

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Voir ce camion de glace faire tache au milieu de tous ces gens, si distingués, élégants, l'a fait rire

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Voir ce camion de glace faire tache au milieu de tous ces gens, si distingués, élégants, l'a fait rire.
Elle se sent comme ce véhicule.
Addiction enfantine.
Elle n'a pas sa place non plus, tout est beaucoup trop parfait, carré.
Faux-semblants.
La jeune femme divague, déambule, s'égare sous les regards de tous ces invités, de ces divinités.
Certaines lui sourit, elle leur répond avec malice et cela semble leur convenir.
Ils sont insouciants, accueillants, un peu collants.
Une tempête arrive.
Ils ne sont pas au courant.
Elle le sent, ça va arriver, dans les prochaines heures, les prochains jours, les prochaines semaines.
Une femme aux allures de reine fait son entrée sous l'acclamation de ses invités.
Un sourire éclatant illumine son visage doré, accompagnant à merveille sa robe fleurie.
Annonciateur de renouveau, une odeur de mort plane dans la grande pièce.
Résurrection.
Un détail dont elle seule semble avoir remarqué.
Un corps sans vie est ici.
Ses mains parcourent les tables garnis, colorées de sucreries, elles frôlent les mets en tous genres reposant sur celles-ci mais quelque chose la retient.
Elle a autre chose à accomplir, sa présence, aujourd'hui, n'est pas due au hasard.
Des pas résonnent, tonnent.
Ostara gronde intérieurement.
Mais garde le sourire.
Elle attise la curiosité de la jeune femme, celle-ci la suit.
Sans honte.
Sans crainte.
Elle l'observe et la perd de vue.
La reine s'est échappée, s'est fondue dans le décor, a tout simplement quitté toute cette mascarade.
Doucement, elle s'en rapproche, se glissant contre le morceau de tissu séparant la petite scène de théâtre de la réalité, du combat décisif qui se joue derrière.
Elle ne comprend pas le sens des mots échangés, trop bas, camouflés par la musique environnante.
Agaçante.
Entêtante.
Rythme effréné, reflétant les enjeux de la journée.
Brusquement elle recule.
Le rideau s'ouvre.
Et il plonge son regard dans le sien.
Enfin la voilà.
Les petites mains blanches sont présentes.
Elle n'est plus cette apparition, cette distorsion, cette incompréhension qui l'obstine.
Petites mains blanches si désirées.
Sweeney ne cherche pas, il l'attire contre lui, la faisant pénétrer dans ce lieu, à l'écart de tout, de tous.
Les deux femmes présentes ne lui prêtent aucune attention.
Elle se glisse dans l'ombre,
Dans un coin sombre.
Par peur de déranger.
Non par peur du géant à ses côtés.
Elle profite de l'obscurité pour passer inaperçue.
L'ambiance est tendue.
Situation inattendue.
L'Irlandais paraît encore plus paumé que dans ce bar, cette nuit-là.
<<- Sympa la couleur des tifs ma jolie...>>
Elle y repense, elle en sourit.
Discrètement.
Délicatement.
<< - Ici, pour toi...>> Se permet-elle de lui glisser.
Il s'en serait douté.
Il s'en serait passé.
De cette affirmation, pas d'elle.
Pas de petite main blanche.
Désormais, il va la garder auprès de lui, au chaud, la garder loin de lui, la protéger du corbeau.
Elle ne comprend pas ce qui suit,
Les mots s'enchaînent sans qu'elle puisse les comprendre, en saisir le sens.
Question de vie,
De survie,
De retour de la mort à la vie.
Ostara s'attarde sur son cas,
Sweeney se raidit.
Petites mains blanches aussi.
<<- Et elle, qu'est-elle ?
- Une jolie rousse un peu tardive.>>
La reine écarte Sweeney.
Dignement.
Gentiment.
<<- Non, elle est bien plus que ça, pour toi. >>
La morte reprend son interrogatoire.
Musclée, elle le tient par les couilles le géant.
Littéralement.
Elle ne peut s'empêcher de détacher son regard de son visage, de son expression, d'étudier chacun de ses traits.
Fatigué, exténué.
C'est bien ce qu'il est l'Irlandais.
<<- Son destin t'appartient.
- Excusez-moi ?
- Nul mortel n'est ici, tu n'échappes pas à la règle, son destin est écrit, toi seule peut s'assurer qu'il l'accomplisse.>>
Ostara rejoint ses invités, ses adorateurs.
Impassible.
La laissant tomber.
Se questionnant, elle se glisse à ses côtés.
Silencieusement.
<<- ...plus rien à perdre car, il avait déjà tout perdu.>>
Ses mots s'adressent à la femme en décomposition mais pas uniquement.
Sweeney se parle à lui-même.
<<- Et moi, je suis quoi dans tout ça ?
- Ou plutôt qui...>>
Il n'a pas tort, elle se le demande.
Depuis trop longtemps.
Depuis lui.
<<- Une erreur de casting, un détail sous-estimé, un obstacle dans ma vie ?
- Ou peut-être bien tout ceci en même temps.>>
Petites mains blanches lui sourit.
Un incident stupide.
Une contrariété.
Un malheureux contretemps.
Une difficulté dont il est difficile de se débarrasser.
<<- Wisconsin.
- Wisconsin ? Répète la rousse.
- Erreur de parcours, suis-moi.>>

Mná | AMERICAN GODSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant